Ce mea culpa qu’Emmanuel Macron devrait prononcer avant qu’on puisse vraiment croire à sa détermination contre l’islamisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron islamisme lutte mesures ambiguïtés
Emmanuel Macron islamisme lutte mesures ambiguïtés
©ludovic MARIN / AFP / POOL

Ambiguïtés ?

Emmanuel Macron est mobilisé dans la lutte contre le séparatisme après l'attentat contre un enseignant, Samuel Paty, à Conflans-Sainte-Honorine. Le chef de l'Etat a fait preuve d'ambiguïté sur le sujet de l'islamisme par le passé. Le président devrait-il faire son mea culpa ?

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico.fr : Emmanuel Macron a fait preuve d'ambiguïté sur le sujet de l'islamisme. Très ferme lors de son discours sur le séparatisme, il a par le passé montré plus de faiblesse sur le sujet, s'affichant avec des personnalités plus complaisantes, telles l'humoriste Yassine Bellatar ou le député Aurélien Taché. Devrait-il, avant toute action politique, faire son mea culpa ?

Christophe Boutin : Je crois qu’en la matière il ne faut pas confondre, d’une part, ce qui est action politique proprement dite, menée par un Président de la République confronté à une situation particulièrement difficile - et dont, rappelons-le il est loin d’être totalement responsable, c’est le moins que l’on puisse dire, au regard de la politique menée depuis des décennies par ses prédécesseurs -, et, d’autre part, la manifestation d’une certaine complaisance envers des gens dont les déclarations sur ce plan de l’islamisme auraient été pour le moins ambiguës. Ne reprochons pas à Emmanuel Macron d’avoir dialogué avec telle ou telle personne déjà suffisamment mise en avant sur la scène politico-médiatique.

Ce qui est en revanche plus problématique, c’est bien évidemment lorsqu’il s’agit de confier des missions officielles à des personnes de ce type, ou de considérer que leur avis permet de fonder une politique. Pour autant, ni Aurélien Taché, ni Yassine Bellatar n’ont été nommés ministres des cultes et n’ont sans doute réellement influencé la politique menée par Emmanuel Macron en matière de lutte contre l’islamisme. Tout au plus ont-ils contribué à diffuser directement auprès du Chef de l’État le discours victimaire et larmoyant dans lequel se complaisent les soutiens de l’islamisme agissant.

Si l’on devait parler d’ambiguïtés macroniennes, ce serait sans doute plus au niveau du vocabulaire utilisé : le terme de « séparatisme » par exemple ne permet pas de designer clairement ce à quoi on s’oppose… au point que l’on peut se demander, justement, s’il ne s’agit pas avant tout d’éviter de le désigner clairement. S’il s’agissait de faire profil bas pour éviter les critiques – un sentiment renforcé par le fait que le terme flou lui-même allait disparaître du projet de loi destiné à mettre en œuvre le projet présidentiel -, cela a été un échec : à l’étranger comme France de nombreux commentaires ont attaqué le ton du Président de la République, jugé trop agressif à l’encontre de l’islam - et 15 jours après un attentat ensanglantait notre pays.

Autre exemple d’ambiguïté présidentielle, lorsque l’otage des djihadistes maliens, Sophie Pétronin, a cru bon de dédouaner ces derniers de tout fanatisme pour en faire de simples forces armées indépendantistes, c’est le Chef d’état-major des armées, le général Lecointre, qui a du monter au créneau pour rappeler un certain nombre de réalités en la matière, devant le silence du Chef des armées, le Président de la République, ou de sa ministre des Armées.

On l’aura compris, ce que vous nommez ambiguïté, et qui est finalement assez classique dans notre classe politique française sur ce point particulier de l’islamisme, bien au-delà de la seule personne d’Emmanuel Macron, relève en fait beaucoup plus de la lâcheté que d’une confusion idéologique, pas tant devant les islamistes d’ailleurs que devant les forces politico-médiatiques qui, des compagnons de route assumés aux idiots utiles, permettent à ces derniers d’avancer partout leurs pions.

