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©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Denis Jacquet revient cette semaine sur l'exaspération des entrepreneurs face à la crise économique liée à l'impact de la pandémie de Covid-19.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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La foule commence à se presser. Toutes les composantes de la société, les plus hétéroclites, y compris les plus nauséabondes, ont manifestement décidé de retrouver leur couleur préférée, et d’abandonner les ronds-points de province, pour se concentrer sur le seul qui les intéresse, celui des Champs-Élysées. Ce pot parfois un peu pourri, dénué de colonne vertébrale, sans pensée homogène, ni leader désigné, représente peut-être la version moderne de la révolution, mais elle n’en a ni le panache, ni le motif unique, ni de cible précise, si ce n’est de manifester un éventail multicolore d’exaspération, que la gestion du Covid a remis au goût du jour. Ils menacent de terminer ce que notre gestion hystérique et calamiteuse a déjà commencé, à savoir de finir par creuser une tombe vers laquelle ils pensaient tous être menés inexorablement. Cette fois, ils pressentent que la récession, va même commencer à refermer la tombe sur un corps désespéré, mais encore vivant, et la perspective de mourir étouffé, les pousse vers Paris, pour une saison 2, qui est très sympa à voir sur Netflix, mais pas dans nos rues.

La question est donc naturelle pour les entrepreneurs. Ils vont mourir par dizaine de milliers, lâchant aux morsures du chômage des salariés auparavant sécurisés, qui vont ainsi rejoindre leurs amis, cousins, déjà partis incendier Paris. Sans perspective de retrouver le moindre emploi, ils n’auront rien d’autre de mieux à faire. Ils viendront grossir les rangs des émeutiers, et seront même capables, à leur insu parfois, de devenir violents. Très violents. 

Les entrepreneurs sont naturellement plus faciles à exaspérer, plus difficiles à rendre violents et sauvages. Mais la nature a ses droits que la raison ignore dans les situations extrêmes. Et celle que nous allons vivre sera marqué du sceau de l’injustice, la seule qui puisse révolter des hommes et des femmes habitués à se battre, oui, mais en gardant les mains propres, sur le terrain économique.

Un entrepreneur en Jaune, cela aurait néanmoins de la « gueule ». Un but précis. Une raison claire. Un objectif facile à comprendre. Un « petit » entrepreneur, cela parle à tous. Chacun sait à quel point son fardeau est lourd, souvent plus lourd encore que celui de ses salariés, sans que son salaire ou sa condition sociale n’en soit enviable, bien au contraire. Pas de protection, pas de chômage, pas de protection, ni d’amortisseur. Une fois liquidé, il monte à cru sur une société qui rue pour s’en débarrasser. 

Partout nous voyons la révolte monter, car cette crise du covid a été un révélateur des défauts de notre société, de nos États et Gouvernements, et sa gestion en a été un accélérateur. Un accélérateur du pire. Écarts de richesse accrus. Pauvres toujours plus pauvres. Enfants défavorisés laissés pour compte de l’éducation. Mères célibataires au chômage. Pays émergents abandonnés. Minorités en péril. Et salariés au chômage, sur les territoires petits et moyens, ruraux. Une horreur en Marche.

A bout de patience, les Noirs Américains. Les démonstrations croissantes des « single mums » en Angleterre, qui hier manifestaient contre une gestion Britannique étouffante, qui pour moins de 10 morts par jour, leur vole leur emploi ou leur formation. 65% d’entre elles selon le reportage diffusé hier sur CNN, étaient mises sur la touche à cause de la gestion de la crise du covid. Les sud-américaines et les étudiants de ce continent qui hurlent à la mort programmée, car cette gestion en seulement 6 mois, a anéantit, selon le New York Times qui cite l’ONU, plus de 30 ans d’efforts à sortir la classe pauvre de la disette, par la formation. 30 ans d’efforts pour rien. Pour sauver quelques milliers d’occidentaux de plus, on en condamne des centaines de millions partout dans le monde. 200 millions selon les institutions internationales, qui vont rejoindre le seuil de l’extrême pauvreté. La gronde monte. Et n’oublions ni les morts de faim pendant le confinement en Inde. Les femmes battues avec toujours plus de violence, offertes à domicile à leurs bourreaux pendant le confinement. Les enfants déscolarisés. La liste est longue. Cette gronde sera internationale, car le désespoir n’a ni couleur, ni frontière. Et chaque pays alimentera les autres de sa propre violence. L’énergie du désespoir se communique à distance. Il n’y pas que le télétravail qui permette d’agir de loin. Pour des dégâts de près.

Alors face à tout cela, je proposerais que les entrepreneurs se fâchent enfin, mais sans violence. Car ils sont des hommes et femmes chapeaux. Avec leur disparition, sonne le glas de leurs salariés, de leurs fournisseurs, de leur Mairie, des territoires déjà en suspens. Ils ont la capacité de fédérer sans violence, cristalliser dans l’harmonie, donner un objectif et des solutions qui conviennent à tous. L’entrepreneur pourrait être un porte-drapeau idéal, capable d’exprimer son dégoût sans sombrer dans la boue. La violence. Le sordide. 

J’aimerais donc vous proposer, amis entrepreneurs, de vous mobiliser. De réclamer la réouverture complète de l’économie, sans restriction, sans renoncer aux mesures destinées à sécuriser les plus fragiles. Ré-ouvrir, afin de ne pas dépendre d’un plan de relance, qui n’est ni suffisant, ni bien répartit, ne remplacera jamais le chiffre d’affaire de ceux qui seront liquidés dans les semaines et mois à venir, ne comporte pas de véritables volets d’investissement capables de faire de nous des compétiteurs au niveau international, et sera saupoudré entre tant d’objectifs et de secteurs, qu’il ne fera quasiment que des insatisfaits. 

Ouvrir à nouveau l’économie, n’est pas une insulte au moins de 10 personnes qui meurent dans notre pays chaque jour. C’est au contraire un signe de respect, ils seront morts pour que le monde vive. On peut compter sur cette génération des plus de 84 ans, qui elle, a le sens du sacrifice et pratique depuis toujours le courage et non la lâcheté, comme leurs petits-enfants. Ils sont forts, et ne meurent pas de peur devant les échéances, y compris les pires. 

Ouvrir notre, nos économies, c’est éviter un endettement supplémentaire, suicidaire sur le temps long. Pourquoi casser les voitures ? Pour faire vivre les garagistes ? Ce n’est pas sérieux. En évitant de tout casser, nous éviterons d’avoir à tout réparer.

Entrepreneurs, on tente le jaune ?

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