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Le franglais va-t-il détruire la langue française ?
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Rouleau compresseur

François Hauter revient sur le phénomène d’"anglicisation" et sur ses conséquences désastreuses sur notre langue. Extraits de "Le bonheur d'être français" (1/2).

François Hauter

François Hauter

Journaliste et écrivain, François Hauter est l'auteur du livre "Le bonheur d'être français" aux éditions Fayard.

Il a obtenu le prix Hachette et le prix Albert-Londres.

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Le français est bel et bien grignoté par l’anglais dans les générations montantes. Dans les banlieues, le rap (c’est-à-dire la tchatche) est en franglais. Dans les entreprises multinationales comme Renault, l’anglais est devenu la langue de travail des cadres supérieurs. Les pessimistes s’en désolent : la plupart des humains sur terre sont attachés à leur langue comme à une bouée de sauvetage. C’est d’autant plus vrai que les peuples fondateurs d’empires ont toujours jugé superflu l’apprentissage d’autres idiomes.

Nous méprisons silencieusement ceux qui ne parlent pas le nôtre, à l’égal des Grecs anciens ou des Anglais encore aujourd’hui. Nos compatriotes âgés sont désorientés aujourd’hui par ce melting pot franco-anglais. Les optimistes rappellent que les langues sont le produit d’échanges très anciens, et que le dialogue ne leur nuit pas. Aucun parler n’est la création d’un seul peuple. Le nôtre se souvient d’une centaine de langues, avec une foule de mots germaniques, italiens, arabes et encore davantage de termes latins et grecs. Chacun accommode les mots. Les Italiens transforment les « os » du Grec en « us » : Homeros devient Homerus, le mont Olympos mont Olympus. Nous, nous supprimons la dernière syllabe : nous disons Homère, Alcibiade, Aristote ; Titus Livius devient Tite-Live en France, et Titos-Livios chez les Grecs. À l’époque de la Renaissance, les arts et la mode viennent (déjà) de Rome, l’italien est en vogue. Nos gardiens de la langue nationale montent sur leurs ergots : ils tentent de démontrer la suprématie du français. Ils usent d’un argument singulier : le français est incomparable, expliquent-ils, car il compte davantage de mots grecs !

À partir du XIXe siècle, changement de cap : le français emprunte surtout à l’Angleterre. Ce n’est qu’un juste retour des choses : après la conquête de l’Angleterre par les Normands, la cour à Londres s’est exprimée plusieurs siècles durant en français. L’anglais s’est ensuite détaché, formé, à partir de ce français médiéval et de l’allemand. Le mot « budget », me raconte Jean d’Ormesson, provient par exemple du mot « bougette », la bourse que l’on portait à la taille. Des termes que les Anglais ont d’abord pris aux Français, comme interview venant d’« entrevue », reviennent ensuite chez nous. Nous n’allons donc pas reprendre la guerre de Cent Ans pour cela.

[…]

L’expansion de l’anglais comme lingua franca de l’humanité va accélérer son évolution et son affaiblissement. Les Britanniques commencent à s’en inquiéter. Dans cette Babel qu’est devenue la terre entière, notre langue française s’est d’abord considérablement appauvrie au XIXe siècle, lorsque les langues régionales, et même la langue des signes inventée par l’abbé de l’Épée, ont été interdites. Elles apportaient des trésors au patrimoine du français.

Aujourd’hui, le français se défend correctement, mais il pourrait beaucoup mieux faire. Sa force, ce sont le millier d’Alliances françaises dans le monde, qui font apprendre et aimer notre langue à 400 000 personnes par an ! Les Allemands, avec l’institut Goethe, les Chinois, avec les instituts Confucius, ont suivi l’exemple. La France dispose également de plus de 400 établissements scolaires – collèges et lycées – dans 133 pays, où l’enseignement est dispensé en français, avec une petite spécialisation sur la langue du pays dans lequel l’école est implantée. Ces lycées, de bonne réputation, accueillent 281 000 élèves par an, dont les 106 000 enfants des 1 500 000 Français expatriés dans le monde, et 175 000 jeunes étrangers.

[…]

Le recul du français dans le monde, je l’ai constaté partout, n’est pas inéluctable. La réputation de notre pays est excellente, celle de ses habitants l’est beaucoup moins, mais la musique de notre langue sonne aux oreilles des Asiatiques comme l’Italien résonne aux nôtres. Pourquoi ne savons-nous pas nous adapter au monde tel qu’il est ? Est-ce parce que nous sommes imbus de nous-mêmes ? Ou parce que nous vivons dans la douceur et le confort trop douillets de notre pays ? Notre langue porte nos émois et notre lyrisme : il serait temps que nous sortions de nos souvenirs de grandeur, que nous cessions de nous fixer sur notre nombril hexagonal, si nous voulons que d’autres enfants que les nôtres puissent s’enchanter de réciter : « Tâche que les tasses de thé tachetées que tu as achetées soient attachées et tassées » ! Après ce ragoût franco-britannique j’ai faim soudain d’authenticité. Direction Carcassonne. Dans une France de gastronomes.

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Extrait de "Le bonheur d'être français" aux éditions Fayard (9 mai 2012)

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