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coronavirus covid-19 France épidémie traçage isolement lutte contre le virus pandémie
coronavirus covid-19 France épidémie traçage isolement lutte contre le virus pandémie
©NICOLAS TUCAT / AFP / POOL

Tester, tracer, isoler

L'épidémie de coronavirus s'accélère à travers le pays. Le comportement des Français et le port du masque permettent d'entraver les transmissions. La stratégie de traçage et d'isolement pourrait être améliorée afin de briser les chaînes de contaminations.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Avec 52010 nouveaux cas hier l’épidémie à coronavirus s’accélère et s’amplifie en France. Il n’est pas nécessaire de réexpliquer la dynamique car elle se perçoit aisément avec les nouveaux cas qui ensuite deviennent en partie des malades, des consultants, des hospitalisés et des réanimés. Le virus n’a pas changé, sa transmission s’est modifiée car nous portons des masques, nous nous éloignons et nous diminuons nos interactions sociales dans des endroits clos. C’est efficace et cette somme des comportements des Français a aplati la courbe car elle entrave la transmission.


Sémantique de l’épidémie

Il n’y a pas de “vagues”, phénomène physique gravitationnel lors des marées par exemple. Une épidémie est un phénomène biologique lié à la transmission d’un micro-organisme, par exemple un virus. Il y a des phases comme la phase initiale sporadique et d’autres endémiques qui donnent des résurgences.

L’histoire des épidémies nous enseigne que les résurgences sont très fréquentes et peuvent être encore plus mortelles.

Ce phénomène biologique est multifactoriel et peut être modulé par nos comportements et des traitements.
Le coronavirus Sars-Cov-2 ne circule pas, il ne revient pas, il ne diffuse pas, il n'est pas « actif ».

Nous transmettons le virus essentiellement par des gouttelettes de l’air expiré. Un  humain porteur le transmet à un autre indemne.

Chaque porteur, en moyenne, le transmet en ce moment à 1,36 personne soit pour 1000 porteurs 1360 personnes contaminées pendant la période de contagion


Ces comportements adaptés ne sont pas suffisants car les nouveaux cas ne sont pas isolés

Pour être simple, les 52010 nouveaux cas d’hier vont transmettre. Essentiellement parce que l’organisation sanitaire n’a pas de raquette. Les identités des nouveaux cas, toutes connues par définition, ne sont pas transmises, les brigades ne les assistent pas dans leur isolement, l'isolement est laissé au choix de chacun. C’est incompréhensible alors que nous sommes à 10 mois de pandémie.

S’agit il d’un plan Ségurviétique miracle, d’une doctrine déclinée en fiches made in ENA?

Il est essentiel de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un plan ou d’une doctrine. Ces concepts technocratiques sont inopérants. Dans le monde il y a consensus sur la question et les modalités de l’isolement. Il s’agit de la transmission et des outils de la politique sanitaire. De ce point de vue nous avons régressé en France lors de la création des ARS dont l’ADN n’a rien à voir avec la santé mais dont tout le potentiel est consacré à contrôler le système de soins. Nous avons supprimé une organisation plus décentralisée et plus axée sur la santé des populations pour créer une préfecture des soins. Or le système de soins fonctionne très bien sans préfet attitré (il suffit de se rappeler l’état de notre système de soins dans les années 80); mais en revanche lorsque la santé des populations est menacée par un choc externe, épidémique, nucléaire, bioterroriste ou volcanologique sans organisation sanitaire le prix à payer en vies humaines peut être énorme. En pratique, tant que les fonctionnaires et leurs alliés éventuels (réserve sanitaire, médecine scolaire et du travail, étudiants en médecine et étudiants infirmiers, armée) ne seront pas sur le terrain et ne disposerons pas des outils numériques simples de traitement des données des nouveaux cas positifs, la prévention de la transmission sera amputée d’une jambe.

Quelle organisation sanitaire peut atteindre le niveau d’isolement efficace?

C’est à coup sur une organisation plus décentralisée de type régionale avec des antennes notamment dans les grosses agglomérations. Les exécutifs régionaux doivent être impliqués d'urgence dans cette transmission de la politique sanitaire. Les équipes seront constituées en fonction des besoins qui sont très différents selon la géographie et la densité de population. D’ores et déjà il faut dimensionner ces équipes et cela signifie mettre sur le terrain des dizaines de milliers de personnes. Il est impossible de réaliser une telle opération depuis l'avenue de Ségur. Ces dispositions sont tellement urgentes qu’il faut y consacrer un effort considérable et faire preuve d’innovation. Des outils législatifs sont nécessaires comme la transmission obligatoire, dans le cadre de l’urgence sanitaire, des résultats nominatifs avec les coordonnées de tous les tests aux brigades, au médecin traitant en plus de la personne testée. Sans exception. Bref il faut passer à un niveau supérieur d’efficacité et c’est facile car sur l’isolement nous sommes probablement < 10% d’isolements réussis.

L’étape d’après : anticipons pour enfin maîtriser l’épidémie

Certains pays, tout en connaissant une résurgence liée à l’activité humaine cet été, ont un nombre de nouveaux cas par million plus faible et ce dans des proportions importantes (les pays asiatiques, l’Allemagne et la Norvège notamment). Les dispositions qu’ils ont prises ciblent la transmission plutôt que l’activité en général. Ils sont intraitables sur l’isolement qu’il s’agisse de la quatorzaine aux frontières ou bien de l’isolement des cas endémiques. Or c’est très important pour l’étape d’après. Les modèles nous renseignent sur l’évolution de la pandémie en Europe et en France il est possible que nous observions un fléchissement après le 15 décembre. Toutefois l’incertitude est grande comme le traduit l’intervalle de confiance. Il faudra alors relâcher les contraintes et si nous n’isolons pas, cette fois à cause des températures basses, une nouvelle résurgence est possible. Mais dans le même temps il faut préparer la campagne de vaccination et une protection renforcée pour les personnes fragiles. Sans les brigades c’est à dire des dizaines de milliers de personnes déployées il sera très difficile de vacciner la population rapidement pour bâtir la barrière immunitaire. A défaut d’initiative étatique il serait dans l’intérêt des populations que le s régions se saisissent de cette situation et décident de constituer ces brigades opérationnelles avec cette triple mission:

  • Assister les Français positifs à s'isoler pour 14 jours.

  • Renforcer la protection des plus fragiles

  • Préparer la vaccination en hiérarchisant les indications et en accélérant le processus lui même.

Nous sommes en urgence sanitaire, ce n’est pas une guerre car le virus n’est pas un être conscient qui veut notre mort, le virus se multiplie au mieux (avec des dégâts pour certains hôtes) grâce à des mutations adaptatives depuis des milliards d’années. La réponse doit être intelligente. Elle doit être en avance sur l’épidémie. On ne sortira de cette pandémie que par l’innovation et si possible la meilleure. C’est en cours et cette compétition mondiale est une chance. Il faut en décliner les avancées sans attendre, sans être aveuglé par les nombres qui sont inquiétants mais traduisent ce qui s’est passé il y a plusieurs semaines. Isoler les personnes positives est très efficace, plusieurs centaines de fois plus efficace que confiner et surtout compatible avec un retour aux activités économiques. Protéger de façon ciblée les personnes fragiles est un travail minutieux qui ne peut être réalisé que par des équipes locales. Préparer la vaccination est un pari sur l’avenir. Diminuer de moitié le temps de vaccination des personnes prioritaires sauvera des vies en permettant en même temps aux hôpitaux et à l’économie de fonctionner.

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