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Plan de croissance de Hollande : est-il possible de vouloir tout et son contraire ?
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Un programme de plus ?

Après un premier trimestre d'accalmie, la zone euro est de nouveau sous le feu des marchés. Le président François Hollande se montre de plus en plus ambiguë sur la position française. Une "stratégie" qui commence à ennuyer outre-Rhin. Angela Merkel le dit, "la médiocrité ne doit pas devenir l'étalon", mais qu'en est-il dans les faits ?

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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La déclaration du Président Hollande, lors de sa conférence de presse avec le Premier italien, Mario Monti, est un nouveau chef d’œuvre d’ambiguïté qui permet les interprétations les plus diverses. Examinons les trois points essentiels que la France veut  « imposer » dans la discussion au Sommet Européen de la fin juin:

La croissance selon Hollande

Sur sa nécessité il y a unanimité des gouvernements au niveau mondial. Il faut cependant noter que de plus en plus de voix de la société civile soulèvent la compatibilité d’un modèle économique fondé sur la croissance avec les impératifs environnementaux, les contraintes imposées par l’épuisement des ressources, l’explosion démographique, ou encore une répartition équitable des richesses etc.

Il faut donc donner un sens plus précis au concept de croissance : sur le seul plan économique, sous-entend-on une relance keynésienne ou des réformes de nature structurelle ? Sur ce plan déjà la belle « unanimité » s’effondre, opposant ceux qui veulent mettre l’austérité en sourdine à ceux qui considèrent la limitation de l’endettement et des déficits budgétaires comme conditions préalables à toute relance.

Le président français veut à la fois tout et son contraire : il affirme d’un côté que la croissance ne viendra pas de l’augmentation de la dépense publique, voulant rassurer sur l’intention de la France de tenir ses engagements européens, tout en demandant que l’UE se dote de moyens supplémentaires considérables – allant bien au-delà du consensus de principe concernant l’augmentation des moyens de la BEI, l’introduction de « Project bonds » ou le redéploiement de fonds structurels non affectés. Il reconnaît, en passant, que l’introduction d’ « Eurobonds » ou d’ « Euro bills » dont il s’est fait le champion, doit être « différée ».

Pour mettre en œuvre ce programme, la cohérence appelle un soutien sans faille de la France à l’élargissement des « moyens propres » de l’UE dans le cadre d’une augmentation significative des budgets et des « perspectives financières » pour la période 2014-2020. Il va sans dire qu’il n’y a, à ce sujet, aucun consensus au niveau européen, de nombreux pays plaidant pour l’application prioritaire à l’Union de la même cure d’austérité que celle imposée dans le cadre du « Semestre européen».

  1. La stabilité selon Hollande

Le président français souhaite que l’Union se dote de nouveaux instruments « permanents » qui permettraient d’intervenir pour éviter « qu’un Etat Membre soit pénalisé de manière injuste par la spéculation ». Parmi ses souhaits, il plaide pour une « Union Bancaire » et un renforcement des pouvoirs d’intervention de la BCE. Examinons de plus près ces propositions.

Tout d’abord l’affirmation que des Etats sont l’objet d’attaques « injustes » est surprenante : cela suppose qu’il y ait aussi des attaques « justes ». Qui peut s’ériger en arbitre ? La spéculation ambiante, n’est elle pas avant tout le résultat des atermoiements des politiques dans la gestion de la crise tant sur le plan national qu’européen. Les « spéculateurs » sont-ils responsables des déficits budgétaires, de l’endettement excessif des Etats ou des particuliers ou encore des risques excessifs accumulés par le secteur bancaire, y compris l’accumulation de dette souveraine encouragée par les Etats eux-mêmes ? Cette rhétorique accrocheuse – utile en période électorale – ne fera qu’attiser la méfiance des marchés et exposer davantage les Etats aux opinons des Agences de notation et des investisseurs institutionnels qui cherchent à protéger les fonds (pensions/assurances/épargne) qui leur ont été confiés.

L’instauration d’une « Union bancaire » a été récemment proposée par le Président Barroso ; elle comporte trois volets : une intégration de la régulation et supervision bancaire au niveau de l’UE ; l’instauration d’un système européen de garantie des dépôts ; la mise sur pied d’un cadre européen pour la gestion des faillites et des restructurations dans le secteur bancaire.

