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Alerte enlèvement : mais où est passée Marine Le Pen ?
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Cure d'abstinence médiatique

La polémique sur les Roms et le débat autour du pacte budgétaire européen offrent un boulevard médiatique à Marine Le Pen. Pourtant, la présidente du FN ne s'exprime plus publiquement depuis l'élection présidentielle. Comment expliquer ce silence ?

Sylvain Crépon

Sylvain Crépon

Sylvain Crépon, docteur en sociologie et chercheur au laboratoire Sophiapol de l'université Paris-Ouest-Nanterre, étudie le Front national depuis le milieu des années 1990.

Auteur de plusieurs travaux de référence sur l'extrême droite, ses recherches portent également sur les minorités religieuses en France et en Europe.

Son dernier livre : Enquête au coeur du nouveau Front national (Nouveau Monde Editions, mars 2012)

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Atlantico : La polémique sur les Roms et le débat autour du pacte budgétaire européen semblent offrir un "boulevard médiatique" à Marine Le Pen. Comment expliquer son mutisme ces derniers temps ?

Sylvain Crépon : Lorsqu’il y a de grandes polémiques sur les thématiques proches du FN, on se rend compte souvent que le Front national reste un peu atone. Cela avait été le cas en 2002 en pleine polémique sur l’insécurité. Le FN était resté silencieux et cela avait étonné tout le monde.

Les responsables frontistes expliquent toujours la même chose. Premièrement, ces thématiques sont actives pour le Front national. Il n’y a quasiment même plus besoin de faire campagne car cela leur sert déjà. S’ils faisaient campagne sur ces thématiques, cela pourrait les desservir puisqu’aujourd’hui, que ce soit à l’UMP ou au PS, il existe une sorte d’unanimité sur cette question de la nécessité du démantèlement des camps de Roms et de l’expulsion de ces derniers quand ils n’ont pas de papiers.

Si le FN entrait dans la danse, il serait inaudible puisqu’il serait à l’unisson des discours des grands partis. Et c’est justement ce que le FN déteste par-dessus tout. Il cherche toujours à affirmer sa singularité. S’il veut se singulariser, il a tout intérêt à ne pas rentrer dans ce débat.

De plus, sur toutes ces questions (insécurité, immigration, Roms...), en arrière-plan, dans l’imaginaire, la figure du FN est toujours présente. La gauche disait que Sarkozy faisait du Le Pen, maintenant on dit que Manuel Valls fait du Sarkozy et même du "lepénisme de gauche".

Lors de la rentrée politique du FN, notamment à l’université d’été prévue à la fin du mois, Marine Le Pen devrait alors en mettre une petite couche. Mais je ne suis même pas sûr qu’elle insiste beaucoup là-dessus.

Dans les jours qui suivent, les attaques du Front national devraient donc plus se concentrer sur les questions de souverainisme et de protectionnisme …

Oui, je pense que c’est ici que le FN va pouvoir se singulariser. On peut déjà prévoir que l’UMP et le PS vont abonder dans le sens du traité européen. Le Front national laisse s’accentuer les dissensions dans chaque camp et ensuite, il va essayer d’apparaitre comme étant le parti qui s’oppose explicitement au traité. Il va alors rejouer sa mélodie qu’on connaît par cœur, celle du défenseur des "petites gens" qui s’oppose à la financiarisation et à l’Europe de Bruxelles.

D’autres partis, comme le Front de gauche, vont faire de même, mais ils n’ont pas le même poids électoral que le FN.

Marine Le Pen ne devrait donc pas rejouer "la bataille des fronts" en axant ses critiques sur le parti et la personnalité de Jean-Luc Mélenchon ?

Elle devrait effectivement ignorer le Front de gauche. Se confronter à Jean-Luc Mélenchon reviendrait à se mettre à sa hauteur.

Marine Le Pen prétend prendre le pouvoir. Elle devrait alors se concentrer sur les grands partis que sont l’UMP et le PS. Elle va chercher à être le premier opposant du gouvernement. Une stratégie double : attaquer le gouvernement et son premier opposant.

Concernant l’UMP, elle devrait tout de même attendre qu’un candidat à la présidence du parti se démarque.

Marine Le Pen changera-t-elle sa stratégie en fonction du résultat de l’élection à la présidence de l’UMP ?

Que ce soit l’un ou l’autre, elle appliquera la même stratégie. Dans tous les cas, je pense qu’il n’y aura pas d’alliance avec le FN. Au niveau national, cela serait complètement suicidaire pour l’UMP.

Le résultat de l'élection à la présidence de l'UMP jouera sur les thématiques. Jean-François Copé défendra une ligne "Sarkozy-Buisson" et chassera davantage sur les terres du Front national. François Fillon, sur la ligne du gaullisme social, devrait, au contraire, se rapprocher du centre.

Si l’affrontement Copé-Fillon dégénère, peut-on imaginer qu’une certaine frange de l’UMP se tourne vers le FN ?

Je ne crois pas. Aux législatives, la moitié de ceux qui appuyaient la ligne Buisson et qui faisaient partie de la droite populaire n’ont pas été élus au Parlement. La droite populaire existe au sein de l’UMP, mais le jour où ils se rapprocheront du FN, ils seront morts politiquement.

Jacques Bompard à Orange a réussi à survivre en naviguant entre FN et souverainisme de droite mais cela reste un cas isolé et marginal.

(Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud)

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