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Économie : ceux qui repartent, ceux qui patinent et ceux qui plongent
©ludovic MARIN / POOL / AFP

France post-Covid-19

Après les mois de confinement, des disparités semblent exister entre certains secteurs. L'Etat tente également de venir en aide à des sociétés comme Renault ou Air France face à l'impact économique de la crise du coronavirus. Quel est l'état global de l'économie française et des principaux secteurs ?

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico.fr : Quel est l'état global des différents secteurs en France et leur état actuel face à l'impact économique de la crise du coronavirus ? 

Mathieu Mucherie : En règle générale, il peut être intéressant de raisonner de façon sectorielle, mais pas dans certains types de crises. La crise du Covid-19 est une crise qui est symétrique, globale et macro. Cette crise, en l'occurrence, va être déflationniste, très branchée sur la demande agrégée. 

On peut dire que tel ou tel secteur est plus frappé qu'un autre. Mais la réalité, c'est que celui qui est moins frappé, pourra l'être de la même façon, mais peut être pas avec la même rapidité ou peut être de façon moins éclatante, mais en réalité de façon peut être plus diffuse.

Certains secteurs sont en première ligne.Vous avez évidemment les croisiéristes, le secteur aérien et tout ce qui est de près ou de loin lié au tourisme. Donc là, on est dans le premier front : c’est l'inactivité totale entre mars et juin, voire au-delà. Vous avez des secteurs où l'activité aura été nulle ou pratiquement proche du néant sur six mois. Il y a de nombreuses entreprises, même grosses, qui n'ont pas la trésorerie pour faire face à cela. A fortiori dans des secteurs comme l'aérien où déjà les taux de marge étaient très, très bas initialement, où la concurrence est forte et où les incertitudes sont nombreuses à tous les horizons. 

Pour des entreprises comme Air France, c'est très compliqué. Elles sont dans des secteurs qui, déjà structurellement, sont des secteurs où la bataille pour les marges est déjà très, très rude. Air France était déjà une compagnie qui perdait de l'argent. En tout cas, elle n'était pas en grande forme avant même la Covid-19. Donc, dans ce cas là, se pose la problématique de l'aide éventuelle de l’Etat. 

Pour les croisiéristes, c’est compliqué parce que ces entreprises ne sont pas à proprement parler américaines. Donc elles ne sont aidées qu’indirectement quand elles ont une base à Miami. Pour les compagnies aériennes, bien évidemment, c'est plus agréable d'être Lufthansa ou Air France, d'avoir une base un peu nationale, voire nationaliste, que d'être une société peut être plus petite ou moins attachée à un nom. Déjà dans le nom Air France, on se doute bien qu'ils seront aidés parce que c'est un symbole, mais ce n'est pas le cas de toutes les compagnies aériennes. Tout ceux-là font partie des secteurs les plus impactés, avec évidemment des dimensions qui sont des dimensions existentielles, c'est à dire des dimensions de survie.Si Air France n'avait pas été aidée par l'État français, la problématique aurait été une thématique de démantèlement. Ni plus, ni moins dans une économie de marché.

Après, vous avez le deuxième front, ces secteurs plus éloignés de la mobilité, mais qui sont quand même assez fortement affectés. On pourrait mettre l'industrie automobile, mais qui avait déjà des difficultés bien avant le coronavirus. Dans ce secteur, toute la valeur est en train de migrer vers Tesla. Pour le reste, la quasi-totalité des firmes automobiles mondiales vont très très mal et pour des raisons qui sont bien antérieures à la Covid-19. 

Après, vous avez l'industrie à proprement parler, l'industrie manufacturière branchée sur le commerce international. Là, vous avez eu un choc très violent, mais vous avez aussi un rebond assez fort. Arrive donc la question de la fameuse reprise en V ou en U  !  Mais globalement, tout ce qui fait l'objet d'un échange international hors automobile comme les biens de consommation par exemple. On constate une chute forte, marquée parce que ce secteur est très cyclique, mais qui remonte de façon assez spectaculaire. Je dirais que c'est une courbe un peu différente.

Dans les secteurs moins affectés, voire beaucoup moins affectés, vous avez les banques, même si elles le seront quand même parce que vous avez un coût du risque plus important. Elles sont affectées parce que les taux vont culminer à zéro % pendant X années.. Vous avez un prêt immobilier qui ne tardera pas à arriver ainsi que plein d'éléments négatifs sur les banques. Pour autant, les banques sont très domestiques, très aidées par la banque centrale. 

