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Interdit aux pauvres ? Quand passer le permis en ville devient un luxe
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Plaisir de conduire

Des écoles de conduite proposent des cours "en accéléré" pour les candidats de zones où les délais s'allongent. Un service qui a un prix : de 3000 à 5000 euros.

Patrice Bessone

Patrice Bessone

Patrice Bessone est président du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), branche formation des conducteurs.

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Atlantico : Des écoles de conduite proposent désormais de passer le permis de conduire de manière « accélérée » pour 3000 à 5000 euros. Elles jouent ainsi sur le ras-le-bol de candidats au premier sésame, qui attendent parfois depuis des mois un créneau pour le passer. Pourquoi l'examen du permis de conduire est-il si long et compliqué à passer dans certaines régions ?

Patrice Bessone : Certaines régions souffrent d'une différence entre l'offre et la demande. De plus en plus de gens souhaitent obtenir le permis. Or, si certains secteurs disposent du nombre d'inspecteurs nécessaires pour organiser le nombre de journées d'examen qu'il faut, ce n'est pas le cas ailleurs. Tout le travail, qui se fait depuis des années, est donc de mettre l'offre et la demande en adéquation et de trouver des examinateurs supplémentaires.


Or, la crise systémique que nous vivons fait que les budgets sont mis ailleurs, ce qui ne permet pas d'embaucher un nombre suffisant d'examinateurs. Pour y remédier, on tâche de jouer sur ce maillage territorial et de rajouter des dates d'examen, par exemple le samedi, ce qui ne se faisait jamais avant. Cela ne suffit pas : il y a toujours des secteurs en pénurie par rapport à d'autres. On a donc mis en place un système de réserve : les départements qui ont beaucoup d'inspecteurs envoient des journées aux départements les plus pauvres, pour éviter qu'il y ait une escalade des prix et que certains surfent sur ce problème lié aux places d'examens.

Cette pénurie peut donc s'expliquer et n'est pas constante dans le temps, ni dans la durée. Souvent, elle intervient quand quelques inspecteurs partent en arrêt maladie ou en formation. Une des solutions pourrait donc être qu'en cas de pénurie, on puisse faire passer l'épreuve théorique générale – c'est-à-dire le code – par d'autres agents que les inspecteurs du permis de conduire, et qu'on concentre les inspecteurs sur l'épreuve pratique.

J'en souris parce que ça paraît simple, mais on n'arrive pas à le faire admettre ou le faire comprendre aux syndicats du permis de conduire, qui pensent qu'ils vont perdre la possibilité d'inspecter l'épreuve théorique. Mais ça ne serait mis en place que de manière ponctuelle, pour qu'il n'y ait plus besoin de 6, 7, 8 mois pour passer son permis de conduire. C'est pragmatique, et on sait que ça fonctionnerait.

Par ailleurs, on sait que les inspecteurs du permis de conduite passent beaucoup de temps à faire de la prévention, dans les collèges par exemple. Est-ce un problème ?

Oui, le CNPA œuvre depuis 2 ans sur le fait de recentrer l'inspecteur du permis de conduire sur l'examen en lui-même. Aujourd'hui, un inspecteur passe 50% de son temps de travail à faire passer des permis. Si on faisait passer ce chiffre à 70 ou 80%, cela réglerait le problème. Le système n'est pas malade, on a tout pour qu'il puisse fonctionner. Il suffit qu'il soit regardé avec une vue plus pragmatique.

On a parlé de durée, qu'en est-il du prix ? Est-il normal qu'une entreprise fasse payer 3000 euros le permis ?

Je ne pense pas que quelqu'un trouve cela normal. Comme vous me l'avez dit, cela fait suite à un dysfonctionnement dans d'autres départements. Cette auto-école surfe sur cette situation en disant qu'elle a la possibilité d'être rapide. Si on ne veut pas arriver, au fil du temps, à des exagérations, il faut qu'on règle la question de l'accès à l'examen, qui est le problème principal, l'accès à la formation se faisant simplement. Régler ce problème de durée réglera ce problème de coût.

Le prix des leçons, qui atteint maintenant 50€ de l'heure, est-il justifié ?

Ca dépend des secteurs. 50€, c'est sûrement pour la région parisienne, mais il n'y a pas que cela en France. Le prix varie en fonction des départements.


Mais ce prix me choque pas. Après tout, ce n'est pas comme apprendre à skier, où vous venez avec votre matériel ! Vous allez dans un établissement où un formateur – d'ailleurs, on ne l'appelle plus moniteur, car il enseigne – un véhicule, le matériel, les coûts induits, comme le carburant, qui a plutôt tendance à augmenter. Il a été prouvé qu'en France, le coût de la formation n'est pas le plus élevé d'Europe. On est loin d'avoir des marges importantes. Je répète, ce n'est pas un coût exagéré.

Pourquoi n'arrive-t-on pas à faire un coût plus abordable ? Il faut demander au ministre des Finances de détaxer les salaires, le véhicule, le carburant. Depuis des années, à chaque fois qu'il y a eu une augmentation du carburant et qu'on a demandé une détaxe pour les écoles de conduite, on nous a répondu « Messieurs, vous avez une tarification libre, vous êtes des chefs d'entreprise, vous n'avez qu'à répercuter les coûts ». On ne peut pas nous faire l’offense de nous demander de répercuter les coûts, et ensuite de se plaindre que nous sommes trop chers. Il faut être cohérent.

Dans certains pays, comme la Suisse, le coût du permis est bien moindre. Le système français, avec ses 20h de conduite obligatoire, est-il à blâmer ?

Il faut faire attention : le coût du premier accès au permis, en Suisse ou dans les pays scandinaves, est inférieur. Mais il ne faut pas oublier que dans tous ces pays, une formation post-permis est obligatoire. Il faut donc remettre la main à la poche. Au total, le coût est supérieur au coût français.

En France, on est même en dessous de l'Allemagne. Sachant qu'en plus, l'Allemagne a des charges salariales inférieurs à la France. Le gain productif est donc plus important pour eux qu'en France.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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