Philippe Juvin : "Notre société doit être une société de bienveillance et de protection. Aujourd’hui, à l’égard des personnes âgées, ce n’est plus le cas"

Aujourd’hui l’Allemagne semble reconfiner sa population pour se préparer à une deuxième vague. Sommes-nous prêts aujourd’hui en France pour protéger les personnes les plus fragiles, notamment dans les EHPAD ?

Philippe Juvin : Il est évident que les EHPAD, dans l’hypothèse d’une deuxième vague ou si une nouvelle épidémie devait survenir, seraient des structures à protéger en priorité. Il faut absolument empêcher le virus de venir de l’extérieur, ce qui était l’objet du confinement. Mais de grâce, épargnons-nous un confinement à l’image de celui que nous venons d’avoir. Il faut s’équiper impérativement de gel, de masques, de blouses de visières, pour permettre aux aidants d’entrer et éviter aux résidents un isolement douloureux. L'abandon dans lequel se sont trouvés les EHPAD est le témoin de leur sous-équipement. 

Il faut bien comprendre que le système des EHPAD est un système qui a trouvé ses limites dans cette crise. Notre société doit être une société de bienveillance et de protection. Manifestement à l’égard des personnes âgées, ce n’est plus le cas. 

Comment doit-on réorganiser les EHPAD ?

Philippe Juvin : Cette épidémie a eu au moins le mérite de révéler au grand jour des dysfonctionnements majeurs dans le fonctionnement  des EHPAD qui ont un réel impact sur la santé des personnes âgées. 

Il faut absolument tout reprendre dans le fonctionnement de ces structures. Comment vit-on dans un EHPAD, comment les finance-t-on ?

Il faut considérer un EHPAD comme le domicile du patient. C’est le cas en théorie, mais dans les faits, c’est autre chose. Il faut bâtir des EHPAD avec une plus grande surface d’habitation par patient, afin que chaque personne puisse amener ses meubles, ses effets personnels, pour qu’ils se sentent chez eux. 

Il faut que les EHPAD soient transformés en immeubles d’habitations au sein desquels interviennent des équipes médicales. Tout le malentendu vient de là : on vous vend un domicile là où il s’agit en réalité d’un hôpital sous-équipé. 

Cela signifie que le financement des EHPAD passerait par l’Assurance Maladie. Il faut également faire bénéficier la construction d’EHPAD de financements prévus pour les logements sociaux. Cela aura pour effet de dégager de l’argent et ils pourront également être enregistrés dans le décompte de la loi SRU auprès des communes, ce qui permettra aux maires de s’engager d’avantage dans la construction de ces EHPAD nouvelle génération.

Cet apport financier permettra d’engager plus de personnel afin de remettre de la bienveillance dans ces structures. Aujourd’hui, une personne âgée, avec des difficultés de déglutition, doit manger en moins de 10 minutes faute de personnel suffisant… C’est intolérable ! Ce n’est pas l’hôtel 4 étoiles pour lequel les Français payent, c’est la pension des Thénardier. Il est temps que cela change.