De toute façon, malheureusement, les banques, notamment en Europe, ne valaient déjà pas grand chose avant le coronavirus. Donc quelque part, ce n’est pas un immense changement, même si ça ne fait pas du bien évidemment.

Et puis, vous avez les secteurs qui sont encore moins affectés, voire pas affectés du tout. Cela peut arriver, mais c'est  très rare à cause des problématiques de demande agrégée qu'il va y avoir à cause de cette crise très anticyclique. L'assurance est un petit peu rattrapé par la patrouille à cause du fait que souvent, on gagne de l'argent sur l'assurance auto ou sur l'assurance habitation. Ce sera quand même un peu rattrapé, mais c’est quand même généralement des secteurs très, très anticyclique, des secteurs où on ne voit pas le lien quasiment avec le coronavirus, voire qui peuvent être aidés par la Covid-19.

Quand vous regardez la valorisation boursière de tout un tas de sociétés de la tech par exemple, il y a même des entreprises qui en ont profité pour se faire une belle notoriété. Zoom notamment ! Cela peut être également les biotechnologies... Je n'ai pas eu l'impression que le rythme d'innovation de SpaceX a été considérablement modifié entre mars et juin, parce que quand on est un ingénieur qui s'occupe de designer une capsule spatiale, je pense qu'on ne respecte pas vraiment le confinement et on continue à travailler. Il y a donc quelques gagnants. Mais ils sont très peu nombreux. Quand on fait le compte des sociétés qui ont vraiment progressé ou fait le double de leur activité grâce à la crise, il n'y en a pas tant que ça. Si vous êtes une société relativement jeune, la Covid-19 ne vous affecte pas trop. Le summum est donc l’automobile. Personnellement, je mets un petit warning particulier sur un secteur : les bureaux et l'immobilier de bureau parce que ce qui a émergé dans cette crise, c'est vraiment un boost du travail à la maison avec la généralisation du télétravail.

Quels étaient les secteurs qui étaient en bonne santé avant la crise ? Et ceux en mauvaise ? 

On a des secteurs qui ont le vent en poupe parce qu'ils sont émergeants,  parce qu'ils sont liés à des thématiques émergentes ou à des pays émergents.  Il y a quelques années, la cosmétique en Chine marchait très bien. Il y a 30-40 ans, c'était les supermarchés en France, on dupliquait un modèle américain, c'était très rentable. 

La problématique des secteurs, c'est que les modes changent. Les nouveaux secteurs n'apparaissent pas tant que ça. Actuellement, c'est quand même plutôt la voiture électrique qui peut se développer et qui fonctionnait bien avant la Covid-19 et maintenant. Quand l'iPhone est apparu, il y a eu quelque part un écosystème iPhone, c'était un nouveau secteur qui est apparu à l'époque. C'était totalement imprévu parce qu'en 2007, la plupart des analystes auraient misé sur Nokia.  Il est donc  difficile de savoir à l'avance quels seront les secteurs qui marcheront après la Covid-19. Globalement, on avait une idée de ce qui était tendance ou pas jusqu'à présent. 

On sait qu'avec le coronavirus, le secteur de la santé va bien marcher, il y a un peu plus de préoccupation pour ce domaine. Il y a aussi un plus de préoccupation du coût pour les biotechnologies. Mais une nouvelle fois, je dirais que ça fait déjà dix ans que l'on n'a pas bouleversé les rangs, les hiérarchies et les modes. 

Le coronavirus n'a pas, me semble-t-il, transformé complètement l'économie. C'est simplement que les secteurs qui allaient bien le sont toujours, et ceux qui étaient à la traine le sont encore plus. 

Ainsi, les secteurs qui sont en première ligne aujourd'hui,  étaient déjà ceux qui l'étaient avant le coronavirus en général. Il s'agissait par exemple de secteur cyclique comme le tourisme. Il s'agissait de secteurs vulnérables, soumis effectivement à des aléas importants. Et puis, il y a aussi les petits commerces, les artisans, qui sont souvent indépendants, qui ne sont pas coté à la Bourse, ou alors des travailleurs intérimaires. Eux payent la crise et sont de grands perdants.  

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