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Maurras, 
sors de ce corps (électoral) !
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Exorcisme

Nathalie Kosciusko-Morizet a vivement critiqué la stratégie du conseiller Patrick Buisson, jugeant que son objectif était "de faire gagner Charles Maurras", plutôt que l'ex-chef de l'État.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Alors que Manuel Valls vient d’annoncer qu’il ne régulariserait pas plus de sans-papiers que Claude Guéant, ce qui prouve la conception finalement très transversale de la nation qui domine l’opinion, de la gauche à la droite, l’UMP s’offre une belle séance d’exorcisme avec pour bouc-émissaire le "Raspoutine" de Nicolas Sarkozy : Patrick Buisson.

Enduit de soufre et taxé de tous les maux, accusé de toutes les défaites, l’hérétique est hissé sur le bûcher. Certains semblent pressés d’y mettre le feu, comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui lui reproche son penchant maurrassien et antigaulliste primaire.

La polémique ne manque pas d’intérêt. Après la radicalisation de la vie politique à laquelle la campagne présidentielle a donné lieu, la référence aux deux vieux Charles qui ont structuré la droite française du vingtième siècle (Maurras et De Gaulle) illustre une nouvelle fois le tournant que nous avons vécu en 2012 : le retour en force des idées des années 1930. Comme si la violence de la crise économique que nous traversons nous ramenait à son dernier exemple en date - la crise de 1929, et à son florilège d’idées dérangeantes.

Le parallèle entre notre décennie et les années 1930 s’impose de plus en plus comme une évidence. La Pléiade ne vient-elle pas de remettre à l’honneur l’excellent Drieu La Rochelle ?

Dans ce contexte, le rejet de Maurras et l’appel à un gaullisme intégral pour reconstruire la droite mérite quelques précisions historiques et politiques.

D’abord, il est très inexact de placer De Gaulle en antithèse avec Maurras. Les historiens n’ont pas fini de dévoiler l’admiration que le jeune capitaine De Gaulle, protégé de Pétain depuis 1914, nourrissait pour Maurras. Le nationalisme intégral n’était pas encore paré des attributs honteux de la collaboration et assez naturellement, l’anti-parlementarisme de l’écrivain faisait écho à celui, naissant, du colonel.

De cet anti-parlementarisme, nous trouvons de superbes traces, et même d’ostensibles réalisations dans la mécanique institutionnelle de la Ve République : système majoritaire, parlement godillot, toute-puissance d’un président élu au suffrage universel. La droite à laquelle appartient NKM s’est jusqu’ici sentie très confortable avec cette mécanique où le pouvoir exécutif règne en seul maître, sans contre-pouvoir émanant du législatif ou du judiciaire. N’a-t-elle pas, par exemple, approuvé en masse l’instauration du quinquennat par Jacques Chirac, qui a fini de vider l’assemblée nationale de sa substance et de son utilité?

Pour autant, la tradition gaulliste ne peut se confondre avec la tradition maurrassienne, puisque la première est fondamentalement attachée au rôle de l’Etat central et à une forme d’énergie bonapartiste, alors que la seconde a toujours porté cette nostalgie très girondine d’une France décentralisée, appuyée sur ses provinces et ses campagnes, sur sa terre plutôt que sur son industrie.

Si l’on regarde avec distance (autant que faire se peut) le mandat de Nicolas Sarkozy, on ne peut manquer de constater combien l’homme était aux antipodes du girondisme maurrassien. Étatiste forcené, interventionniste à tout crin, centralisateur sans partage, Sarkozy a radicalement éloigné l’UMP du fond de commerce que l’on attribue à Patrick Buisson.

En revanche, les détracteurs de Patrick Buisson ne sont pas forcément aussi clairs sur le sujet. Très souvent issus d’une forme d’aristocratie parisienne, ils cultivent volontiers un attachement profond à la décentralisation. Par leur manque d’appétence pour les sujets sociaux, par leur manque d’empathie pour les difficultés quotidiennes rencontrées par un nombre grandissant de Français, ils ont largement nourri le sentiment d’abandon et d’impuissance que l’État inspire depuis plusieurs années.

L’exorcisme dont Patrick Buisson est la victime expiatoire, permettra-t-il aux jeunes loups de mettre un voile pudique sur la question qui fâche : la place de l’État dans la France de demain, qui reste, après cinq ans de mise en scène vide appelée RGPP, totalement impensée et dépourvue de vision.

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