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Electionscope : pourquoi notre modèle qui prédisait Nicolas Sarkozy élu à 50,2% a échoué
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Tierce Quarté Quinté Plus ...

Le mois dernier, entre les deux tours de l'élection présidentielle, Bruno Jérôme proposait un modèle d'analyse différent des instituts de sondage. Il était le seul à donner Nicolas Sarkozy vainqueur. Si le résultat du scrutin a prouvé l'échec de ses hypothèses, était-il vraiment si loin d'avoir raison ?

Bruno Jérôme

Bruno Jérôme

Bruno Jérôme est économiste, maître de conférences à Paris II Panthéon-Assas.

Il est le co-fondateur du site de prévisions et d'analyses politico-économiques Electionscope.

Son ouvrage, La victoire électorale ne se décrète pas!, est paru en janvier 2017 chez Economica. 

Bruno et Véronique Jérôme ont aussi publié Villes de gauche, ville de droite: trajectoires politiques des municipalités françaises 1983-2014,  Presses de Sciences-Po, 2018, en collaboration avec Richard Nadeau et Martial Foucault.

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Atlantico : Vous pronostiquiez à 50,2% la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. L’élection de François Hollande vous a finalement donné tort. Quelles leçons tirez-vous de cet échec de votre modèle d’analyse ?

Jérôme Bruno : Le danger, lorsque l’on fait de la prévision et que l’on cherche à la vulgariser, c’est que l’on donne toujours la sensation de vouloir donner un résultat vrai à priori. Il y a toujours une marge d’erreur. Bien souvent, lorsque l’on communique, on se passe de cette marge d’erreur car les gens attendent un résultat qui doit passer pour vrai. Nous l’avions d’ailleurs bien dit lorsque nous vous avions répondu : nous évaluions cette erreur potentielle à 1,7 point.

Lire l'article qui prédisait l'élection de Nicolas Sarkozy à 50,2%

Au premier tour, notre modèle avait été assez précis sur le rapport de force droite / gauche. Effectivement, notre modèle de second tour, qui repose sur une extrapolation fondée sur l’historique des reports de voix lors des précédents scrutins, nous a donné des résultats qui terminent du mauvais côté du trait. Par contre, petite satisfaction, si l’on raisonne en valeur absolue, nous sommes plus proches du résultat exact que les sondeurs. Finalement, notre prévision qui donnait un avantage à la droite depuis octobre 2010, montrait bien que, quoi qu’il arrive, il y aurait un résultat serré. Contrairement aux instituts de sondage qui donnaient jusqu’à 60% pour François Hollande en octobre 2011, nous avions bien perçu le faible écart entre les deux candidats.

Le problème, c’est que nous nous retrouvons du mauvais côté du trait. Notre travail, maintenant, c’est de décrypter. En regardant dans le détail, nous avons les bons rapports de force dans 16 régions sur 22. Dans les six régions où notre modèle échoue, nous pouvons enlever la Corse, qui reste totalement imprévisible. La droite a perdu la main entre les deux tours en Pays de Loire et en Basse Normandie. Ce sont deux bastions historiques qui, sous la Vème République, n’avaient jamais été à gauche sauf en 1988.

Les points où votre modèle a échoué montrent donc de gros changements historiques ?

Exactement. Moralité, nous observons qu’il s’est passé des choses. En Ile de France, Basse Normandie et Pays de la Loire, c’est clairement l’électorat centriste qui a fui Nicolas Sarkozy. Notre modèle montre que le vote blanc du Front national a pu avoir un impact en Languedoc Roussillon et en Bourgogne. Un rapide calcul, qui mérite encore d’être affiné, montre que si un tiers des bulletins blancs émis étaient récupérés par Nicolas Sarkozy, il aurait approché les 50%. Or cette présidentielle a été marquée par un record du nombre des votes blancs.

Ce vote blanc nous montre non seulement un certain suivi des consignes de Marine Le Pen dans ces régions, qui reste, par ailleurs, fortement marquée par un taux de chômage plus élevé que la moyenne. La fuite vers la gauche de l’électorat centriste est peut-être une conséquence de la droitisation du discours de Nicolas Sarkozy. Alors que la logique voulait jusqu’ici, pour le candidat sortant, de rassembler son camp au premier tour et de viser l’électeur médian au second tour, Nicolas Sarkozy s’est tourné vers l’extrême en espérant que ce réservoir de voies plus important puisse basculer vers lui. Or les analyses ont montré que les électeurs frontistes n’avaient pas tellement évolué dans leur intention de voter pour le candidat de l’UMP au second tour.

Avez-vous de premiers éléments d’analyse sur les législatives ?

Théoriquement, le Front national devrait être un peu moins haut. Il devrait tourner autour de 14-15%. Tout dépendra de l’abstention. Nous devons donc formuler des hypothèses sur cette abstention, selon qu’elle soit forte ou pas, ce qui aura pour conséquence de qualifier ou non le Front national au second tour. C’est très difficile à analyser.

Pour la gauche, il y a une prime majoritaire historique sous la Vème République aux scrutins majoritaires. Elle devrait donc l’emporter de ce fait. Maintenant, l’enjeu pour la droite, c’est d’empêcher une majorité de trois cinquièmes au Parlement. Pour ce qui est de remporter les législatives, elle a très peu de chances.

Reste enfin à voir comment la gauche obtiendra sa majorité : devra-t-elle s’allier avec Jean-Luc Mélenchon et les Verts.

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