Jean Castex se présente surtout comme la voiture-balai du précédent gouvernement chargée de dégager la route pour les deux ans qui viennent<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Castex AFP
Jean Castex AFP
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

Au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron, le Premier ministre a prononcé un discours de politique générale. Au lieu de détailler un nouveau cap, Jean Castex a plutôt promis de clôturer les dossiers des réformes et de résoudre le problème de la crise sanitaire, économique et sociale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Si j’ai changé de Premier ministre et de gouvernement, c’est parce que nous avions besoin d’un nouveau cap et d’une nouvelle politique afin d’enrayer la crise sanitaire et d’amortir la crise économique et sociale de la rentrée... ». C’est un peu la réponse que le président de la République a faite à Léa Salamé quand, d’entrée de jeu, elle lui demande pourquoi avoir changé de Premier ministre.

La réponse pouvait paraître logique et légitime. La France n’est pas encore sortie d’une crise sanitaire historique, qu‘elle va tomber dans un tsunami social et économique sous les coups d’une vague de faillites et de licenciements alimentée par les effets du confinement total qui a fait perdre à ce pays plus de 10 points de PIB.

Comme la plupart des autres pays de la planète, la France n’avait pas d’autre choix que de mettre l‘économie sous cloche et à l’arrêt pour bloquer la circulation du virus et sauver des milliers de vie humaines. L’administration des services de santé britannique vient d’évaluer à 3,5 millions le nombre de vies humaines épargnées dans les pays de l’Union européenne grâce au confinement. Donc il n’y a pas matière à débat sur ce point.

Le débat est ailleurs, quand le président affirme avoir changé d’équipage parce qu’il devait changer de cap.

En réalité, il n’a pas changé de cap... Et tout ce qu’a expliqué Jean Castex pendant son discours de politique générale nous indique que si changement il y a, ces changements resteront à la marge et dans la forme.

Emmanuel Macron ne changera pas de stratégie par rapport à celle qui était la sienne quand il est arrivé et c’est bien parce qu‘il ne changera pas de politique qu’il a changé les hommes.

Les présidents de la 5e République (à l'exception de Nicolas Sarkozy) ont toujours procédé de la même façon.

Ils ont changé de collaborateurs plutôt que changé de cap... Quand ils ont été contraints de changer de cap (Mitterrand en 1982), les Premiers ministres sont restés aux manettes.

En se séparant d’Édouard Philippe et en confiant Matignon à Jean Castex, il donne l’impression de modifier son ambition et son cap. En réalité, il change le casting mais garde le même livret.

Le nouveau Premier ministre porte l’accent de la province et notamment celui  du sud-ouest, un peu rocailleux de la France profonde qui travaille la terre, mais il sort comme son prédécesseur du moule de la haute administration. Comme Édouard Philippe, il connaît mieux les codes de la droite libérale et du monde des affaires que les us et coutumes des bobos de gauche qui habitent la Bastille et travaillent le soir avec le groupe des Gracques...

Emmanuel Macron change de Premier ministre, mais l‘habille en vert, même si le vert qu’il préfère n’est pas celui des écologistes. « L‘écologie de la croissance, plutôt que la décroissance verte des écologistes radicaux. »

Il n’y aura sans doute pas plus de « monde d’après » avec Jean Castex, qu'il n’y en aurait eu avec Édouard Philippe.

Cela dit, la France est tellement bousculée et fragmentée qu’elle avait sans doute besoin d’être remise en ordre de marche.

La principale mission du gouvernement Castex va donc être de remettre la France en marche. C’est la principale raison à la nomination de celui qui était déjà en charge du déconfinement.

Le plan de route est donc clair, il s’agit de déconfiner le pays dans tous les sens du terme. Dans trois dimensions.

