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Collectif budgétaire : un inventaire
à la Prévert davantage motivé par l’idéologie que par le réalisme
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Vengeance !

La discussion sur la loi de finances rectificative devrait aboutir au vote de treize mesures, dont la majorité semble avoir été élaborée sans réflexion systémique sur le fonctionnement de l’économie.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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On est surpris de ne pas trouver dans cette accumulation de mesures disparates une taxe sur les ratons-laveurs. Le gouvernement et le Parlement, fidèles aux traditions communes à la Droite et à la Gauche, a souhaité ne pas faire simple quand il était possible de faire compliqué. Néanmoins, parmi les 13 mesures qui seront probablement votées, deux d’entre elles pourront être utilement conservées. Les autres mériteraient d’être revues à tête reposée, et surtout à la lumière d’une réflexion systémique sur le fonctionnement de l’économie en général et de la sécurité sociale en particulier.

Heures supplémentaires

La suppression de l’exonération de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu va mettre fin à une anomalie datant de la loi TEPA, il y a cinq ans. Pour l’imposition des heures supplémentaires, cependant, il aurait fallu attendre l’an prochain : la rétroactivité d’une telle mesure augure mal des relations de la nouvelle majorité avec les contribuables.

ISF

Là aussi, le caractère rétroactif de la mesure s’apparente plus à de la vengeance qu’à une fiscalité juste et responsable. Un haut fonctionnaire (Jean Picq) avait écrit en 1995 un petit livre intitulé Il faut aimer l’État. Fort bien, mais encore faudrait-il que celui-ci fasse un petit effort pour se rendre, sinon aimable, du moins fair-play.

Droits de succession

La diminution de l’abattement n’a rien de scandaleux. Néanmoins, des mesures sont nécessaires pour éviter que les héritages ne se transforment en ventes forcées qui feront gagner de l’argent moins à l’État qu’aux acheteurs de biens immobiliers et d’entreprises qui arriveront à point nommé.

TVA sociale

La loi votée à la fin du précédent quinquennat était une erreur : la réforme de la protection sociale ne doit pas être menée en ayant une vision primaire, étatiste, du rapport entre prestations et financement. La nouvelle disposition commet la même erreur : ravauder (avec du fil rose plutôt que du fil blanc, qu’importe ?) au lieu de réformer. Porter la TVA à 20 %, un chiffre rond, pour diminuer le déficit de l’État, et ne pas charger la barque de la sécurité sociale en prenant par décret des mesures démagogiques en matière de retraites, aurait été préférable.

Stock-options et actions pour les salariés

Là encore, il aurait fallu respecter les contribuables, entreprises et travailleurs, en ne modifiant pas les règles pour les revenus perçus cette année.

Hausse du forfait social sur la participation et l’intéressement

Que cette forme de rémunération du travail voit sa contribution au financement de la sécurité sociale rapprochée de celle des salaires est une bonne chose. À condition que l’on aille dans un second temps jusqu’au bout du processus, en transformant ces éléments de rémunération pour une part en partie variable du salaire, fonction des résultats de l’entreprise, et pour une autre en dividende, correspondant à une sorte d’actionnariat salarié.

Taxation des non-résidents

Il est probable que l’assujettissement des loyers et plus-values immobilières des non-résidents à un assez fort prélèvement social découle d’une absence de doctrine concernant la protection sociale et son financement. Cette mesure destinée à faire rentrer d’urgence des sous dans les caisses devra être modifiée dans le cadre de l’indispensable réforme de la protection sociale. Il nous faut pour elle des principes clairs et logiques, non une accumulation de recettes de poches reflétant des a priori idéologiques.  

Taxe de 3 % sur les dividendes versés en espèces

Là encore, le gouvernement fait feu de tout bois. Ce n’est pas un drame, mais supposons que cette taxe fasse comme la CSG, dont le taux a été multipliée par 7 depuis sa création ?

Surtaxe sur la taxe de risque systémique des banques

Je croyais qu’on ne tirait pas sur les ambulances ?

Taxe sur les stocks de produits pétroliers

L’intérêt du pays n’est certainement pas de décourager les compagnies de détenir sur le territoire national des réserves de carburant et de brut, qui garantissent une certaine sécurité pour les consommateurs (entreprises, administrations et particuliers) en cas de difficultés d’approvisionnement (lequel nous vient presque exclusivement de l’étranger).

TVA à 5,5 % sur les livres et les spectacles vivants

Et pourquoi pas une TVA à 4 % sur une sélection d’ouvrages et de spectacles sélectionnés par un Haut Comité de la culture populaire et sociale ?

Doublement de la taxe sur les transactions financières

Il aurait mieux valu élargir l’assiette de cette taxe, qui dans son état actuel touche davantage l’épargne des ménages que les opérations spéculatives.

Acompte sur majoration d’impôt sur les sociétés

Moyen vraiment très astucieux pour résoudre les difficultés de trésorerie de nombreuses entreprises ! Je propose la création d’une banque publique pour faire aux dites entreprises les avances nécessaires au paiement du dit acompte : il faut savoir aller jusqu’au bout du ridicule, puisqu’il ne tue pas.

Chacun sait que l’État français est aux abois. Il n’est donc pas question de critiquer la recherche par la nouvelle majorité de recettes supplémentaires. Mais la méthode de saupoudrage, avec des choix dans certains cas davantage motivés par l’idéologie que par le réalisme, n’est pas heureuse. Mieux aurait valu augmenter la TVA et la CSG, impôts à large assiette et à fort rendement, que de perturber les acteurs de l’économie par des mesures parfois rétroactives et majoritairement prises sans vision d’ensemble du fonctionnement de l’économie, des entreprises et de la protection sociale. Saluons cependant le principe de l’abolition des privilèges accordés par la précédente majorité aux heures supplémentaires, et celui de la diminution des franchises en matière d’héritage.

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