Qu'est-ce qui, concrètement, a été fait ? Sur le terrain, ces fourvoiements ne peuvent-ils pas mener qu'à l'inaction ?

Je pense que beaucoup a été fait, et que beaucoup peut être fait encore, si l'on permet seulement aux spécialistes du sujet, à ceux qui sont quotidiennement confrontés aux pressions, aux violences, et donc à la réalité du phénomène, d'agir de manière efficace. Nos services de renseignement travaillent de manière cohérente sur le sujet lorsqu’on veut bien les laisser faire, au lieu de les obliger à passer leur temps sur des menaces imaginaires qui ont pour seul but de satisfaire la doxa gauchiste, comme la menace d’un coup d’état fasciste. De la même manière, nous avons en France d’excellents analystes en matière de sécurité, et nos forces de police et de gendarmerie disposent de moyens pour porter des coups aussi bien au terrorisme dans sa forme idéologique et/ou violente qu’à cette gangrène mafieuse qui lui fournit son terreau.

Pour autant, il faut là une ligne claire, et une protection sans faille des fonctionnaires engagés dans cette lutte, ce qui n'a pas été le cas depuis des décennies. Agressé en permanence, vilipendé par l'extrême gauche, démantelé régulièrement, ou recomposé de manière différente, pour satisfaire tel ou tel président, cet outil de travail demande avant tout à être stabilisé et mis en confiance pour pouvoir agir en toute sérénité. L’inaction cessera dès lors qu’on cessera de le tenir rênes courtes ou de le livrer en pâture à des hyènes médiatiques qui font le jeu de nos ennemis.

L'affichage récent de la fermeté contre l'islamisme peut-il être efficace si, en coulisses, l'appareil d'État n'est pas purgé des éléments qui affaiblissent le combat en évitant le conflit à tout prix ?

Le problème est que l'on n'a pas seulement en France au sein de l’appareil d’État des éléments qui, comme vous le dites gentiment, « affaiblissent le combat en évitant le conflit », autrement dit crèvent de trouille au premier problème et ne se préoccupent que de ne surtout pas faire de vagues. Le problème, c’est que nous avons aussi affaire de manière très claire à une véritable « cinquième colonne » qui travaille contre l'État et pour l'islamisme. Il y a, c’est vrai, chez certains une tolérance excessive, des lâchetés régulières, des renoncements permanents ; il y a aussi des idiots utiles ; mais, ne nous nous voilons pas la face (si on ose dire sur le sujet), il y a aussi de véritables « compagnons de route », des soutiens assumés. Reprendre par exemple l'accusation « d'islamophobie », élément clef de la politique menée au sein des États comme à la tribune de l'ONU pour interdire toute critique de l’islam en est un élément évident.

Mais les réactions des Français face à cette cinquième colonne depuis sont quelques jours intéressantes. La présidente de l’Unef ou Jean-Luc Mélenchon, hués dans les manifestations auxquelles ils ont voulu participer, ont été traités de « collabos », un terme très fort symboliquement, et qui pourrait fort bien s’appliquer demain à des membres de l’appareil d’État qui, par leur pseudo-laxisme – résultant en fait de parti-pris idéologiques parfaitement assumés –, servent les intérêts de certains groupes hostiles à notre Nation. Est révélateur aussi le fait que nombre de Français se soient volontairement abstenus d'aller aux manifestations pour ne pas se retrouver pris en otage par ces manipulateurs qui, après le massacre de Charlie hebdo, à coups de « pas d’amalgame », interdisaient toute mise en cause du groupe dont provenaient les meurtriers.

Nous verrons demain et dans les semaines qui suivent si Emmanuel Macron prend toute la dimension de cette évolution et s’il est décidé à effectuer les purges que vous évoquez et à redonner confiance à ceux qui ont pour mission de combattre nos ennemis.

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