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Les bonnes surprises (cachées) du déconfinement pourraient permettre une reprise plus rapide que prévue
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Alors que le climat est plombé par les perspectives catastrophiques sur le terrain économique et social, les chiffres, vus au microscope, commencent à dessiner des éléments de reprise assez surprenants avec des leviers qu'on n'imaginait pas au moment du déconfinement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Si on rassemble toutes les données statistiques de l’économie française, qu‘elles viennent de la Banque de France, de Bercy, de la BPI et même des banques françaises, on s’aperçoit qu‘il existe des éléments de reprise permettant d’imaginer une sortie de crise plus rapide et moins douloureuse que ce que l’on pouvait imaginer.

Jusqu’alors, toutes les conditions étaient réunies pour écrire un scénario catastrophe qui pouvait se dérouler sur plus d’un an.

Après deux mois d’arrêt total du fonctionnement de l’économie, après une sortie de coma compliquée alors que l’état initial de l’économie française n’était pas bon, les responsables politiques et les analystes avaient toutes les raisons de nous prévenir que la rentrée serait cataclysmique. Sans même parler des risques d’un retour du Covid-19 à l’automne, sans rappeler qu‘il n’existe toujours pas de traitement ou de vaccin et qu’il faudra attendre plusieurs années, on savait que les entreprises auraient du mal à redémarrer et qu’il fallait se préparer à une vague de faillites suivie d’une déferlante de chômeurs à partir de septembre.

Et pour cause, des secteurs entiers vont rester paralysés au moins jusqu'à la fin de l’année (le tourisme notamment), des marchés extérieurs importants vont rester fermés (en Asie comme en Amérique du Sud). Des revendications sociales et salariales vont déséquilibrer des grandes entreprises. Les administrations, les caisses de retraite, les collectivités locales vont ajouter de la dette à la dette... La pression légitime des mouvements écologistes va accélérer la nécessité de mettre en œuvre des réformes structurelles pour affronter les dérèglements climatiques et du coup, l’obligation de se réformer va précipiter des entreprises obsolètes dans des restructurations sociales douloureuses.

Cet inventaire de calamités probables a engendré une gravité chez les responsables politiques et désespéré une grande partie de l’opinion.

Or, cette conjoncture ne correspond pas forcément à la réalité, même si les optimistes ne sont pas à la mode et si les bonnes nouvelles se vendent plus mal que les mauvaises.  

Il existe des chiffres et des faits qui permettent de dire que le pire n’est jamais sûr. Au niveau macro économique, comme au niveau micro économique.

Les chiffres d’abord sont assez parlants. La Banque de France par exemple, et ça n’est pas la première fois, vient de réviser sa prévision d’activité en amenant la baisse du PIB à moins de 10%. Il n’y a pas si longtemps les services de Bercy s’attendaient à une chute d’activité sur l’année proche de 12%. Alors 10% de baisse sur le PIB, c’est évidemment catastrophique. Mais ça montre que ça ne s’effondre pas puisqu’on aperçoit des forces de rappel.

Beaucoup d’économistes parient d’ailleurs sur une évolution en V ou en U. Bref, ils dessinent, après une chute violente, une reprise toute aussi rapide puisque contrairement à une guerre ou même à la crise de 2008, il n’y a pas eu de destruction d’actifs ou de valeur. Les guerres se terminent dans des champs de ruines. L’immobilier a été détruit, les actifs industriels ont été bombardés ou mis hors-jeu. En 2008, la valeur des actifs immobiliers et financiers a été décimée. A chaque fois, il faut donc restaurer, et reconstruire pour recréer de la valeur.

Avec la crise sanitaire, il n’y a pas eu de destruction de valeur.   

Il y a eu une mise en coma artificiel des systèmes qui, en théorie, sont restés en bon état.

Le seul problème, hormis l’aspect sanitaire et humain, c’est que tout ce qui a été fait pour amortir le choc et survivre à ce coma a consisté à distribuer de la liquidité sans que cette liquidité ne corresponde à une création de valeur.

