Amazon : les trois raisons pour lesquelles on ne pourra pas tuer Amazon <!-- --> | Atlantico.fr
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Amazon commerçants Black Friday covid-19 coronavirus
Amazon commerçants Black Friday covid-19 coronavirus
©ANGELA WEISS / AFP

Atlantico Business

La bataille contre Amazon est insensée à tel point qu’on peut se demander qui manipule ainsi les petits commerçants pour tuer Amazon. Amazon n’a qu’un seul défaut, ne pas payer d’impôts en France, pour le reste on ne va pas tuer Amazon.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Un #NoëlsansAmazon, voilà tout ce que demande une poignée de signataires d’une pétition issu du milieu politique, commerçant ou culturel. Un Noël sans virus serait pourtant déjà bien. Mais Amazon est devenu un bouc-émissaire idéal, qu’on nous sert à toutes les sauces. Ca fait chic d’être contre ce géant américain.

La contrainte sanitaire et la politique de lutte contre l'épidémie ont provoqué un débat qui devient complètement hystérique. Ce débat a mis les petits commerçants en première ligne pour affronter et repousser Amazon du marché français.

La colère des petits commerçants est évidemment légitime. Obligés de fermer leur boutique, beaucoup d’entre eux vont « crever ». Aucun ne peut résister à un régime aussi draconien dont la justification technique et sanitaire est plutôt bancale et apparoir souvent inéquitable.

Les fleuristes, les libraires, les magasins de confection, les bazars, les droguistes… etc ne sont pas plus dangereux que les hypermarchés ou les garagistes. Et leur activité commerciale n’apparaîtra pas moins essentielle que d’autres. On a des études internationales qui tendent à prouver que les bars et les restaurants seraient des agents propagateurs du virus. Mais on n‘a rien sur ou contre les petits commerçants.

Le choix de faire fermer les petits commerçants s’explique mal, sauf à considérer que l’administration a sa logique bureaucratique propre. La seule raison qu’on réussit à arracher auprès des services de l’Etat pour expliquer cette incohérence est inexplicable. Si le virus s’attaque d’abord aux personnes à risque, et notamment les personnes âgées de plus de 65 ans, il aurait fallu confiner cette génération pour les isoler et laisser les actifs en bonne santé circuler, consommer et travailler. Mais comme le droit français interdit à juste titre des dispositions qui restreindraient la liberté individuelle de certaines catégories de la population uniquement, l’administration française n’a rien trouvé pour pouvoir légalement obliger les seniors à s’isoler. Du coup, en fermant le petit commerce de centre-ville ou de proximité, on empêchait les populations seniors de se promener en ville et de se contacte, donc on ralentissait la circulation du virus. Mais ça c’est la théorie, parce que dans la pratique, on sait bien que les Ehpad n’ont pas été épargnés par le virus qui y a fait de nombreuses victimes, alors que s’il y a des lieux de confinement presque absolu pour une population homogène, ce sont bien les Ehpad. On pourrait d’ailleurs faire la même démonstration pour les prisons. Les prisons fermées à double tour n’ont pas empêché le Covid d’y pénétrer. 

Bref quoi qu‘il en soit, la mesure de confinement appliquée au petit commerce a alimenté leur grogne, leur colère et sans doute leur révolte de plus en plus évidente à l’approche de Noël. Il faut dire que l’ensemble du petit commerce réalise en moyenne 50% de son chiffre d’affaires dans les cinq semaines qui précèdent les fêtes de Noël.

Compte tenu des incohérences de ce confinement, les petits commerçants se sont étonnés des « privilèges » accordés aux grandes surfaces et de la réactivité du e-commerce qui a pris très vite le relais et accaparé une grande part du marché de la grande consommation.

