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L’industrie spatiale française est forte : elle représente 50% du chiffre d’affaires européens et pèse pour 40% des emplois.
L’industrie spatiale française est forte : elle représente 50% du chiffre d’affaires européens et pèse pour 40% des emplois.
©Reuters

Soeur Ariane, ne vois-tu rien venir ?

La Guyane a vu dernièrement le 63 ème lancement d'une fusée Ariane 5. Alors que le centre spatial guyanais (CPG) a l'ambition "d'aller au-delà de la cadence actuelle de 10 missions par an..." la raréfaction budgétaire et l'avenir d'Ariane pose question.

DidIer Lucas

DidIer Lucas

Directeur général de l’Institut Choiseul, Didier Lucas est l’auteur de la Note Stratégique « Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d’espace à l’industrie.

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Le contexte international est marqué par l’émergence de menaces de tous ordres. L’espace constitue une composante majeure des politiques de défense et de sécurité. Toutes les doctrines stratégiques récentes s’accordent sur son importance car c’est un fondement de la souveraineté des États. Pourtant, les problématiques spatiales ne se limitent pas au seul domaine militaire. Outre l’indépendance stratégique de notre pays, elles renvoient par ailleurs à l’influence de la France sur la scène internationale. Nous sommes le seul État européen à avoir développé une expertise technologique d’écoute spatiale et de système d’alerte. L’espace est également l ’instrument d’un soft power national au travers de la diffusion de communications en langue française. Enfin, l’industrie spatiale française est forte et puissante. Elle représente 50% du chiffre d’affaires européens et pèse pour 40% des emplois. Le dynamisme industriel français s’inscrit dès lors comme un instrument de notre redressement productif.

Le débat actuel sur l’avenir d’Ariane 6 voit le jour dans une situation de raréfaction des ressources financières et de nécessaire maîtrise budgétaire, quand il ne s’agit tout simplement pas d’austérité et de rigueur. La tentation serait grande de considérer l’industrie spatiale dans une perspective de coûts alors que la vérité impose de penser son développement à l’aune d’un investissement stratégique. Des défis multiples témoignent des opportunités qui s’offrent désormais à cette filière. Défi de la mondialisation des échanges commerciaux et de la mobilité, défi de la démographie et de l’amélioration de la productivité agricole, défi du vieillissement de la population et du progrès médical, défi de l’accroissement des échanges d’information et de la société numérique : autant de marchés du futur et de garanties de bien-être et de progrès qui offrent de nouveau axes de développement à l’industrie spatiale et aux services associés.

La Commission européenne ne s’y trompe pas : « les activités et applications spatiales sont essentielles à la croissance et au développement de notre société ». Il devient dès lors nécessaire d’intensifier les collaborations entres secteurs publics et privés en Europe, pour qu’une politique spatiale européenne d’envergure soit envisagée à l’horizon 2030. S’il demeure restreint, le club des puissances spatiales qui comprend les États-Unis, la Russie, l’Europe, le Japon, la Chine et l’Inde, s’ouvre progressivement à de nouveaux membres : Brésil, Corée du Sud, Iran, Israël... Cet élargissement représente non seulement un enjeu de sécurité au plan international mais aussi un défi lancé aux positions commerciales européennes.

L’interrogation fondamentale porte donc sur l’orientation de notre politique sur le futur lanceur européen. Sur fond de réductions des budgets publics et de tiraillements entre la France et l’Allemagne, l’industrie milite pour la modernisation de l’actuelle Ariane 5. Ce programme baptisé « Middle Life Evolution » présente un avantage indéniable, celui de préserver notre compétitivité tout en maintenant nos coûts de production. Ce scénario transitoire s’oppose frontalement à l’idée d’une Ariane 6 dont les conditions de rentabilité ne sont pas encore définies.

La relation entre les acteurs institutionnels et industriels français est à ce jour complexe et ne s’inscrit pas systématiquement dans le sens d’une ambition industrielle renouvelée. Pourtant, c’est bel et bien l’avenir de la France et de l’Europe qui est en jeu. C’est pourquoi, nous appelons de nos vœux la création d’un Secrétariat général de l’Espace et d’un Conseil permanent de concertation État-Industrie destinés à placer l’innovation et la R&T au cœur de la compétitiité industrielle. Si Le CNES doit assurément conserver son rôle d’agence spatiale et son expertise pour assurer la maîtrise d’ouvrage de grands programmes spatiaux,  la création d’un secrétariat général à vocation interministérielle permettrait de faire fructifier plus encore notre excellence industrielle, car l’ensemble de la communauté spatiale nationale trouverait une voix au débat. Loin de complexifier notre gouvernance, cette organisation placerait la croissance économique comme un levier important de notre performance.

Notre industrie spatiale est un actif stratégique qui mérite d’être encouragée parce qu’elle créée de la valeur, qu’elle génère des emplois et qu’elle renforce notre souveraineté. Le temps est venu de donner plus d’espace à l’industrie.

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Didier Lucas est l'auteur de "Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d'espace à l'industrie", Institut Choiseul  (Juillet 2012)

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