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C. Lepage : "J'attendais autre chose que la mutation de Nicole Bricq de la part du gouvernement PS que j'ai soutenu"
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Vert de rage

Nicole Bricq a été mutée de l'Écologie au Commerce extérieur. Pour Corinne Lepage, qui déplore la perte d'influence des écologistes depuis leur entrée au gouvernement, l'ex-ministre pourrait effectivement avoir payé sa position sur les permis de forer en Guyane.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Atlantico : Comment expliquez-vous le départ de Nicole Bricq du ministère de l’Écologie. Cécile Duflot évoque " une promotion". Faut-il plutôt y voir le résultat  de la pression des lobbies pétroliers ? 

Corinne Lepage : Il n’y a que deux raisons qui peuvent expliquer son départ. D’abord, la  mauvaise entente entre Delphine Batho et Christiane Taubira au ministère de la Justice. Cela serait très mauvais signe... Au sens où cela démontrerait que le ministère de l’Environnement est un endroit dont tout le monde se fiche, et que l’on peut y nommer une personne uniquement pour des considérations de confort technique.  

Son départ peut aussi s’expliquer par la position ferme prise par Nicole Bricq de suspendre les forages en Guyane, et surtout par sa décision de revoir le code minier. Or, remettre en cause ce code, c’est à la fois remettre en cause le permis de forage en Guyane, qui concerne Shell mais aussi Total à hauteur de 25%, et également remettre en cause le forage du gaz de schiste qui repart dans toute la France dans le silence général. Il y a une offensive manifeste du lobby pétrolier et gazier qui a peut-être obtenu la tête de Nicole Bricq. Même si je ne peux toutefois pas l'affirmer formellement, car n'ayant pas de preuves à l'appui. 

Comment expliquez-vous la réaction tardive d'EELV suite à ce changement de poste au sein du gouvernement ?

Les Verts ont troqué la défense d’un nouveau modèle de développement durable contre des postes. Daniel Cohn-Bendit a eu raison de parler d’ « arrivisme ». Les Verts préfèrent leurs maroquins et les attributs du pouvoir plutôt que la défense de leurs convictions.

Il faut qu’un certain nombre d’entre nous se retrouvent pour défendre le modèle de développement durable, qui est un modèle pragmatique, et pas seulement une lubie défendue à l’extrême gauche du champ politique. En France, je pense que ce travail ne sera pas fait par le gouvernement et ses alliés.

Regrettez-vous d’avoir soutenu François Hollande ?

On pouvait peut-être attendre autre chose d’un gouvernement socialiste. On ne peut pas me dire que c’est une opposition politicienne de ma part. Je suis une femme du centre, mais j’ai soutenu François Hollande. Il n’y a pas d’a priori défavorable de ma part. Je suis une femme libre qui défend un certain nombre de valeurs éthiques. Je juge selon les actes. Le départ de Nicole Bricq est un très mauvais signe.

On peut se demander ce qu’il va se passer autour du débat sur l’énergie. Entre le lobby nucléaire et le lobby pétrolier, les malheureux défenseurs de l’efficacité énergétique et de l’énergie renouvelable auront fort à faire.

Comment expliquez-vous cet effondrement de l’influence des écologistes, qui avaient pourtant réussi une percée spectaculaire durant les élections européennes de 2009 ?

Les grands partis comme l'UMP et le PS ont totalement déserté le sujet durant la campagne présidentielle. Moi qui voulais le mettre sur la table,  je me suis heurté à une volonté farouche des uns et des autres de me barrer la route.

Madame Joly n’a absolument pas rempli la mission qui devait être la sienne. Elle a fait de la question de l’écologie un véritable repoussoir. Au lieu de montrer dans quelle mesure l’économie verte était un moyen de développer l’innovation et la production, elle nous a fait « un numéro d’extrême gauche » sur des sujets de société qui n’avaient rien avoir avec l’écologie.
Pourquoi voulez-vous que les gens votent pour ces idées ?

Dans un entretien qu’il nous a accordé ce week-end, Gabriel Cohn-Bendit affirme que les Verts ont tué l’écologie politique. Partagez-vous son point de vue ?

Tout est à reconstruire. EELV a perdu deux tiers de ses adhérents. Beaucoup de militants de Cap21 qui étaient dans les coopératives pour travailler tous ensemble sur le fond ont déserté ces coopératives. Des personnalités comme Nicolas Hulot sont également repartis dans leurs coins.

Il faut reconstruire une écologie politique constructive qui donne envie. Pour cela,  je crois de plus en plus à la société civile.

N’est-ce pas aussi une victoire des lobbies sur les politiques ?

Je travaille au parlement européen où les lobbies sont extrêmement puissants. Personnellement, ça ne me gêne pas. Je rends publique la liste des gens que je rencontre et dans l’immense majorité des cas, je ne donne pas suite.

Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Le plus grave, ce n’est pas la présence des lobbies, c’est le fait que certains députés deviennent les portes-flingues des lobbies. Nous le voyons dans un certain nombre de groupe : au PPE (Parti populaire européen), mais aussi chez les libéraux et au PS.  

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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