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Comment le Coronavirus a forcé le business de la drogue à se réinventer (et gagner en efficacité)
©jody amiet / AFP

Marché parallèle

La Covid-19 a accompli ce qu’aucune crise internationale ni aucune politique menée par les États-Unis n'auraient jamais pu obtenir : un effondrement du prix de la feuille de coca (les prix des feuilles dans certaines régions d'Amérique du Sud ont chuté de 73%).

David  Weinberger

David Weinberger

David Weinberger est chercheur à l'institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Il a écrit plusieurs articles sur le sujet dont " réseaux criminels et cannabis : Indoor en Europe : maintenant la France ?" et une étude sur les "flyfast" .

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Atlantico.fr : Quels sont les impacts de la crise du coronavirus sur le trafic de cocaïne, à court et long termes ?

David Weinberger : La cocaïne, comme toutes les autres drogues qui sont trafiqués en gros volume, utilise les mêmes routes et les mêmes vecteurs de transport que l’économie légale. À partir du moment qu’il y a une diminution des flux liés à la fermeture des frontières, cela a des impacts sur le trafic de cocaïne. En sachant que le trafic de cocaïne a une particularité : il n’est produit que dans les pays andins, donc en Amérique latine, et donc pour arriver en Europe notamment, il doit absolument passer soit par la voie aérienne soit par la voie maritime. Ce dont on est certain, c’est qu’avec la diminution quasiment totale des flux de passagers commerciaux par la voie aérienne, le phénomène des passeurs dits « mules » s’est quasiment entièrement arrêté. En revanche, sur le fret maritime, c’est moins clair et donc on peut estimer que des trafiquants essaient de faire un report des envois qui étaient effectués par mules par frets maritime et aérien.

D’autre part, on observe une diminution certaine de l’activité des forces de police et de douane des luttes anti-drogue qui peut aussi expliquer la diminution des saisies et des arrestations. A la fois il y a dû y avoir une diminution des flux de drogue et une diminution de la réponse publique. Ce sont les deux points qui peuvent expliquer une diminution des saisies : il est difficile d’identifier lequel est le plus important entre les deux.

En quoi le grand krach de la coca de 2020, pierre angulaire de la cocaïne, illustre-t-il combien l’épidémie perturbe tous les aspects du commerce mondial, y compris le trafic de drogues illicites ?

En règle générale, la paupérisation des populations les plus vulnérables en Amérique-latine a diminué les capacités de rémunération. Les petites-mains de l’économie légale et illégale ont dû réviser à la baisse leurs rémunérations. Cela touche les paysans, les cultivateurs de feuilles de coca. En sachant que les feuilles de coca ne sont pas illégales dans ces pays-là, même si elles sont illégales au regard des relations internationales en France. En Colombie, en Bolivie et au Pérou, l’usage de la feuille de coca est un usage traditionnel qui reste légal. Les ventes n’ont néanmoins pas le même usage que la transformation de cocaïne.

En Bolivie, une part de la production est officielle et est destinée à un usage légal : mastication, usage industriel et pharmaceutique. En revanche, il n’y a évidemment pas de soutien pour les activités illégales. La diminution du prix des feuilles de coca est liée à une surproduction par rapport au besoin, selon les lois classiques de l’offre et de la demande. La diminution des capacités de production légale dans les principaux pays producteurs de produits finis (Europe, Chine) peut expliquer une difficulté pour les producteurs de cocaïne à accéder à ces pays très surveillés.

Au lendemain de la crise, à quels changements peut-on s’attendre ? Le trafic sera-t-il structurellement bousculé ? Quels cartels survivront ?

Au niveau de la production, il y aura peu d’évolution. En revanche, cela va accélérer de nouvelles formes de distribution et de vente, avec la promotion de vente à domicile via les réseaux sociaux, déjà très dynamiques et actifs en France depuis au moins cinq ans. Aujourd’hui, pour la cocaïne, la plupart des consommateurs privilégient la vente à domicile. Cette évolution apparaît de manière générique depuis plusieurs années : c’est l’offre commerciale qui s’adapte aux besoins des consommateurs et la période de confinement a d’autant plus stimulé ce type d’offre. On s’approche progressivement d’une fin des cartels : on voit depuis 15 ans, depuis la disparition des cartels colombiens, qu’il s’agit d’organisations criminelles professionnelles. Les changements à venir concernent donc d’abord la distribution

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