Pornographie : stimulateur sexuel ou objet de frustration et de dégoût ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’avantage du film porno ? C’est qu’il montre tout. L’inconvénient ? C’est qu’il montre tout et enlève les nuances.
L’avantage du film porno ? C’est qu’il montre tout. L’inconvénient ? C’est qu’il montre tout et enlève les nuances.
©Reuters

Overdose

Malgré les nombreuses critiques, la pornographie suscite chez beaucoup une excitation sexuelle. Le docteur Sylvain Mimoun évoque toutefois les dérives possibles dues à la surconsommation de ce genre d'images. Extraits de "Antiguide de sexualité" (2/2).

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun est gynécologue, andrologue, psychosomaticien. Il est directeur du Centre d'andrologie de l'hôpital Cochin à Paris; Il est également chroniqueur radio et TV, notamment au Journal de la santé (France 5) où il tient la rubrique "Questions sexo".

Il est l'auteur de "La masturbation rend sourd : 300 idées reçues sur la sexualité " aux éditions First.

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À la différence des animaux essentiellement dominés par leurs hormones, les humains fonctionnent également avec leur imaginaire. L’intérêt de la pornographie est de le stimuler, pour susciter une excitation sexuelle chez l’homme, la femme, ou le couple, pour peu qu’ils ne soient pas effrayés par ce qu’ils voient à l’écran. Certains disposent de nombreux fantasmes dans leur tête et n’ont pas la nécessité d’avoir recours à un support extérieur pour déclencher ou entretenir leur désir sexuel, d’autres en ont besoin. Les couples qui ont plusieurs années de vie commune peuvent également apprécier ce petit booster pour pimenter leurs nuits, casser la routine, le film pornographique servant alors de sel et de poivre sur la libido.

Il est important de savoir ce que chacun peut accepter, en admettant toutefois l’idée d’être « un peu » choqué, car c’est la transgression qui émoustille. La pornographie peut aussi permettre d’apprivoiser ce qui rebute. Ainsi, un homme dégoûté par le cunnilingus s’est rendu compte que cette pratique l’excitait quand il la voyait à l’écran : petit à petit, il a dépassé sa répulsion première et a adopté cette pratique pour son plus grand plaisir et celui de sa compagne qui l’appréciait.

Des dérives possibles

L’avantage du film porno ? C’est qu’il montre tout. L’inconvénient ? C’est qu’il montre tout, enlève les nuances, à commencer par l’émotion. Cette impasse est risquée pour les hommes immatures sexuellement. Nous sommes dans une société où apparemment tout est permis et ces frontières floues perturbent les plus fragiles. Autrefois, le cadre était posé et on pouvait le transgresser en sachant où se situaient les limites, mais en l’absence de bornes, comment naviguer ? Chacun est renvoyé à sa propre morale, à l’édification de son propre cadre, ce qui demande une certaine stabilité psychique, incluant le respect de la morale et des limites de son ou sa partenaire.

Certains gros consommateurs finissent par tomber dans l’addiction et, comme l’intérêt s’émousse au fil du temps, ils vont être contraints d’aller sur des sites de plus en plus hard. Bien souvent, ils sont accros aux mêmes scènes sadomasochistes, ou fétichistes, et ont besoin de stimulations de plus en plus importantes, avec une augmentation des violences… L’ennui est que les détracteurs parlent de ces films borderline pour condamner toute pornographie. Certes, il arrive que la femme y soit humiliée, mais ce n’est pas son but, qui reste essentiellement de montrer des femmes excitées sexuellement, ce qui excite les hommes. Autre écueil de la pornographie : certains hommes imaginent que cette stimulation majeure va leur garantir une bonne érection, ce qui est loin d’être garanti justement ! Ils visionnent des hommes en érection constante, souvent dotés d’un sexe disproportionné par rapport à la moyenne et qui ont l’air de faire jouir leur partenaire pendant des heures… Se trouver en compétition sexuelle avec Rocco Sifredi n’a rien de très rassurant !

Enfin, une partie des addicts au film porno ont tellement pris l’habitude de se masturber devant des images qu’ils ne peuvent plus faire l’amour avec une partenaire en chair et en os sans ce soutien visuel : on imagine sans difficulté les problèmes qu’ils rencontrent… À ce stade, il est impératif de demander de l’aide pour se réconcilier avec son imaginaire, cette spirale étant vraiment sans issue. Enfin, trop de porno tue le porno… On voit certains de ses adeptes retourner leur veste et crier haro sur les films, sous prétexte de légalité, les arguments moralisateurs ou religieux ayant moins de poids aujourd’hui. Prenons garde à ces nouveaux papes de la vertu : ils ne veulent plus se désaltérer dans l’eau qui les a rafraîchis jadis et s’emploient ardemment à en détourner les autres…

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Extrait de "Antiguide de sexualité" aux éditions Bréal (23 avril 2012).

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