La dégringolade de la France dans le top 10 des puissances économiques mondiales est-il purement mécanique (lié à notre démographie et au développement des pays sous-développés à forte population) ou le reflet d’un déclin ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire Emmanuel Macron économie France note classement
Bruno Le Maire Emmanuel Macron économie France note classement
©ludovic MARIN / POOL / AFP

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La signature du plan de relance européen va-t-elle faire évoluer la notation de la France ? La hausse de la valeur de l’euro face au dollar va-t-elle avoir un impact sur la relance européenne et sur l'économie en France ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico.fr : La dégringolade de la France dans le top 10 des puissances économiques mondiales est-il un phénomène mécanique lié à notre démographie et au développement des pays sous-développés à forte population ou le reflet de notre déclin ? 

Michel Ruimy : Les trois plus importantes agences de notation - Standard & Poor’s, Moody’s, Fitch - ont récemment abaissé voire maintenue la « perspective » de la France, sans toucher à leur notation respective. (La France avait perdu sa note, « AAA », auprès des trois agences de notation en 2012). Cette décision n’a pour le moment pas eu d’effet majeur sur les marchés financiers. La France continue de pouvoir emprunter dans des conditions satisfaisantes avec des taux bas.

Cet abaissement reflète davantage et essentiellement la dégradation substantielle, attendue cette année, des finances publiques et de l’activité économique du fait de la crise sanitaire. Rappelons que le dernier budget rectificatif pour 2020 intègre une prévision de contraction du Produit intérieur brut (PIB) de 11%, un déficit public de 11,5% (225 milliards d’euros) et une dette publique de 121% du PIB. Très loin des règles européennes qui plafonnent le déficit à 3% et la dette à 60% du PIB.

Si le « Quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, qui a permis d’ouvrir les vannes des dépenses publiques pour soutenir les entreprises et l’économie française pendant le confinement, il aura également un coût à terme. Cette dégradation s’inscrit dans le prolongement de la réflexion que les mesures fiscales antérieures visant à réduire le creusement du déficit public n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, elle se produit dans un contexte d’un niveau d’endettement déjà élevé, de progrès limités dans la consolidation budgétaire depuis la crise financière de 2008 et d’une croissance économique modérée.

En fait, la crise sanitaire a révélé que la France a perdu, encore un peu plus, de sa marge de manœuvre financière et qu’elle n’est pas en mesure de se réformer davantage en raison du maintien d’un chômage élevé. Le prochain plan de relance nous indiquera s’il s’agit d’un ensemble articulé de mesures permettant de libérer le potentiel de croissance, préalable indispensable à la baisse du chômage.

Quel rôle peut jouer la signature du plan de relance européen sur la notation de la France ?

La dégradation de la perspective de notre pays augmente la pression sur la cote de crédit française. En d’autres termes, ceci signifie, en théorie, que la France devrait accroître la rémunération des obligations et titres publics qu’elle émet si elle souhaite que les investisseurs les achètent.

Or, le taux d’intérêt d’emprunt à 10 ans de la France est resté à un bas niveau. Une stabilité qui s’explique d’une part, par le contexte global d’injections massives de liquidités par les banques centrales et d’autre part, par une absence d’alternative : les investisseurs en euros non-résidents préfèrent la dette française à la dette italienne ou espagnole, moins sûres et moins bien notées, et, dans une certaine mesure, à celle de l’Allemagne, dont les taux sont plus bas pour une qualité jugée quasi-équivalente.

Le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, quant à lui, va avoir une incidence très forte sur l’activité économique puisque 70% de cette somme doit être dépensé dans les deux ans pour faire face à la crise. L’Union européenne (UE) va pouvoir emprunter, avec une notation « AAA », 390 milliards de subventions - au nom des États membres - qu’elle redistribuera en fonction des besoins des pays pour faire face à la crise. 
La France bénéficiera d’un peu moins de 40 milliards d’euros, soit un peu plus d’un tiers du plan de relance. Cet apport de l’UE est une différence majeure avec la crise de 2008 où l’institution était restée muette. Dans une certaine mesure, il n’alourdira pas d’autant le poids de la dette française. C’est pourquoi, dans un contexte de convalescence économique, la notation de la France devrait rester, à court terme, toutes choses égales par ailleurs, stable. 

La gestion globale de la crise du coronavirus en Europe a entraîné une hausse de la valeur de l’euro face au dollar. Cela aura-t-il un impact négatif sur la relance européenne et la puissance économique de la France ?

En un peu plus de deux mois, l’euro s’est apprécié de près de 10% contre le dollar américain, qui, lui, a baissé face aux principales devises depuis 3 mois. 

Cette appréciation résulte, tout d’abord, de l’accord trouvé par les chefs d’États européens sur le double sujet du plan de relance (750 milliards d’euros) et de l’adoption du budget 2021 - 2026 de la Commission européenne (plus de 1 000 milliards d’euros). L’émission d’une dette européenne mutualisée, garantie par les Etats membres, constitue, de facto, une étape majeure vers une Europe fédérale. On oubliera les atermoiements des uns et des autres et les habituelles « négociations de tapis ». En fait, l’essentiel est apparu lors de la déclaration commune d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron (19 mai) : le couple franco-allemand est indissociable et demeure, pour l’instant, notamment par ses complémentarités culturelles, géographiques, économiques et, par une farouche volonté politique, le socle inébranlable de l’Europe. Les marchés l’ont compris et ont acheté l’euro.

Ensuite, de manière concomitante, cette revalorisation découle de l’aggravation de la crise sanitaire dans certains Etats américains les plus peuplés et aux atermoiements politiques du Congrès autour d’un nouveau plan de relance pesant sur la devise américaine (Faute d’accord au Congrès, le président américain a promulgué un nouveau plan d’aide par décret pour soutenir les millions d’Américains touchés par la crise économique). 
Mauvaise gestion de la crise sanitaire, incertitudes politiques, démondialisation… pèsent ainsi sur le billet vert. Mais plus qu’une hausse de l’euro, il s’agit d’une baisse du dollar américain, qui a conduit à une hausse du baril de pétrole, de l’once d’or… 

Dès lors, dans un contexte de relance post-crise sanitaire, un « euro fort » rend les entreprises européennes exportatrices moins compétitives et, a contrario, peut motiver certains flux d’importations. Le cours actuel de l’eurodollar pourrait contrarier la reprise économique. De manière plus précise, l’euro pourrait révéler certaines distorsions économiques de la zone : en particulier, il pourrait être « fort » pour l’Allemagne, dont les exportations ont repris. Les déséquilibres intra zone euro pourraient, de ce fait, apparaître en pleine lumière et dans toute leur cruauté, le cas échéant, pour la France.

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