Le Sahel en perdition : le Maroc doit agir pour empêcher que la situation au Mali dégénère dans toute la région<!-- --> | Atlantico.fr
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Le principal danger qui menace le Mali sont les groupes terroristes de type Aqmi. Face à ce péril, tout le problème est la faiblesse de l’Etat malien et de ses forces armées.
Le principal danger qui menace le Mali sont les groupes terroristes de type Aqmi.  Face à ce péril, tout le problème est la faiblesse de l’Etat malien et de ses forces armées.
©Reuters

Effet domino

Déstabilisé par des mouvements terroristes, le Mali inquiète les pays environnants. Si l'Algérie s'est auto-proclamée gendarme du Sahel, c'est son voisin marocain qui tient entre ses mains l'avenir de la région.

Charles  Saint-Prot

Charles Saint-Prot

Charles Saint-Prot est directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris. Spécialiste du monde arabe et de l’Islam, il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence traduits en plusieurs langues.

Il a récemment publié Mohammed V ou la monarchie populaire, Paris-Monaco, Le Rocher (2011).

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La situation sécuritaire de la région sahélo-saharienne et la question de l'intégrité du Mali sont des plus préoccupantes. Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, a évoqué le risque de ce qu’il a appelé un "sahelistan", c’est-à-dire d’une zone où règnerait des groupes extrémistes comme Aqmi ou Mujao.

A vrai dire, cela serait pire que l’Afghanistan en raison de la proximité de ce territoire avec le Maghreb et les pays européens. Ce qui est clair aujourd’hui est l’extrême faiblesse du gouvernement malien qui ne peut contrôler son immense territoire, notamment au nord où il y a une situation de non-droit qui laisse le champ libre à la rébellion touarègue du MNLA, d’une part, et à l’agitation de groupes terroristes, Aqmi et autres plus ou moins affiliés, d’autre part.

La revendication touarègue n’est pas de même nature que l’activisme radical. Elle peut et doit trouver une solution politique. En revanche, le danger le plus grave est celui des milices du type Aqmi. On sait que le rêve de groupes terroristes et, aussi, il faut le souligner, de leurs partenaires narcotrafiquants est d’avoir un territoire qui puisse leur servir de sanctuaire. Face à ce péril, tout le problème est la faiblesse de l’Etat malien et de ses forces armées. Cela devrait obliger les principaux pays de la région à prendre la mesure du problème et à aider le Mali.

Or, jusqu’à présent le régime algérien a prétendu s’autoproclamer le gendarme du Sahel et être le chef de file d’une structure régionale de lutte contre le terrorisme qui était surtout un moyen d’exercer une influence et de se valoriser auprès des Etats-Unis et des pays européens, qui sont par ailleurs sévères sur la situation politique et économique de l’Algérie. L’échec d’une gestion sécuritaire algérienne est patent.Il s’explique par le fait qu’Alger s’est ingénié à écarter l’autre grand de la région, le Maroc, de toutes les structures régionales de coopération en matière de sécurité et de défense. Or, rien ne peut se faire sans le Maroc qui est naturellement un pays du champ, puisqu’il a des centaines de kilomètres de frontières avec la Mauritanie.

Depuis des décennies, Alger nourrit des ambitions hégémoniques dans la région. Ces ambitions, qui sont en contradiction avec une action positive qui consisterait à favoriser la coopération régionale, notamment l’intégration maghrébine, ont conduit, dans les années 1970, le régime algérien à créer de toutes pièces l’affaire du Sahara marocain, avec l’aide du bloc communiste, afin de s’octroyer un accès vers l’Atlantique et affaiblir le Maroc. Depuis, tout le Maghreb et le Sahel - et l’Afrique tout entière - sont empoisonnés par ce dossier qui n’est qu’un reliquat de la Guerre froide.

Il est remarquable que la position actuelle de l’Algérie est assez incompréhensible puisque, d’une part, elle prétend défendre l’intégrité du Mali et être hostile à l’instauration d'un Etat de l’Azawad, sachant qu’il y a une forte minorité touarègue en Algérie, et, d’autre part, elle travaille à la création d’un Etat fictif au Sahara marocain, c’est-à-dire qu’elle porte atteinte à l’intégrité du Maroc. De plus, on peut se demander comment l’Algérie concilie ses déclarations visant à préserver la stabilité au Sahel et au Sahara alors qu’elle soutient le mouvement Polisario qui est l’un des facteurs de déstabilisation et d’insécurité dans la région. Le moins que l'on puisse dire est que la politique algérienne a du mal à trouver une cohérence. En tout cas, le jeu algérien est dangereux et d’autant plus vain que le Maroc est une puissance saharienne, sahélienne et africaine de premier ordre que personne ne peut ignorer.

Les événements récents démontrent que la stabilité dans toute cette partie de l’Afrique ne peut être garantie sans une forte implication du Royaume chérifien. C’est une évidence qui n’échappe pas aux pays concernés. Lors d’une récente visite au Maroc, le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra a demandé l'aide du Maroc. En réalité, tous les dirigeants africains savent que le Maroc est un acteur essentiel dans toute la zone.

L’engagement personnel du roi Mohammed VI a fait que le Maroc est le seul Etat maghrébin qui ait une politique africaine d’envergure et qui soit crédible auprès des pays africains. En outre, la coopération économique est remarquable et les investissements marocains y sont nombreux. Le Maroc a donc un important capital de confiance sur la scène régionale, comme sur la scène internationale. Il est totalement impliqué dans la lutte antiterroriste et il a les compétences nécessaires et une vision claire et sans équivoque, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Personne ne peut prétendre se passer de l’expertise du Maroc dans la recherche d’une solution au problème malien et, plus largement, à la question de la sécurité régionale.

Il doit être clair que la lutte contre les groupes terroristes et l’instabilité régionale doit impliquer pleinement le Maroc. D’ailleurs, Rabat a déjà pris l’initiative d’appeler à une intervention urgente des États islamiques et de la communauté internationale pour protéger le patrimoine du Mali, notamment à Tombouctou. Le Royaume a également envoyé une aide humanitaire en faveur des Maliens déplacés par les combats dans le nord de leur pays. Sur le plan sécuritaire, il faudrait repenser un dispositif impliquant tous les pays de la région, en premier lieu l’Algérie, le Maroc et les Etats de la Cedeao, avec un fort soutien de la communauté internationale.

Il faut ajouter qu’un aspect important de la relation du Maroc avec un grand nombre d’Etats africains est le facteur religieux. Ces pays sont de rite malékite, c’est-à-dire une école traditionnelle qui défend l’Islam modéré. Or, le chef de file de l’Islam malékite est naturellement et historiquement le roi du Maroc, "Commandeur des Croyants". L’influence du souverain chérifien est donc de premier ordre et elle contribue à défendre les vraies valeurs de l’Islam face aux charlatans extrémistes qui ont pris la religion en otage. Sur le plan spirituel le Maroc a aussi une influence positive contre le fanatisme religieux par l’intermédiaire des grandes confréries. Tout récemment encore, on a vu la création d’un conseil fédéral national de la Tarîqa des Tijanes maliens, qui est intervenue à la suite des recommandations du congrès organisé, en juillet 2011 à Bamako, sous le patronage du roi Mohammed VI.

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