D’un côté, l’Etat a ouvert les vannes de l’aide sociale avec notamment la mise au chômage partiel et de l’autre, il a distribué des garanties de prêt bancaire, les fameux PGE, pour que les entreprises puissent respirer.

Mais aujourd’hui, après presque deux mois de déconfinement, on constate que les consommateurs ont mis en réserve une masse d’épargne considérable, épargne de précaution, liquide et disponible pour plus de 80 milliards d’euros. Ce qui veut dire que les particuliers ont une réserve historique pour consommer ou pour investir.

On constate aussi du côté de la BPI, que les prêts garantis par l’Etat ont été distribués en abondance pour des encours qui dépassent les 140 milliards d’euros... Mais la Banque de France nous dit que les trésoreries d’entreprise sont créditrices et détiennent en compte courant des sommes colossales de 120 milliards d’euros. Ça veut dire que, dans la grande majorité, les entreprises ont demandé des PGE, mais la plupart ne les ont pas utilisés.

Toutes ces données qui ont été rappelées dernièrement lors du colloque organise par la CRCC, la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, sont intéressantes parce qu’elles montrent que les acteurs du système économique de marché, les consommateurs d’un côté et les chefs d’entreprises ont des réserves sous le pied, des potentialités de reprise et de financement.

On a de quoi financer la demande d’un côté et l’appareil de production, de son coté, a aussi de quoi financer l’offre des chefs d’entreprise.

Le risque premier n’est donc pas financier à court terme.

Le risque est plus social dans la mesure où les acteurs peuvent hésiter à démarrer les moteurs.

Les consommateurs ne sont pas frileux, contrairement à ce qu’on craignait. Les concessions automobiles sont très visitées et les stocks s’écoulent. Il faut dire que l’Etat n’a pas hésité à mettre le paquet sur les primes au renouvellement des voitures pour débloquer le secteur en pleine mutation structurelle.

Le risque financier est d’autant moins probable que les taux d’intérêt sont extrêmement bas grâce à la garantie que l’Allemagne apporte sur l’ensemble de la zone euro. Or, l‘Allemagne a besoin des marchés européens, l’Allemagne n’a aucun intérêt à suspendre cette garantie sur l’euro.

Les chiffres ne sont pas inquiétants. Les faits et les attitudes sont plus ambigus. Il existe des outils pour activer le financement de la demande. Il existe des outils pour activer le financement des entreprises. Après les PGE qu’il faudra rembourser, il existe quantité de moyens de dégager des participations en fonds propres ou même des subventions pour les entreprises qui n’auraient pas la possibilité de rembourser leur PGE ou pour celles qui ne les auraient pas obtenus.

Cela dit, ça n’est pas parce qu’il y a de l’argent pour financer la demande et l’offre, que le consommateur va se mettre à acheter et que le chef d’entreprise va se mettre à investir et créer des emplois. Pour consommer, il faut en avoir envie et/ou besoin. Pour investir, il faut en avoir envie et intérêt. Or, nous sommes devant des tendances lourdes d’évolutions qui rendent le déclic de l’achat ou de l’investissement hésitant.

- Le réchauffement climatique, ou plutôt le sentiment de culpabilité qui fait penser pour beaucoup que le seul moyen efficace de lutter pour le climat passe par un ralentissement de la croissance.

- La digitalisation qui peut être anxiogène à tous ceux qui ne maitrisent pas les outils électroniques ;

- Les excès de la mondialisation et les risques géopolitiques qui poussent à des investissements relocalisés mais plus onéreux.  

- Les excès de la fiscalité et les risques sociaux qui hypothèquent l'utilité marginale de tel ou tel investissement.

La liste des freins à la consommation ou à la mise en production peuvent être innombrables certes, mais les freins les plus puissants sont psychologiques. Ils relèvent de la peur du lendemain. On ne consomme pas, on n’investit pas parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait.

L’ingrédient qui manque le plus à la recette de croissance, c’est évidemment la confiance. Et le contrat de confiance relève de la sphère politique. Est-ce que le gouvernement nouveau sera en mesure de restaurer cette confiance ou pas ? L’équation est très fragile et le pari n’est pas gagné.

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