Quels que soient les avantages d’une Union bancaire, sa mise en œuvre paraît tributaire d’un renforcement parallèle de l’intégration politique et économique impliquant d’importants « transferts de souveraineté » des Pays Membres vers l’Union.  Cette orientation est violemment contestée, notamment par des partis politiques populistes et souverainistes et contamine ceux, plus modérés, qui craignent leur perte d’influence. La crise, et la peur qu’elle engendre, a renforcé l’attrait des partis extrémistes auprès de citoyens déboussolés et tentés par le repli sur soi.

Dans ces conditions, une première clarification s’impose concernant les propositions de la Commission : il serait hautement préférable qu’une Union bancaire se réalise en premier lieu au sein de l’UEM (avec possibilité pour d’autres PM d’un « opt-in » au lieu d’une Union à 27 avec une possibilité de « opt-out »). Il est, en effet, difficile d’imaginer que la BCE puisse, comme proposé, agir en tant que régulateur/superviseur pour des institutions hors de la zone €, sans que ce choix ne soit explicitement accepté (opt-in). Cela permettrait également de limiter la « mutualisation » des garanties de dépôts aux pays de l’UEM au sein de laquelle, vu la communauté de monnaie et celle souhaitée de la réglementation/supervision, un accord devrait être plus facile à réaliser.

Quant aux pouvoirs d’intervention de la BCE, les objectifs du Président français passent par une révision du Traité et une reformulation du mandat de la Banque pour l’élargir au-delà de la conduite de la politique monétaire et du maintien de la stabilité des prix. L’octroi de pouvoirs de « prêteur en dernier ressort » ou d’intervenant sur le marché international des changes ferait de la BCE une banque centrale « de plein exercice », comparable à celles de pays ayant gardé leur pleine souveraineté monétaire ; cela implique aussi une Union de caractère fédéral.

  1. Quelle feuille de route ? 

Les difficultés énoncées ci-dessus font clairement apparaître la nécessité de réformes institutionnelles en profondeur. Comme, malgré les avancées non négligeables déjà engrangées, le temps manque, il est essentiel qu’émerge très rapidement un accord politique sur une vision commune et actualisée de la finalité de l’UE/UEM. Celle-ci doit s’appuyer sur une « feuille de route » contraignante et crédible qui accordera le temps nécessaire aux négociations indispensables. Le système actuel, basé sur la coopération et la coordination, a très clairement atteint sinon dépassé ses limites.

En conclusion... 

C’est donc en regard de la nécessité incontournable d’orienter l’UE/UEM vers un modèle à caractère « fédéral » que chaque Pays Membre devra se déterminer.

Or, c’est sur ce plan qu’il sera très difficile à François Hollande d’imposer les choix nécessaires à son opinion publique. Le paysage politique français, résultant des récents scrutins, a fortement renforcé le clivage bipolaire entre gauche et droite avec l’élimination de tout espoir d’une recomposition autour du Centre, chère à François Bayrou. Dans cette opposition « frontale », le soutien au dossier « européen » devient structurellement minoritaire au Parlement car les deux principaux partis sont tributaires de leurs ailes gauches et droites respectives dont la vision souverainiste se rapproche davantage de celles du Front de Gauche et du Front National que de celle défendue par le Président sur la scène européenne.

Il faut donc craindre qu’il soit impossible au président de « doubler » la chancelière allemande sur le plan d’un soutien à une vision « fédéraliste », qu’elle – par contre - se dit prête à défendre, tant est ancré le refus viscéral des français à l’encontre de nouveaux transferts de souveraineté à l’Europe. Dans ces conditions on voit difficilement comment le « couple » franco-allemand, pourtant indispensable à toute avancée significative, pourra s’accorder sur les réformes nécessaires.

La plus grande erreur pour la France serait d’imaginer qu’elle bénéficie d’un soutien de ses partenaires visant à isoler l’Allemagne. Les actes courageux posés par les gouvernements italiens et espagnols en vue de s’attaquer aux conditions profondes de la crise sont diamétralement opposés aux premières dispositions entérinées par le Gouvernement français. Imaginer que la France puisse échapper aux conséquences d’un endettement et d’un déficit budgétaire excessifs, par l’accès à de nouveaux moyens européens, relève au mieux de la naïveté et au pire de la mauvaise foi.

Quelles que soient les conséquences catastrophiques d’une implosion de l’€ (et de l’UE), dont l’Allemagne serait une des principales victimes, il est illusoire de miser sur la peur qu’un tel scénario suscite. En effet, il y a tout lieu de penser que les marchés « injustes » n’imposent, une fois de plus leur loi à ceux qui se seront révélés incapables de prendre à temps leurs responsabilités.

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