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Récession, et alors ? Concentrons-nous sur les vrais problèmes de l'économie française
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Consommation vs Finances publiques

La Banque de France prévoit un recul du produit intérieur brut français de 0,1% au troisième trimestre 2012. Le pays entrerait donc en récession.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : La Banque de France s'attend à un recul de 0,1% du PIB de la France au troisième trimestre de cette année. Nous connaîtrons donc un recul du PIB sur deux trimestres, ce qui signifie que la France entre en récession. Doit-on s’inquiéter, même si cette récession est modérée ?

Jean-Marc Daniel : Non seulement il faut voir que la récession annoncée est modérée, mais aussi qu’il peut y avoir des erreurs statistiques. On pourra très bien annoncer qu’il y a eu non pas -0,1 % mais +0,1%.

Ce ne sont que des prévisions. Un point du PIB, c’est 20 milliards d’euros, donc 0,1 point de PIB, c’est 2 milliards d’euros. Aussi suffit-il qu’il y ait un grand contrat d’export ou un grand projet de l’Etat pour combler cet écart.

Ce qui est important, c’est que nous nous trouvons actuellement dans une phase du cycle économique où il devrait y avoir une croissance plus élevée, alors que la crise de 2008-2009 était dans une logique cyclique de l’économie mondiale qui était, sinon normale, du moins prévisible. Aujourd’hui, il s’agit d’un réel affaiblissement de l’économie française, qui est aberrant.

Comment expliquer cet affaissement ?

Il est essentiellement lié à la politique économique, c'est-à-dire à la remise en ordre des finances publiques dans la zone euro.

En France, on est persuadé que le moteur de la croissance est la consommation. Mais ce n’est pas le cas : la consommation est une conséquence de la croissance. Les trois moteurs de la croissance sont les exportations, la politique budgétaire et l’investissement privé.

Si l’on regarde les exportations, les principaux partenaires commerciaux de la France ne sont pas dans une situation économique très favorable, en Europe et aux Etats-Unis. L’une des déceptions du moment est la reprise tardive des Etats-Unis, pays qui reste une économie déterminante au niveau mondial, où il y a certes de la croissance, mais qui n’a pas retrouvé le niveau de croissance cyclique attendu.

Du côté de la politique budgétaire, c’est une politique restrictive qui ne soutient pas la croissance.

Reste l’investissement privé, qui ne répond pas à ces besoins. C’est d’ailleurs ce que la Banque de France a constaté, puisqu’elle consulte les entreprises afin d’obtenir des indicateurs de terrain, qui montrent que les entreprises n’investissent pas.

Vous l’avez dit, il ne s’agit que d’une estimation. Pourrait-elle s’avérer pessimiste ?

Compte tenu du contexte international, on peut s’attendre, hélas, à une confirmation de ces prévisions, voire à une légère dégradation de la situation. Les autres institutions, comme le FMI, revoient systématiquement leurs prévisions de croissance à la baisse pour la zone euro. La situation en Italie, avec les mesures prises par M. Monti, s’est beaucoup plus détériorée que ce qui avait été prévu initialement. L’Allemagne est aussi en situation de croissance quasiment nulle. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de raison objective de penser que cette prévision soit ultra-pessimiste. On ne s’attend pas à un changement dans les moteurs de croissance que j’ai cités.

Dans l’annonce d’une récession, les conséquences les plus importantes pour la France ne sont-elles pas surtout en termes d’image, à l’heure où on parle beaucoup de « l’opinion » des marchés ?

La vision que l’on a des marchés à l’heure actuelle réside essentiellement dans les taux d’intérêts auxquels les Etats empruntent. La France emprunte à des taux d’intérêt légèrement négatifs à court terme. La vision de ce qu’il se passe à court terme est donc plutôt favorable. Cela dit, compte tenu de la situation de l’économie française, les taux d’intérêts restent plutôt élevés à long terme. Nous n’avons pas de croissance, mais pas non plus d’inflation : les prévisions d’inflation avoisinent les 1,5%. Ainsi, les taux d’intérêt à 2% pénalisent l’activité économique. Les marchés sont donc assez dubitatifs sur le long terme, avec des taux à 10 ans qui ne sont pas aussi bas que les taux allemands, par exemple.

A court terme, la vision des marchés est au contraire celle d’une économie française importante, qui ne fait pas d’erreur majeure en politique économique, qui a du ressort.

Une France en récession se distingue-t-elle dans le paysage européen ?

Au contraire : la grande caractéristique de la zone euro, voire même du Royaume-Uni (encore que le Royaume-Uni commence à avoir des indicateurs plus positifs), est que les politiques restrictives qui ont été mises en place et qui sont extrêmement brutales pèsent objectivement sur la croissance. C’est pourquoi un certain nombre d’économistes les qualifient de contre-productives.

C’est un peu l’histoire d’Achille et de la tortue : on veut rattraper la tortue, mais lorsque l’objectif est atteint, la tortue a elle-même déjà avancé, et il faut donc recommencer la politique restrictive.

Vous pensez donc que ces politiques budgétaires, qualifiées d’austères, sont surtout délétères ?

Je pense que ces politiques restrictives font une erreur, celle de ne pas faire la distinction entre le déficit structurel des finances publiques et le déficit conjoncturel, c'est-à-dire celui qui est lié à la panne de croissance. Il faut se donner des objectifs à moyen terme, des objectifs calés sur le cycle économique. On voit à peu près comment celui-ci se déroule aux Etats-Unis, qui est l’économie qui nourrit ce cycle économique.

Au lieu de courir après des déficits indépendamment de la situation conjoncturelle, il faudrait définir de nouveaux termes pour lutter contre les déficits structurels. Par exemple décider qu’en 2017, le déficit structurel devra être nul ou inférieur à 0,5%, qui est l’engagement européen que les pays ont fixé au travers des nouveaux traités.

Propos recueillis par Ania Nussbaum.

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