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L’inconscience de certains juges face au terrorisme
©Reuters

Bonnes feuilles

Thibault de Montbrial publie "Osons l'autorité" aux éditions de L’Observatoire. Notre société est aujourd'hui minée par des fractures profondes qui compromettent sa cohésion. Thibault de Montbrial démontre dans cet essai implacable que notre sécurité intérieure ne cesse de reculer. Extrait 2/2.

Thibault de Montbrial

Thibault de Montbrial est Avocat au Barreau de Paris, Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure.

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Il est de bon ton de s’en prendre au laxisme des juges. Nombre de policiers et leurs syndicats s’en plaignent ouvertement, fustigeant les alternatives à la prison ou les peines avec sursis pour des délinquants déjà chevronnés, prêts à récidiver. La réalité est plus nuancée. Les juges, aussi indépendants soient-ils au regard de la Constitution, agissent dans le cadre du Code pénal et du Code de procédure pénale qui guide et limite leur marge de manœuvre. Ils constituent le bras armé de cette accumulation de mesures irresponsables adoptées par nos assemblées au fil des années, véritable abandon d’autorité institutionnalisé. Peut-on reprocher à ces hommes et ces femmes, qui ont fait vœu de rendre la justice, d’avoir intégré dans leur logiciel que l’incarcération était, pour la plupart des délits, la pire des solutions ?

Heureusement, les infractions les plus graves échappent le plus souvent à cette règle. Les cours d’assises et tribunaux correctionnels, confrontés aux délits et crimes particulièrement violents, barbares ou mettant en péril la stabilité de la nation, n’hésitent pas à infliger de lourdes peines de prison, auxquelles viennent parfois s’ajouter des peines de sûreté, qui empêchent pour un temps toute libération conditionnelle anticipée. À cet égard, il paraît naturel de s’attendre à ce que les terroristes, exclusivement jugés par des magistrats professionnels, soient épargnés par l’indulgence dont peuvent bénéficier les délinquants de droit commun. Hélas, c’est loin d’être toujours le cas.

Le Centre d’analyse du terrorisme (CAT), que j’ai fondé en 2014 avec Jean-Charles Brisard et Damien Martinez, a réalisé une étude très complète sur les peines infligées aux djihadistes reconnus coupables d’infractions à caractère terroriste entre 2014 et 2017, au plus fort de la vague d’attentats qui a secoué l’Europe. Les conclusions sont édifiantes. Les procès des deux cent trente-huit personnes jugées en lien avec les filières de combattants syro-irakiennes ont abouti à des peines moyennes prononcées de seulement six ans et six mois de prison. Pour les personnes ayant purgé leur peine avant l’interdiction en 2016 des crédits de remise de peine pour les terroristes, la durée réelle d’incarcération était de cinq ans et deux mois. On pourrait imaginer que l’année 2014 tire ce chiffre vers le bas, et que les peines infligées après le bain de sang de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher, et du 13  novembre 2015 ont été beaucoup plus sévères. Il n’en est rien  : entre 2016 et 2017, après des dizaines de morts, l’état d’urgence et la menace quotidienne d’une nouvelle tragédie, la moyenne des peines infligées aux djihadistes n’a augmenté que d’un an et trois mois supplémentaires, à la profonde consternation de nombreux juges d’instruction et procureurs spécialisés.

Ces données, qui mettent en lumière ce que l’on est en droit de qualifier d’inconscience, montrent à quel point nos juges, influencés par des lois dogmatiques depuis des années, ont oublié que la mission première de la prison n’est pas de préparer la sortie de celui qui s’y trouve par sa propre faute, mais avant tout de protéger la société contre ceux qui veulent lui nuire. Mais ces chiffres prouvent surtout à quel point le refus de voir dans le terrorisme une entreprise au service d’une idéologie puissante et conquérante, l’islamisme, nous a collectivement mis en danger. Car c’est l’autre conséquence de ces décisions de justice iniques : d’ici à la fin de l’année 2020, 65 % des individus jugés entre 2014 et 2017 seront libres, parmi lesquels 83 revenants, et 59 individus impliqués dans des réseaux de soutien logistique ou financier à des projets d’attentats réalisés ou avortés, ou ayant incité à un acte de terrorisme. L’échec des programmes de déradicalisation menés jusqu’ici derrière et hors les murs finit de laisser présager du pire pour les mois et années à venir.

Découvrez notre entretien avec l'auteur : Thibault de Montbrial : « Le vivre-ensemble n’est plus qu’une incantation psalmodiée par des gens qui, à titre personnel, font tout pour s’y soustraire »

A lire aussi, un autre extrait de l'ouvrage : Restaurer l’autorité : priorité au régalien

Extrait du livre de Thibault de Montbrial, "Osons l'autorité", publié aux éditions de L’Observatoire.

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

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