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Croire que la dépense publique sert
à sortir de la crise relève de l'astrologie ou de la cartomancie !
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Boule de cristal ?

Le rapport préparatoire du débat d'orientation des dépenses publiques prévoit que les dépenses progresseront de 0,8 % par an durant le quinquennat. Et si au contraire les coupes dans les dépenses publiques et les réformes structurelles (baisse des charges sociales, libéralisation du marché du travail) étaient en réalité les seuls moyens de réduire durablement la dette souveraine d’un pays ?

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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La pensée scientifique moderne doit au philosophe autrichien Karl Popper sa règle d’or, que voici : pour qu’une théorie soit recevable, il faut qu’elle puisse, le cas échéant, être démentie (« falsifiée ») par les faits observés. D’après cette règle d’or, si la réalité vient contredire une théorie, celle-ci retombe toujours sur ses pattes parce que ses défenseurs révisent leur argumentation. On a affaire alors à une théorie infalsifiable, et donc non scientifique, qui ressemble plutôt aux vaticinations de l’astrologie ou de la cartomancie.

En économie, nous avons un exemple parfait de ce genre de théorie. Formulée par John Maynard Keynes au moment de la Grande Dépression des années 1930, elle consiste à voir dans les dépenses publiques le moyen de faire sortir une économie de la récession ou de la dépression. Or, cette foi dans les dépenses publiques comme vecteur de croissance ne se trouve pas confortée par les faits, bien au contraire.

On le voit, par exemple, avec la politique de relance du président Obama (son fameux « stimulus package ») : huit cents milliards de dollars injectés depuis 2009 dans l’économie américaine par le biais de dépenses publiques de tout ordre, et ce dans le but, déclaré par Obama lui-même, de faire descendre le chômage au-dessous de la barre de 8% et de remettre l’économie sur le chemin d’une croissance soutenue.

Or, trois années plus tard, le chômage aux États-Unis demeure au-dessus de la barre de 8%. Pour ce qui est de la croissance, parmi les onze reprises économiques enregistrées aux États-Unis au cours des 60 dernières années, celle d’Obama s’avère être la plus faible et la plus lente de toutes [1].

Les gourous de la dépense publique ont-ils reconnu s’être trompés ? Que dalle ! Ils prétendent que la situation économique aurait été pire encore sans le « stimulus package » d’Obama, ajoutant que, pour venir à bout de la récession, huit cents milliards de dollars n’étant pas suffisants, il faudrait dépenser encore quelque centaines de milliards de plus.

Ainsi, incommodés par les faits, les avocats de la dépense joyeuse – à l’instar des astrologues ou des cartomanciennes – modifient leur argumentation au gré des circonstances.

Finalement, pour justifier leur théorie, ils sortent un joker : le New Deal lancé par le président Franklin Roosevelt en 1933, avec les dépenses massives qu’il aura entraînées, et censé avoir sorti l’Amérique de la Grande Dépression. Faux !

Le New Deal n’empêcha pas l’économie américaine de sombrer en 1937 dans une « dépression dans la dépression ». Tant et si bien qu’en 1938, Roosevelt se voit obligé de rectifier le tir et réduit ou supprime certains impôts et introduit un ensemble d’incitations au secteur privé (« politique de l’offre »). La reprise durable démarre à ce moment-là et non pas – comme on nous le martèle – avec les grandes dépenses de 1933. [2]

Les avocats de la dépense publique prétendent également avoir la solution aux problèmes des pays, tels ceux de l’Europe du Sud, qui sont aux prises avec une dette souveraine insoutenable. Pour nos keynésiens récalcitrants, puisqu’il faut éliminer le déficit, eh bien, augmentons les impôts, mais ne touchons en tout cas pas aux dépenses, et ce afin de ne pas nuire à la croissance économique.

Là encore, leur théorie se trouve contredite par les faits.

En effet, une étude menée par les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna, de l’université de Harvard, couvrant les 107 plans d’austérité mis en place dans les pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années, montre que les plus efficaces sont ceux qui ont comporté des coupes dans les dépenses publiques sansaugmentations d’impôts (cf.« Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending »).

Une équipe du Fonds monétaire international arrive à une conclusion semblable : les coupes dans les dépenses publiques et les réformes structurelles (baisse des charges sociales, libéralisation du marché du travail) sont les seuls moyens de réduire durablement la dette souveraine d’un pays (cf. Chipping Away at Public Debt).

En fait, si les dépenses publiques permettaient vraiment de relancer l’économie, pourquoi, alors, le Japon, la Grèce et l’Italie, pays qui depuis longtemps en font un usage démesuré, se trouvent-ils dans le pétrin que l’on sait ?

Et c’est dans ce cul-de-sac de la préservation (« stabilisation ») des dépenses publiques, avec en prime des augmentations d’impôts et de charges sociales, que le président Hollande a choisi d’évoluer !


[1] Harvey Golub, “How the Recovery Went Wrong”, Wall Street Journal, 22 mai 2012.

[2] Harold L. Cole et Lee E. Ohanian, “New Deal Policies and the Persistence of the Great Depression”, Journal of Political Economy, 2004; et Burton Folsom Jr. et Anita Folsom, “Did FDR End the Depression”, Wall Street Journal, 12 avril 2010.

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