Reconfinement : le prix que nous sommes prêts à payer pour sauver une vie est-il en train de flamber ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire Olivier Véran
Bruno Le Maire Olivier Véran
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

"Quoi qu'il en coûte"

La crise sanitaire pose un dilemme cornélien sur le prix de la vie face à la menace de la pandémie et au regard des conséquences désastreuses sur le plan économique. Quel prix sommes-nous prêts à payer pour éviter la mort de l'économie ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Quel prix de la vie pour éviter la mort de l'économie ? 

La vie ou la bourse ? L’économie ou le COVID-19 ? Réponse, les deux, en dosant au mieux, en expliquant et en convainquant surtout – souhaitons-le. On l’a vu : le choix est un reconfinement partiel, pour réduire le nombre de cas et de morts, autant que possible, en réduisant autant que possible aussi le nombre de chômeurs et la perte économique liée aux fermetures et aux risques de faillites. Pour cela, le Président Macron met l’accent sur les comportements de chacun et la solidarité entre tous. On peut toujours discuter de ces mesures, dire qu’il fallait les prendre plus tôt, ou d’autres, ou être plus strict, force est de constater que le développement de la pandémie est plus rapide que prévu, conduisant à des mesures nettes pour freiner puis réduire son expansion, tout en permettant à l’économie de se reprendre.

La vie ou la bourse ? Tout dépend de l’intensité de la menace. Ce sont en effet les comportements et les anticipations qui sont en jeu : c’est l’accélération récente qui change tout. Ce qui se passe aujourd’hui vient d’abord des risques et des coûts économiques extrapolés de la propagation. La France est désormais le 5° pays du monde par le nombre de cas (1,2 million), derrière les États-Unis (9 millions), l’Inde (8 millions), le Brésil (5,5) et la Russie (1,6), sur un total mondial de 45 millions de personnes infectées (officiellement). Bien sûr, ces chiffres ne disent pas tout : il faut prendre en compte le nombre de cas et de morts par million d’habitants (respectivement 19 000 et 550 pour la France) et surtout l’accélération en cours : en moyenne 38 200 le 27 octobre, sur les 7 jours précédents, contre 34 500, toujours en moyenne,  le 25.

R0 est le chiffre qui explique tout : c’est la menace, le nombre d’infections que suscite une personne porteuse du virus. C’est donc un indicateur de la vitesse de propagation de la pandémie. Il est actuellement de 1,4, en baisse depuis le début du couvre-feu où il était à 1,7, mais toujours supérieur à 1, indiquant donc une accélération de la maladie. Nous ne sommes plus à 0,8 comme en mai, après le confinement, et pourtant il est indispensable d’aller plus bas que ce chiffre.

La cohabitation avec le COVID-19  d’abord et au mieux, puis la baisse de R0 est la stratégie des autorités. Elle est évidemment coûteuse si l’on veut compter en coût de morts évitées : entre 2% et 5% de PIB par mois, soit entre 4 et 10 milliards, sans omettre surtout les fermetures d’usines ou de commerces, les chômages, autrement dit les coûts sociaux du chômage, les problèmes psychologiques et sociaux liés au confinement et au chômage. Les vies perdues, les vies abîmées.

Le choix du confinement partiel est donc un dosage de mesures sanitaires et économiques, dosage destiné surtout à éviter un mouvement de panique économique, social et financier. La croissance française est déjà réduite : le sursaut du Projet de budget 2021 à 8% du PIB, qualifié de « volontaire » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), après un -10%  en 2020, est en jeu. C’est pour éviter une glissade de l’économie vers une perte durable et significative de croissance que le déficit 2020 va encore se creuser, en espérant « sauver Noël » et, en fait, sauver 2021 et la suite. C’est le futur qui se joue : il faut le dire.

« Quoi qu’il en coûte » dit le Président, « une vie n’a pas de prix » : des phrases qui peuvent sembler généreuses mais sont dangereuses si elles ne parlent pas de chiffres, de coût des vies sauvées et des emplois menacés et perdus, si on ne change pas vraiment les comportements. Le COVID vient en effet « en plus » du reste : la crise financière américaine de 2007 dont on ne se sort pas, celle des états européens de 2010, la révolution technologique, l’avancée de la Chine, les tensions américano-chinoises qui font monter partout les tensions, plus les problèmes internes français. Le confinement ne doit pas alimenter les peurs du changement dans ce monde qui bouge.

Alors : la vie ou la bourse ? Les deux, comme toujours, mais en parlant plus courageusement de ce qu’est la vie aujourd’hui, avec ses perspectives et ses risques, pour préparer la bourse, autrement dit l’économie… et la vie. Il est en fait dramatique que la France soit à ce point exposée au virus, sauf si on mentionne sa croissance en berne, son chômage et ses déficits permanents pour aider à comprendre ce qui nous arrive. Nous ne sommes pas seuls dans ce cas, mais sans doute très menacés comme deuxième puissance de la zone euro, surtout si nous continuer à nous cacher ainsi derrière ce virus.

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