Effet de contagion : l'explosion du chômage en Europe pourrait tuer l'économie allemande <!-- --> | Atlantico.fr
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Porté depuis 2009 par une croissance insolente de l'économie, le marché du travail allemand s'essouffle désormais.
Porté depuis 2009 par une croissance insolente de l'économie, le marché du travail allemand s'essouffle désormais.
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Effet domino

Outre-Rhin, le nombre de chômeurs, qui ne cesse d'augmenter, permet de comprendre le changement qui s'opère au sein de l'économie du pays. L'Allemagne doit plus compter sur son marché intérieur et être moins dépendante de ses exportations.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Porté depuis 2009 par une croissance insolente de l'économie, le marché du travail allemand s'essouffle désormais. Depuis le printemps et de façon régulière, le nombre de chômeurs augmente outre-Rhin. En Août, 9 000 chômeurs de plus ont été enregistrés. Ce chiffre reste modeste mais il reflète le changement qui est en train de s'opérer au sein de l'économie allemande.

Ce changement de régime est passionnant puisqu'il peut refléter l'épuisement de la dynamique observée en Allemagne.

Revenons un peu en arrière.

Depuis le début des années 2000, la dynamique du commerce extérieur a été le principal moteur de l'économie allemande. La demande intérieure, c'est-à-dire la consommation et l'investissement, n’a eu alors qu'un rôle secondaire. Tous les efforts ont été mis sur le commerce extérieur pour le rendre plus compétitif, notamment avec des réformes importantes sur le marché du travail.

Cela a bien marché. Jusqu'en 2008 la balance commerciale de l'Allemagne vis-à-vis de chacun de ses partenaires européens se gonfle, devenant très excédentaire. La logique est simple. La demande interne est contrainte en Allemagne, les revenus des ménages progressent lentement. De ce fait, la demande de produits n'est pas très dynamique. En revanche, pour de nombreux pays européens, la mise en place de la monnaie unique s'est traduite par un développement très rapide de la demande interne et donc des importations plus importantes.

C'est ce qui a permis à l'économie allemande de retrouver une allure robuste à partir de 2005 et un marché du travail fort et créateur d'emplois.

Avec la crise, les débouchés se ferment en Europe. Les Allemands réorientent leurs exportations, mettant l'accent sur l'Asie. Ce marché s'était déjà développé rapidement pour les entreprises d'outre-Rhin mais la dynamique s'accélère à tel point qu'à l'été 2009, le marché de l'Asie hors Japon surpasse celui des Etats-Unis pour ces exportateurs.

Le rebond de la croissance mondiale après la récession de 2008 se fait en Asie sous l'impulsion de la Chine. Les exportations allemandes en sont grandes bénéficiaires. C'est la capacité à capter ce marché asiatique qui explique le miracle allemand et la rapide croissance constatée depuis et qui a fait l'admiration de tous. Les entreprises françaises ont suivi le même chemin mais dans des proportions beaucoup moins importantes et donc avec des effets moins forts.

Ce détour par l'économie mondiale pour indiquer que la dynamique de l'activité et donc celle de l'emploi a été conditionnée par la capacité de l'Allemagne à investir ces marchés à l'exportation. Sa capacité d'adaptation a été telle que lorsque les échanges avec l'Europe se sont ralentis en raison de la crise, le relais a été pris par l'Asie maintenant ainsi une allure robuste à la croissance outre-Rhin.

Aujourd'hui, le commerce mondial évolue sur un rythme plus lent et les perspectives de croissance de l'économie globale sont préoccupantes. L'Amérique peine à dépasser 2% de croissance. En Chine, et en Asie, le modèle est grippé. En Europe, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni sont en récession et l'économie française n'est pas très vigoureuse.

Mais les exportations représentent aujourd'hui plus de 50 % de la production allemande mais moins de 30% en France. Face aux bouleversements de l'économie mondiale, l'Allemagne devra modifier en profondeur ses priorités et devenir moins dépendante de ses exportations.

Il lui faudra sûrement compter davantage sur son marché intérieur pour éviter une dégradation trop rapide de son marché du travail. Car l'enjeu est là. Comme les débouchés vers l'Asie ou ailleurs sont moins vifs, la production et donc l'emploi deviennent beaucoup plus dépendants de la situation en Allemagne. Le chômage pourrait y progresser rapidement.

Il peut néanmoins y avoir une solution. Il faudrait que l'économie européenne retrouve une plus grande stabilité. Cela bénéficierait à tous et notamment aux entreprises allemandes.

Le surplus budgétaire allemand, qui a été évoqué récemment, n'est pas une nécessité à court terme. Il est préférable de mettre des ressources pour alimenter davantage le marché intérieur allemand et contribuer ainsi à l'amélioration globale de la situation européenne. L'enjeu est de taille mais la solution pour l'emploi allemand passe surement par une redéfinition des priorités pour le gouvernement d'Angela Merkel. Et tendre vers le plein emploi est beaucoup plus ambitieux que de dégager un excédent budgétaire.

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