Les grandes chaines d’hypermarché ont échappé à l'opprobre générale, parce qu’elles savent cohabiter avec les petits commerçants notamment ceux qui sont installés dans les galeries marchandes, lesquels sont très souvent les mêmes que ceux qui sont en centre-ville. Mais le e-commerce n‘a pas été épargné et Amazon, le numéro 1 de la vente en ligne, le dinosaure américain, a pris tous les coups en devenant le bouc émissaire facile, la marque à abattre. La violence des critique et la force de la campagne sont telles qu’on peut se demander si les petits commerçants n’ont pas été manipulés à leur corps défendant. C’est possible mais par qui ? Les grandes enseignes de la grande distribution, les chaines de franchises puissantes elles aussi et les autres acteurs du E-commerce ? Possible tout cela, mais de là à imaginer un complot, une organisation supportée par les syndicats professionnels et par tous ceux qui, à des fins politiques, ont intérêt à prouver que le gouvernement se trompe depuis le début... Accepter ce scénario est assez difficile. Que ce milieu ne soit pas peuplé de Bisounours naïfs, c’est une évidence, mais qu‘il soit ainsi fréquenté par des comploteurs contre l’Etat, c’est ridicule.

Cela étant, le but qui serait d’abattre Amazon est totalement utopique. Impossible d’abattre Amazon pour trois raisons très simples et très faciles à vérifier.

1ère raison : le succès mondial d‘Amazon n’est pas tombé du ciel. Le succès mondial d’Amazon est directement imputable au consommateur qui a plébiscité cette formule de commerce jugée plus pratique, plus efficace, moins onéreuse, presque plus ludique. Le succès est antérieur à la crise épidémique, mais la crise n’a fait que le renforcer. Entre 20 et 50% des consommateurs français sont allés au moins une fois depuis un an sur le site. 20% des consommateurs font leurs achats sur le E-commerce et la moitié sur Amazon. Qu’on le veule ou non, qu’on l’accepte ou pas, le E-commerce est incontournable et sa progression ne va faire que s’accélérer. Covid ou pas.

2e raison : Amazon profite aussi aux petits commerces et aux petits producteurs. Amazon est une marketplace sur laquelle les commerçants et les producteurs peuvent ouvrir un espace de vente. Plus de la moitié du chiffre d’affaires ( 70%) est réalisé avec des commerçants tiers. A noter que n’importe quelle entreprise, n’importe quel commerçant peut aussi s’installer sur le Bon coin ou sur Amazon. Parmi les signataires de cette pétition, beaucoup ont d’ailleurs leurs livres en vente sur Amazon, beaucoup de politiques comme Anne Hidalgo ou François Rufin.

Prendre Amazon comme bouc émissaire, c’est prendre le risque de se tirer une balle dans le pied.

3e raison, Amazon et l’ensemble du e-commerce créent plus d’emplois que le commerce traditionnel n’en détruit chaque année. Alors on pourra dire que les emplois crées par le e-commerce en général et Amazon en particulier sont moins qualifiés que dans le commerce traditionnel, que les conditions de travail ou de salaire y sont plus difficiles si on en croit certains syndicats. C’est possible mais après tout, il existe des contrepouvoirs qui peuvent fonctionner. Ajoutons qu‘il n’existe pas un maire de grande ou moyenne ville en France ou un président de conseil général qui se serait opposé à un projet d’implantations d’Amazon sur son territoire. La situation de l’emploi en France n’est pas telle qu‘on puisse prendre la responsabilité de refuser une implantation. La discuter, la conditionner oui. Mais la refuser non.

Le problème sur lequel Amazon est attaquable et sera attaqué est du domaine fiscal. Amazon, l’entreprise qui appartient au club des dix entreprises les plus chères du monde en capitalisation, ne paie pas d’impôts en France. Amazon paie des salaires, lesquels paient des impôts. Amazon paie sa part de charges sociales, Amazon reverse la TVA sur ce qu’elle vend, déduction faite de celle qui est calculée sur ce qu’elle achète comme toutes les entreprises françaises, mais Amazon ne paie pas d’impôts sur les sociétés puisqu’elle fait remonter ses profits dans des holdings, à l’abri de l’obligation fiscale. Le seul impôt qu‘elle paie est une taxe symbolique imposée par Bercy en attendant que l’Union européenne se mette d’accord sur un projet commun de taxation du numérique.

Ce problème est réel et ne se pose pas seulement à Amazon, mais à toute l’industrie digitale américaine quand elle travaille à l’extérieur de l’Amérique.

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