1er. La dimension sanitaire parce que l’épidémie n’a pas disparu et tant qu’on n’aura pas découvert un vaccin ou un traitement, la menace du virus va obliger l’ensemble de la population à se protéger. La première obligation de Jean Castex va être d’assumer l’application des règles obligatoires, port du masque, tests, marquage et traçabilité. L’équipe précédente manquait singulièrement de légitimité et donc d’autorité pour imposer ce genre de discipline. Jean Castex peut avoir cette autorité.

2e la deuxième dimension est évidemment économique et sociale. Alors il ne s’agit pas d’inventer un monde nouveau que la crise sanitaire aurait accouché au plus fort de la circulation virale. Certains l'ont peut-être cru, voyant dans le virus un révélateur de l’échec des systèmes capitalistes internationaux. Mais ceux-là ont pris leur utopie (si désirable fut-elle) pour une réalité vivable. Ils se sont trompés, comme souvent les utopistes se trompent.

Il s’agit, et c’est un chantier considérable, d’éviter l’afflux de chômeurs en multipliant les outils de traitement du chômage, en poursuivant le chômage partiel et en ressortant les emplois aidés. L’Etat aura dépensé plus de 100 milliards d’euros sur le front social pour éviter le désastre.

Il s’agit ensuite d’éviter les faillites les plus spectaculaires et d’aider l’industrie à se réorienter. Relocalisation dans l’hexagone pour éviter à l’avenir de dépendre d’un seul fournisseur, chinois la plupart du temps, et développement de l’industrie verte. Jean Castex annonce 40 millions pour l’industrie. Mais le plus important est ce qu’il ne dit pas : un choc de simplification. Les entreprises ont l’argent (140 milliards de prêts garantis par l’Etat), elles ont besoin de liberté administrative, moins d’impôts et moins de normes. 

La troisième dimension est sans doute structurelle. Et très politique.  Il s’agit, et c’est très clair dans les intentions du président, de poursuivre les réformes de structure entreprises et dont certaines ont avorté pour cause de gilets jaunes ou de coronavirus. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre s’est emparé, dès son arrivée, du plan Ségur de revalorisation des salaires des soignants. C’est la raison pour laquelle il va reprendre le projet de réforme des retraites. C’est la raison pour laquelle il a reçu mandat de ne pas augmenter les impôts, « quoi qu’il en coute» et surtout pas les charges fiscales des entreprises.

En fait, Jean Castex a mandat de rester dans les clous d’une économie d’offre de façon à protéger le potentiel de production des entreprises. Rien dans ses premiers choix ou premières décisions ne permet de penser qu’il dérogera au plan initial d’Emmanuel Macron. La forme sera amendée mais le fond restera identique.

Jean Castex a donc trois missions

D’abord, celle de finaliser ce qui a été mis en œuvre dans les trois premières années du quinquennat avec Édouard Philippe. C’est le côté voiture-balai.

Ensuite, celle de solder la crise sanitaire et son impact économique et social.

Et enfin, la mission de dégager la route pour aller jusqu’à la prochaine présidentielle.

Sur cette route-là, il risque de rencontrer deux séries d’obstacles qu‘il aura du mal à gérer parce qu’il n’aura pas de prise dessus.

D’une part, des risques politiques liés au climat social, mais ces risques-là dépendent essentiellement du comportement du président de la République. Parce que la politique choisie et menée jusqu'alors n’est pas rejetée par l’opinion, c’est Emmanuel Macron lui-même qui a du mal à être désirable.

D’autre part, il existe aussi des risques financiers dans la mesure où toute l’action gouvernemental aura été payée à crédit. L’endettement de l’Etat va dépasser les 120% du PIB, c’est un endettement à taux zéro parce que les marchés ont confiance dans le cap choisi et dans la solidité de l’Union européenne qui se porte garante de l’équilibre. Mais s’il s’avérait que les investissements consentis ne produisaient pas de richesses ou si l’Union européenne donnait des signes tangibles de désolidarisation ou de désordre, les marchés réagiraient immédiatement en relavant les taux d’intérêt. Ce qui serait insupportable au système.

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