Charge mentale : alerte à la fatigue du Covid <!-- --> | Atlantico.fr
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coronavirus covid-19 tests pandémie virus dépistage
coronavirus covid-19 tests pandémie virus dépistage
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Quand la discipline s’émousse

Comme dans toutes les épidémies arrive un moment ou les contraintes sanitaires deviennent trop lourdes à assumer et le coronavirus ne fait pas exception. Il est pourtant important de ne pas laisser la lassitude de la maladie s’installer.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico.fr : L'épidémie de coronavirus s'est installée dans nos vies depuis plus de six mois maintenant, certains comportements semblent indiquer une lassitude à l'égard de cette épidémie, est-ce un phénomène réel et comment cela s'explique-t-il ? 

Pascal Neveu : Depuis le début du confinement j’ai été en réunions pluri quotidiennes nationales et internationales face à ce sujet, et les conséquences psychologiques dont cette lassitude.

S’il y a lassitude elle est liée à différents facteurs :

- une communication gouvernementale catastrophique, peu claire

- des querelles d’egos de scientifiques

- une défiance du monde médical avec une montée de mouvements sectaires et complotistes

Jamais nous n’avons vu de pseudo sachants s’exprimer autant.

La population « en a marre » de ce qui est devenu une « trumpisation » de la communication.

Les politiques étaient depuis longtemps discrédités.

Ce sont, depuis, les médecins, et des plus éminents, qui ne peuvent plus livrer des vérités. Insultes, suffisances, intérêts personnels… le monde médical s’est suicidé !

Alors que le terme de « guerre » avait été annoncé… ils ne se sont fait que la guerre, alors que les personnels médicaux sauvaient des vies.

La population souffre économiquement, médicalement, socialement et personne n’est en mesure de comprendre et tenter mesurer l’impact psychologique de cet effroi, de ce traumatisme qui va impacter une population mondiale durant des années.

Il est question de licenciements, de dépressions, de suicides, de violences conjugales…

La lassitude passe par la réalité et non des analyses bureaucratiques.

Il n’est question que de la réalité du terrain, de nos consultations, de ce que les CUMP ou les libéraux nous entendons au quotidien.

Certains opposeront que dans les années 40 nous avons connu la guerre, les couvre-feu, les camps de la mort… et que cette pandémie n’est en rien comparable. Tout comme d’autres rapportent des chiffres de décès également incomparables, surtout si nous les rapportons aux impacts psychologiques sans lien avec la mortalité cancérigène,  cardiologique…

La lassitude passe par le n’importe quoi raconté et les comparaisons outrancières.

Est-ce que ce sentiment présente des risques pour la santé physique ou mentale des personnes ? Une plus grande exposition au virus par négligence ou un burnout par exemple ?

Depuis toutes les dernières pandémies (par exemple Ebola) nous connaissons tous les risques de décompensation, de stress…

Le burnout est une autre problématique. Ce syndrome de l’épuisement professionnel est pour moi un symptôme de l’identité trop vécue sur le plan professionnel. Quand on ne se vit que dans son travail, quand on n’a rien d’autre… on se tue à petit feu.

Mais toute pandémie, tout confinement porte des répercussions.

L’Université de Toulouse mène une étude qui risque de nous rappeler ce qui était déjà mesuré :

- augmentation des dépressions

- troubles du développement psychomoteur chez les enfants de moins de 10 ans

- retard de la locution chez les enfants de moins de 7 ans

- stress post traumatique chez les adultes

- 30% d’augmentation des violences conjugales

- troubles du sommeil

- troubles paranoïdes

 La liste est longue.


Mais ce qui ressort actuellement est que la population se sent lassée, d’une part de n’entendre parler que la Covid tous les jours, et se lasse des mêmes sachants qui pour de nombreux sont « taclés » de girouettes.

L’humain, et le cerveau, veulent un discours cohérent, qui les rassure.

Comment faut-il faire pour combattre cette lassitude et adopter une bonne attitude vis-à-vis de la situation ?

Depuis le début de cette pandémie et durant toutes mes réunions je n’ai cessé de dire que jamais je n’aurais souhaité être à la place de nos gouvernants.

Que quiconque sache mieux ose l’affirmer.

Cette lassitude me pose souci en terme de santé publique.

Et elle me pose question quant à l’impact psychologique.

Il est des précautions à conserver.

Mais nombre ne cessent d’affirmer que le risque n’est pas réel, que l’immunité collective est à préférer, sans compter un masque qualifié de liberticide,

Or, même si nombreux s’excitent à défendre des comportements risqués… et sans vouloir m’ériger comme un moraliste… J’ai connu nombre de contaminés, nombre de personnes réanimées, nombre de soignants eux-mêmes contaminés, des amis décédés… que ceux lassés, et je les entends, aient conscience d’une réelle pandémie.

Cette lassitude ne passera que lorsque la défiance politique et scientifique passera également.

Le monde médical est également las.

Ce matin encore l’Institut Pasteur m’adressait un document, dépités de ce que ces chercheurs étaient, regrettant que la population risquent de ne plus croire en eux.

Pourtant, s’il ne faut pas douter, ce sont nos vrais et nombreux chercheurs.

Ceux dont il ne faut pas être las, ce sont ceux qui ne vont pas mourir de leur ego hautain.

La recherche est faite d’humilité, et l’homme ne saura s’en lasser car il reconnaîtra celui qui l’aura fait avec son cœur… en tout cas je l’espère.

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