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En demandant la nationalité belge, Bernard Arnault est-il lucide ?
En demandant la nationalité belge, Bernard Arnault est-il lucide ?
©Reuters

Histoire belge

En choisissant de devenir Belge, Bernard Arnault fait-il preuve de traitrise ou de lucidité ? Une chose est sûre, son choix est symptomatique en ces temps où la communication gouvernementale désigne les patrons qui réussissent comme des privilégiés à punir financièrement.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Comme dans les années 1780, la valeur de l’impôt, sa dimension citoyenne, sa justice et son universalité sont en train de devenir les points de fixation du débat politique français.
D’un côté, un gouvernement qui voit dans l’impôt le premier recours de l’Etat, comme si l’impôt était la solution à tous nos maux, une sorte de médicament, de potion magique contre les problèmes. De l’autre, des détenteurs de fortunes immenses qui entendent bien mesurer centime après centime le surcroît d’efforts qu’ils sont prêts à consentir pour sauver le pédalo France.

L’affaire est embarrassante pour tout le monde.

Si le gouvernement choisissait de nous présenter une doctrine fiscale claire et raisonnée, convaincante en quelque sorte, montrant en quoi le redressement de nos finances publiques répond à une vision universaliste de l’impôt républicain, nous pourrions sans peine conspuer Bernard Arnault et sa traîtrise. Malheureusement, la communication gouvernementale ressemble plus à une opération de diabolisation (très sarkozyste dans sa mécanique) des plus favorisés dont on nous dit qu’ils seront les seuls à faire des efforts.

Monter la majorité des Français contre une minorité soupçonnée de tous les maux est une technique de gouvernement bien connue. Il est assez normal que les boucs-émissaires réagissent et défendent leurs intérêts. Pourquoi s’en offusquer ?

En même temps, Bernard Arnault prête facilement le flanc aux critiques sur ce sujet. Ne dit-on pas qu’en 1981 il avait déjà choisi d’émigrer aux Etats-Unis pour échapper à la gauche ? Pourquoi demander la nationalité belge, au juste ? Comme tant de Français, il pourrait choisir de s’installer en Belgique sans prendre la nationalité de ce pays évanescent. Et on aimerait qu’il nous explique quelle idée il se fait de sa participation au sauvetage de nos finances publiques.

En lieu et place de ces lumières, nous n’entendons que ses silences, et ses dénégations sur l’innocence fiscale de son geste. Il ne peut pourtant pas ignorer que le moment où celui-ci intervient prête forcément à confusion et interprétation.

Certains admireront l’audace du défi qu’un homme seul, entrepreneur de talent, lance au gouvernement de son pays. Il faut un courage rare pour s’exposer de façon aussi solitaire sur un sujet aussi scabreux. Bernard Arnault n’a pas froid aux yeux, et a l’immense mérite d’agir sans demander son reste. Ces vertus seraient un peu plus et un peu mieux pratiquées dans les couloirs du pouvoir, la France ne se trouverait sans doute pas dans cette nasse sans issue claire qui lui vaut aujourd’hui tant de désillusions. D’autres vomiront le geste du privilégié qui émigre pour ne pas payer son écot à la cause collective.

Il reste une certitude sur ce nouvel épisode dans le parcours déjà très chaotique de la nouvelle majorité : le budget 2013 constituera un moment non seulement politiquement dangereux, mais symboliquement charnière dans la mandature. Au-delà de la réaction sourde mais virulente des contribuables les plus fortunés contre l’effort qui leur est demandé, une rupture de fond est consommée dans l’acceptation collective de l’impôt.

De ce point de vue, les annonces qui percent dans la presse sur le destin de la tranche à 75% laissent pantois. Si la rumeur est vraie, l’assiette de cette contribution touchera d’abord les revenus d’activité, c’est-à-dire du travail, et exonérera les revenus du capital. Curieuse façon de remercier les entrepreneurs qui font tourner leurs sociétés. Etrange façon de favoriser les héritiers.

Si la rumeur est vraie, la tranche à 75% ne touchera pas les sportifs ni les artistes, mais frappera les chefs d’entreprise. Il vaudrait donc mieux endormir le peuple en courant après un ballon sur un stade plutôt qu’assurer des emplois aux spectateurs du match.

Là encore, entre la promesse tonitruante de campagne et son absurde réalisation, le gouvernement pourrait bien tendre le bâton pour se faire battre, et désespérer définitivement les siens.

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