Arnaud Montebourg pousse à consommer "made in France". Pourquoi c'est économiquement impossible... <!-- --> | Atlantico.fr
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Les composants français constituaient en moyenne 67% des produits fabriqués en France contre 75% en 2001.
Les composants français constituaient en moyenne 67% des produits fabriqués en France contre 75% en 2001.
©Reuters

"Nos emplettes sont nos emplois"

Malgré les bonnes intentions du gouvernement, le nombre de produits fabriqués en France baisse inexorablement. Et même dans le "made in France", la part des composants importés de l'étranger augmente.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Lundi à Beaune le ministre du Redressement productif a enfin pu sourire devant les caméras en visitant une usine. Cette fois il ne s’agissait pas d’une énième fermeture mais de l'extension d'une usine Atol, une société coopérative d’optique qui a relocalisé (ô joie !) une partie de sa production en France il y a 7 ans.

L’occasion pour Arnaud Montebourg de réoccuper le terrain médiatique avec un sujet qui l’avait fait briller lors des primaires, le consommer français comme pendant à la démondialisation. Le ministre a choisi un slogan pour le moins anxiogène « Dans tout consommateur, il y a un chômeur en puissance » alors que les chiffres catastrophiques de l’emploi viennent d’être publiés. On est bien loin de communication bon enfant des Chambres de commerce et d’industrie en 1993, en pleine crise économique aussi, « Nos emplettes sont nos emplois ».

Le ministre entend surfer sur le changement de comportement d’achat des Français. En novembre 2011, dans le cadre d’une étude Ifop, ceux-ci se déclaraient à 66% prêts à payer jusqu'à 10% plus cher pour des produits fabriqués en France. Le marquage du pays d’origine est considéré comme un critère d’achat essentiel selon une étude TNS Sofres de mars 2010. Les Français s’y montraient très attachés aux produits de consommation portant la mention "Fabriqué en France". 95% des Français estimaient important, dont 65% très important, que les entreprises indiquent aux consommateurs si leurs produits sont fabriqués en France, et près de 93% d’entre eux déclaraient même qu’il s’agissait d’une information pouvant motiver leur décision d’achat. D’ailleurs les Français ont une confiance croissante dans la qualité des produits français leur proportion étant passée de 32% en 1999 à 52% en 2010.

Du verbe et des paroles en l’air

Les bonnes intentions auront du mal à sa traduire en acte. Il faut bien saisir que les industries nationales produisent une part de plus en plus faible des produits consommés en France. Les statistiques fiables sont très difficiles à obtenir. La première édition de l’Observatoire du fabriqué en France, mis en place par Christian Estrosi, a toutefois montré que la part des produits fabriqués en France vendus sur le marché français aurait baissé en dix ans, de 66% à 62%.

Dans son second rapport d’avril 2012, nous apprenions que les composants français constituaient en moyenne 67% des produits fabriqués en France contre 75% en 2001. Ainsi en 2010, brave consommateur patriote, auriez-vous décidez d’acheter une voiture fabriquée en France d’une valeur de 10.000 euros que vous auriez déjà consommé 3.100 euros de composants étrangers. Et ne parlons pas d’un lave-linge de 500 euros made in France pour lequel vous auriez versé rubis sur l’ongle 205 euros à des fabricants étrangers. Cela vaut également pour nos produits d’exportation traditionnels. Ainsi, en 1999, le matériel aéronautique et spatial conçu en France comprenait 65% de composants eux aussi produits sur le territoire national, il affiche un recul de 16 points aujourd’hui.

Le désert du Made in France

Depuis mai 2010, l'association Pro France a obtenu la création d'un véritable label au sens juridique du terme, appuyé sur un cahier des charges rigoureux, et non d'une mention commerciale de référence à l'origine. La mission de certification a été confiée bureau d’études indépendant Bureau Veritas et a abouti à la création d'un référentiel applicable à tous types de produits s’ils remplissent deux conditions : au moins 50% de la valeur du produit doit avoir été acquise sur le territoire national et le lieu où il a pris ses caractéristiques essentielles est situé en France.

Arnaud Montebourg a beau jeu de qualifier Atol de « hussards de l'industrie française », on est encore loin de la cavalerie napoléonienne. Pour l’instant le nombre d’entreprises agréées reste modeste. A peine 338 produits ont été homologués en plus de 2 ans d’existence, ce qui s’explique par le faible nombre de productions industrielles capables de répondre aux conditions d’obtention. Vouloir changer la structure industrielle du pays via le seul ajustement des comportements des consommateurs se révèle donc très illusoire.

Alors que les experts du BIPE anticipent une érosion du pouvoir d’achat des ménages de l’ordre de 0,6% en 2012 et 0,5% en 2013 et que les dépenses contraintes des ménages devraient croître de 3,3% en 2012 et de 4,4% en 2013, il semble hautement improbable que le made in France fasse davantage recette dans les linéaires malgré les incantations de notre ministre.

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