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Boris Johnson Emmanuel Macron
Boris Johnson Emmanuel Macron
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

No non-sense

Le Premier ministre britannique Boris Johnson est souvent comparé à Donald Trump et rarement à Emmanuel Macron. La popularité du chef de l'Etat français est très instable, à la différence du dirigeant britannique. Pourquoi les électeurs de Boris Johnson lui sont-ils si fidèles ? Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette même fidélité dans l'électorat macroniste ?

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico.fr : On compare souvent Boris Johnson à Donald Trump, et rarement à Emmanuel Macron. Quelles sont les similitudes entre Emmanuel Macron et Boris Johnson quant à la gouvernance de leur pays ? 

Chloé Morin : Il y a dans le positionnement de Johnson quelques similitudes avec le Macron des débuts, dans le sens où bien qu’appartenant totalement au « système » - la famille de Johnson compte des journalistes, des politiques… et lui-même est en politique depuis longtemps; Emmanuel Macron est un Haut fonctionnaire, bien intégré à l’élite économique et administrative… - ils revendiquent une forme de positionnement « hors système ». Johnson a fait de l’Europe son bouc émissaire, mais aussi d’une partie des médias et d’une « pensée unique » élitiste. Emmanuel Macron avait choisi la « caste » des Hauts fonctionnaires et « l’ancien monde » politique comme principaux adversaires, et s’est employé à remplacer le second, et sinon à mettre au pas le premier, du moins a continué régulièrement à pester contre « l’Etat profond ». 

Donc chacun s’est construit comme une figure du système mettant en scène sa marginalité. Sur les politiques de fond, Emmanuel Macron s’avère à la fois moins constant dans sa doctrine - qui a semblé s’adapter à la réalité des menaces politiques représentées par ses adversaires - que Johnson, et plus conventionnel. Par certaines de ses prises de position, Johnson tranche en effet avec certaines traditions doctrinales conservatrices. Il lui arrive de se trouver là où l’on attend pas les conservateurs (en défense du système de santé, par exemple). Il semble chercher à travers son sillon, cultiver un positionnement idéologique non-conventionnel mais relativement constant, là où Emmanuel Macron a pu envoyer des signaux « de gauche » aux moments où la demande de justice sociale se faisait pressante, puis envoyer des signaux beaucoup plus « de droite » lorsqu’il s’est agi de fracturer davantage ce qu’il reste de l’opposition de droite. Au prix de la cohérence, en tout cas telle que perçue par un certain nombre de Français…

Finalement, en termes électoraux, Johnson semble se positionner en Hérault des « somewhere » (pour reprendre la dénomination de Goodhart), lorsque Macron est devenu l’incarnation - les cotes de popularité le confirment - des « anywhere », soient les élites urbaines, au capital socio-économique important, et ouvertes à l’Europe et au monde. 

La cote de popularité d'Emmanuel Macron est instable, en hausse puis baisse de manière récurrente. Comment Boris Johnson et le parti conservateur ont-ils réussi de leur côté à maintenir une certaine constante dans les sondages ? 

D’habitude, les Premier ministres Britanniques commencent par une lune de miel plus ou moins longue avec leurs électeurs, avant d’entamer une descente aux enfers plus ou moins rapide. Le cas de Boris Johnson est en revanche tout à fait atypique : il a commencé son mandat à des niveaux de popularité relativement bas - plus bas que ses deux prédécesseurs en tout cas. Puis n’a cessé de grimper dans les sondages, notamment à la faveur de sa campagne pour obtenir un Brexit « dur », puis pour les élections législatives. Il a démontré qu’il savait rester fidèle à sa promesse initiale (« get Brexit done »), et ne s’est pas écarté une seule fois de son message principal (là où Emmanuel Macron a sans doute perdu de vue une partie de sa promesse originelle). Puis, aux débuts de la crise du Coronavirus, il a connu une explosion de sa popularité, à plus de 60% selon Yougov, avant de retomber ces dernières semaines aux niveaux précédents (autour de 40%).

Lorsqu’on observe la manière dont la gestion gouvernementale de la crise du Coronavirus est jugée, il est manifeste du côté de Boris Johnson qu’il a su, par ses prises de position, conserver son socle électoral. Alors que 42% des britanniques jugent que la crise a été mal gérée, contre 36% qu’elle l’a bien été - selon un sondage IPSOS Mori pour King’s College -, ce n’est le cas que de 21% de ses électeurs de 2019. Les conservateurs rendent avant tout les scientifiques, l’OMS, et le système de santé responsables des dysfonctionnements, là où les sympathisants Labour rendent avant tout le parti conservateur et le Premier ministre responsables. 

Evidemment, la gestion Johnsonienne est contestée par l’opposition, les médias, et une partie non négligeable de l’opinion. Mais il conserve à ce jour un certain nombre d’atouts. D’abord, le fait que bien qu’ils soient de plus en plus nombreux à mettre en doute sa compétence, aux yeux de 47% des britanniques  l a « fait aussi bien que possible » compte tenu des circonstances (contre 43% qui pensent qu’il a mal géré et a commis des erreurs qui auraient pu être évitées). Ensuite, parce qu’en matière économique - une priorité britannique et un point fort, traditionnellement, des conservateurs -, 45% pensent qu’il a bien agi, contre 43% qu’il a mal agi. Enfin, parce qu’il n’est pas contesté au sein de sa majorité. S’il est moins populaire aujourd’hui, ce n’est d’ailleurs pas simplement à cause du Coronavirus, mais du fait que le débat sur le Brexit - qui galvanisait sa coalition électorale - est passé au second plan.  

Selon vous, pourquoi les électeurs de Johnson lui sont-ils si fidèles ? Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette même fidélité dans l'électorat macroniste ? 

Jusqu’ici, et malgré les nombreux reproches qui sont adressés à Johnson par l’opinion - notamment l’indécision et l’incompétence -, il semble avoir réussi à rester fidèle à son message initial. S’il n’a pas réussi à tenir toutes ses promesses, il a en tout cas convaincre son socle électoral qu’il avait fait tout ce qui est en son pouvoir pour les tenir, et que ses échecs sont dûs à un certain nombre de boucs émissaires - l’administration, l’Europe, les oppositions…

En revanche, s’agissant d’Emmanuel Macron, il semble qu’au grès des ajustement tactiques, une partie des électeurs aient au le sentiment qu’il avait perdu de vue ses promesses initiales, voire qu’il « ne sait pas où il va ». Ils peinent de plus en plus à voir quelle société leur Président souhaite construire. 

A force de changer de pied, ce qui était initialement un atout pour déstabiliser ses adversaires politiques, il a généré ce qui est perçu comme des incohérences, brouillé son image comme son message, et sans doute jeté le doute sur la sincérité de ses convictions. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles il ne veut aujourd’hui pas tout à fait renoncer à la réforme des retraites et de l’assurance chômage : à la veille de l’élection de 2022, il lui faudra bien expliquer à ses électeurs ce qu’est devenu le réformateurs ambitieux, celui qui devait « faire bouger les choses »… or, en la matière, la mémorisation spontanée de son bilan est à ce stade relativement faible (mis à part la réforme de la SNCF, les ordonnances travail, ou le prélèvement à la source…). 

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