Et si la meilleure leçon à retenir du général de Gaulle était celle que se gardent bien de célébrer ceux qui lui rendent hommage...<!-- --> | Atlantico.fr
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général de Gaulle Emmanuel Macron
général de Gaulle Emmanuel Macron
©VINCENT KESSLER / POOL / AFP

50ème anniversaire de sa mort

Le chef de l'Etat Emmanuel Macron a célébré lundi le cinquantième anniversaire de la mort du général Charles de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Eglises. Derrière l'hommage et les comparaisons, le chef de l'Etat marche-t-il véritablement dans les pas du général de Gaulle ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

Ils répètent « De Gaulle ! De Gaulle! ». Mais ils font le contraire de lui. 

Un des passages les plus saisissants de l’Evangile survient en Luc XI,47, lorsque le Christ déclare aux docteurs de la Loi : « Malheur à vous parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes que vos pères ont tués! ». Spontanément, nous penserions au contraire que les fils réparent les crimes des pères. Mais Jésus parle au contraire de la répétition des comportements à l’identique, d’une génération à l’autre.  René Girard nous a appris à comprendre le mécanisme psychologique qui fait que la communauté unanime lynche la victime émissaire puis constate, après le meurtre, qu’elle a mis fin à ses divisions internes en se réconciliant contre un seul; lequel, du coup change de polarité. Il était tout ce que la communauté rejetait; il devient ce qui la fait tenir ensemble. L’individu maléfique est soudain divinisé. Et que fait-on aussitôt? On lui dresse un tombeau ! Il sera entretenu et même embelli de génération en génération. Mais les générations suivantes n’auront pas plus que la génération meurtrière élucidé le mécanisme consistant à exonérer toute la communauté sauf un seul des erreurs, des fautes, des crimes également répartis entre les individus. C’est pourquoi ces générations pourront en même temps rendre un culte à celui qui est dans le tombeau et reproduire à l’identique les erreurs de leurs parents. 

N’est-ce pas ce qui se passe avec le Général de Gaulle? Dans une tribune deonnée à « Valeurs Actuelles », Marion Maréchal remarque finement que le culte rendu à la mémoire du Général de Gaulle est un des rares moments où l’on garde le sentiment de l’unité nationale. Mais elle ajoute aussitôt que l’hommage à de Gaulle, c’est un peu comme l’invocation des valeurs de la République: nos dirigeants oscillent entre l’impuissance et la trahison de ce qu’ils disent vouloir honorer. 

Le cinquantième anniversaire de la mort du Général de Gaulle fait ressortir de façon saisissante le décalage entre les paroles et les actes, entre l’embellissement permanent du mausolée du Général de Gaulle et l’éloignement croissant d’une politique de défense des intérêts français, de modernisation de l’Etat, de renforcement de la démocratie et de solidarité sociale au sein de la nation. 

Après avoir identifié le mécanisme du « bouc émissaire » dans le cas du Général de Gaulle, je ne vais pas faire porter toute la somme de l’antigaullisme de fait à notre actuel président de la République. mais il est bien vrai qu’il condense par son comportement tout le paradoxe que nous soulignons. Que de fois, depuis son élection, ne l’avons-nous vu arrêté devant une statue ou un mémorial du Général. Et pourtant les exemples se bousculent pour dire: il fait exactement le contraire du Général. J’en ai recensé dix. 

1. Emmanuel Macron parle de « souveraineté européenne » comme le Général parlait « d’Europe européenne » mais jamais l’Europe n’a été plus loin de disposer d’une autonomie stratégique. 

2. Le Général de Gaulle entendait que la Communauté Européenne serve les intérêts de la France. Jamais nous n’en avons été plus éloignés. 

3. Le fondateur de la Vè République se sentait très proche de la rigueur de gestion de notre voisin allemand. Revenu au pouvoir en 1958, il remit en ordre les finances publiques pour rendre à la France sa marge de manoeuvre, intérieure et extérieure. Emmanuel Macron est celui qui aura porté le déficit de la France à 120% du PIB. 

4. Le Général de Gaulle jugeait qu’au-delà de 30% de part des prélèvements obligatoires dans le PIB, on changeait de civilisation, selon son expression, on sombrait dans le socialisme. Faussement décrit comme un libéral, Emmanuel Macron maintient les prélèvements obligatoires à pratiquement le double. 

5. Le Général de Gaulle avait une politique restrictive sur l’immigration. Il reprochait au patronat français de choisir la facilité en recrutant des ouvriers étrangers plutôt qu’en investissant dans la recherche et la robotisation. De Gaulle avait interdit le regroupement familial. Emmanuel Macron est, hors considérations électorales, un immigrationniste forcené (en janvier 2017, en pleine campagne électorale, il faisait l’éloge de la politique d’immigration d’Angela Merkel). 

6. Le fondateur de la Vè République a donné l’indépendance à l’Algérie parce qu’il redoutait le différentiel démographique entre les populations respectives des deux pays et l’islamisation inéluctable de la France qui en résulterait. Non seulement Emmanuel Macron n’inverse pas la tendance  des successeurs du Général à laisser entrer une population musulmane nombreuse, mais il achève la grande casse de la politique familiale amorcée en 2011 sous Nicolas Sarkozy. 

7. De Gaulle fondait son action sur la confiance qui existait entre les Français et lui. Il la vérifiait régulièrement. Emmanuel Macron n’a pas remis son mandat en jeu après la crise des Gilets Jaunes. Et malgré la désastreuse gestion de la crise du COVID 19, il n’a fait qu’un changement cosmétique du personnel gouvernemental durant l’été. 

8. Avec le Général, la France investissait massivement dans la recherche, publique et privée. Emmanuel Macron a financièrement renoncé à faire de la France une nation de l’industrie 4.0.  

9. Le Général avait l’obsession de l’équilibre des puissances, ce qu’il fait qu’il restait rarement enfermé dans une alliance. Emmanuel Macron est un mondialiste enfermé dans le « nouvel ordre mondial » de ce que David Rothkopf appelle « la superclasse », le réseau des dirigeants internationaux faisant avancé un monde unifié pour les plus riches et co-géré par Occidentaux et Chinois. 

10. Le Général de Gaulle a doté la France de la dissuasion nucléaire pour qu’elle soit dans tous les cas maîtresse de son destin. Emmanuel Macron a sérieusement joué avec l’idée de partager la bombe nucléaire française avec l’Allemagne. 

En fait, Emmanuel Macron n’est pas seul. Il n’est que le porte-parole d’un monde dirigeant français qui l’a porté au pouvoir pour protéger le  monde « postgaulliste », une France où l’on rend un culte au Général enfermé dans un mausolée ou dressé sur un piédestal et où l’on s’empresse de faire le contraire d’une politique gaullienne quand on est dans son bureau ministériel ou quand l’on communique à outrance. 

A vrai dire, cette réalité contradictoire est de moins en moins tenable. Le 18 juin 2019 à Evreux, des jeunes gens ont déboulonné la statue du Général de Gaulle récemment installée. C’était à l’issue d’un match de football de la Coupe d’Afrique des Nations où l’Algérie avait joué. Personne n’en a parlé. Pourtant, l’événement était plus que symbolique: il incitait à se rendre compte de l’inefficacité du culte gaulliste et du caractère de plus en plus flagrant de l’absence de volonté politique qui caractérise nos dirigeants.  

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