A Hue et à dia
UMP : colombes et faucons…
Au sein de la majorité, le débat sur la laïcité et son volet sur l’Islam ne vont pas sans susciter une certaine tension.
Anita Hausser
Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015).
L’opposition a beau jeu de s’indigner à propos du débat sur l’Islam en France voulu par Nicolas Sarkozy ; la majorité est mal à l’aise avec le sujet et divisée sur l’opportunité de sa tenue. Le remaniement avait fait passer la question au second plan la semaine dernière, ce qui a permis à Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP de « relooker » le thème : le débat sur l’Islam dont l’intitulé sent le soufre, a été rebaptisé en Débat sur la Laïcité, avec un volet sur l’Islam. Il est toujours programmé pour le 5 avril sous forme de Convention de l’UMP, mais le sujet alimente toutes les réunions politiques à l’Assemblée, et ce matin encore a fait l’objet de mises au point à la réunion du Bureau Politique de l’UMP.
Dans cette multitude de prises de positions, on retrouve pêle-mêle des adversaires résolus au débat, des craintifs - à l’instar de Bernard Accoyer, ou encore l’ancien Garde des Sceaux Dominique Perben- encore échaudés par le débat raté sur l’Identité Nationale qui avait tourné court à la suite de dérapages racistes ; et ceux qui, à l’inverse, regrettent que ce débat ait été abandonné en rase campagne ; ceux qui redoutent une stigmatisation des Musulmans et ceux qui veulent au contraire adresser un message de fermeté aux prosélytes qui cherchent à contourner les règles de la laïcité dans les écoles en réclamant des menus hallal. Question récurrente à la fois idéologique et électoraliste, il y a ceux qui espèrent, avec des mesures concrètes, barrer la route au Front National, et ceux qui craignent que le débat profite finalement au parti de Marine Le Pen. Le président du groupe UMP, Christian Jacob, a reconnu que la question « fait débat ».
Quant à François Fillon qui avait lundi sur RTL exprimé des réserves sur la tenue de ce débat, il s’est ravisé. Il en loue désormais les mérites et a répliqué le lendemain à l’ancien Ministre des Affaires Etrangères, Hervé de Charrette, qui le qualifiait de « malsain » : « Ce débat est nécessaire pour tenir compte des évolutions de la société française et de l'augmentation du nombre de nos concitoyens de confession musulmane. Et il est nécessaire qu’ils puissent vivre leur foi librement et dignement. Et chacun sait ici que ça n'est pas toujours le cas... Célébrer les mérites de la laïcité au moment où souffle un vent de liberté dans le monde arabe, c’est en réalité être utile à tous ceux qui souhaitent dégager un équilibre entre le temporel et le spirituel. » Les réticences du Premier ministre auraient été levées lors de la réunion du groupe UMP à l’Assemblée. Jean Léonetti notamment y soulignait les vertus de ce débat pour le « vivre ensemble ».
« Vivre ensemble », « pas de stigmatisation », belles paroles que l’on entendra sans doute à la Convention de l’UMP. Et après ? Sur quoi débouchera ce débat ? Sur des propositions concrètes sur le financement des Mosquées par exemple, ou des résolutions pour apaiser les tensions communautaires, comme le souhaitent certains responsables UMP ? Ce débat qui va se prolonger jusqu’à la présidentielle, contribuera -t-il à consolider le socle des électeurs de Nicolas Sarkozy -qui frôle la cote d’alerte- au premier tour, afin que le président sortant soit en position de force pour le deuxième quel que soit son adversaire ? Ou bien, comme la Gauche en soupçonne le chef de l’Etat, ce débat a-t-il pour but de favoriser une montée du Front National pour rééditer le scénario du 21 avril 2002 ? Quand on lance un ballon, on ne sait jamais comment il va retomber … pas plus qu’on ne sait comment un débat, une fois dans l’opinion, va tourner.
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