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Pourquoi aimons-nous les jeux qui nous font réfléchir et travailler ?
©GETTY IMAGES / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Ré-enchanter le réel

Les jeux vidéo les plus populaires, comme Animal Crossing ou certaines simulations, reprennent des mécanismes rappelant le travail au quotidien dans la vie réelle. Comment expliquer que ces jeux ressemblant à la vie de tous les jours ou à certains métiers comme "Truck Simulator" connaissent un franc succès ?

Yann Leroux

Yann Leroux

Yann Leroux est docteur en psychologie et psychanalyste. Il s'est intéressé comme psychologue à la dynamique des relations en ligne. Auteur de "Les jeux vidéo ça rend pas idiot" et "Mon psy sur internet" éditions fyp tient le blog psyetgeek.

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Atlantico.fr : On retrouve dans les jeux vidéo de nombreux mécanismes rappelant le travail quotidien comme dans Animal Crossing ou World of Warcraft. Pourquoi aimons-nous ces jeux qui nous font travailler ? 

Yann Leroux : Exercer un contrôle sur les choses est une des motivation principale des joueurs ainsi qu’une source de plaisir du jeu vidéo. Il fonctionne comme un modèle réduit de la réalité avec cependant  un nombre limité de facteurs dans lequel on peut avoir des résultats. Les joueurs habitent un monde qui est proposé par l’interface du jeu vidéo. Le joueurs sont des bernard-l’hermites qui s’investissent dans un monde correspondant le plus à leur personnalité. 

Comment s’exerce ce contrôle ? 

Si l’on compare la situation du travail et un jeu on peut prendre l’exemple d’un routier. Dans la vie réelle, le chauffeur est soumis à un grand nombre de facteurs qui nous échappant totalement : la météo, la route, son humeur. Lorsque l’on met cette même situation dans le jeu, elle se simplifie. Dans le jeu, il n’y a qu’une seule chose dont on doit se préoccuper : c’est la conduite en elle-même, le reste n’a plus aucune importance. Lors de la phase de jeu, on se concentre sur ce qui est réellement important. 

Dans le jeu, l’accomplissement d’une action est récompensé par un retour immédiat alors que dans la réalité on n’a pas un badge qui arrive lorsque l’on a parcouru 10 km. 

Quel plaisir retire-t-on alors à jouer à un jeu ressemblant à la vie de tous les jours comme Truck Simulator ? 

Cela ressemble à un travail, c’est répétitif mais ce n’en est pas un. Il peut y avoir des mécaniques faisant penser au travail et on peut s’étonner que des personnes jouent à des jeux qui sont aussi proches de la réalité. Pourtant il y a un intérêt majeur à tout cela car cela permet de ré-enchanter le réel en faire quelque chose de plaisant. 

Il y a deux objectifs pour le joueur : ceux fixés par le jeu et ceux fixés par soi-même. Dans les deux cas, le but du jeu est le plaisir alors que le but du travail est de produire quelque chose et de gagner de l’argent. Dans le jeu il y a un retour immédiat alors que dans le monde du travail on peut avoir des objectifs clair mais le retour n’est jamais immédiat, il est différé.

Avec les jeux vidéo, on est sur une pratique liminaire. Il emprunte des codes de la réalité ainsi que du travail. Si on prend World of Warcraft, il y a des séquences extrêmement répétitives pour accéder à des objets intéressants. Ces séquences transforment les joueurs en ouvriers des temps modernes, comme chez Charlot on est « machiné » par la machine. En faisant cela, on pense à notre modernité, au monde du travail et à cet esclavage numérique auxquels certains voudraient nous conduire. 

N’y a-t-il pas un risque que le jeu devienne un refuge pour certains ? 

C’est le cas de tous les jeux. Lorsque l’on joue au Monopoly, c’est pour sortir de la banalité du monde et c’est la même chose pour Animal Crossing. Dans le cas du jeu de Nintendo, il a aidé à la création de rituels permettant d’organiser nos journées durant le confinement. Ces actions peuvent rappeler celles de la vie réelle mais sans la pénibilité. Les jeux vidéos sont comme des vaccinations du réel. Ce sont des petites doses du monde réel qui peuvent nous aider à supporter des doses massives d’inconvénients que la réalité nous apporte. 

Le jeu peut nous permettre d’avoir le contrôle sur une situation, chose que l’on n’a pas habituellement. C’est en parlant de l’expérience du jeu avec d’autres que nous la comprenons mieux. À partir de cela on peut élargir la réflexion aux mécanismes sociaux dont nous sommes un rouage. Les expériences faites dans le monde du jeu sont signifiantes pour les joueurs et élargissent leur compréhension du monde.

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