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La Justice paralysée par le coronavirus
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Gravité inédite

Maître Vincent Julé-Parade, avocat spécialiste de la défense des victimes, évoque l'impact du Covid-19 sur le système judiciaire français.

Vincent Julé-Parade

Vincent Julé-Parade

Maître Vincent Julé-Parade est avocat spécialiste de la défense des victimes.

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Notre pays, et le monde tout entier, vit actuellement une situation sanitaire d’une gravité inédite. Chaque secteur de l’économie tente, avec les moyens qui sont les siens, de continuer à agir en période de confinement. Le monde des affaires s’adapte aussi bien que possible à la télé-relation, au télétravail, aux téléconférences, à l’absence totale de relations physiques. Le monde du droit et de la justice n’échappe pas à la règle. Nous, avocats, tentons avec les moyens qui sont les nôtres de maintenir l’activité de nos cabinets en gardant à l’esprit les intérêts de nos clients.

Depuis maintenant deux mois, je tente avec mes associés et mes collaborateurs de permettre à mes clients de pouvoir faire face. Faire face tout d’abord à un dommage corporel, à des séquelles, des souffrances aux très lourdes conséquences. Faire également face à une procédure qui, déjà en temps ordinaire, est longue et difficile à supporter. Le coronavirus n’a rien arrangé.

Certains de mes confrères se sont empressés de dénoncer l’attitude manifestement ignoble des compagnies d’assurances qui refuseraient d’indemniser les victimes et de verser des provisions, en se prévalant du confinement et des conséquences du télétravail. 

Je dois avouer que, pour ma part, je suis plutôt agréablement étonné de constater une assez grande réactivité de mes interlocuteurs au sein des différentes compagnies. Depuis deux mois, je m’efforce de faire débloquer des provisions au profit de mes clients et cela fonctionne. 

Les plus grandes difficultés que rencontre notre cabinet actuellement, dans cette crise sanitaire, se trouvent plutôt du côté du système judiciaire lui-même. Depuis le 16 mars, le système semble s’être arrêté. Les juges sont devenus quasiment inaccessibles, les greffiers injoignables, le télétravail auquel s’est pourtant soumis la majorité des entreprises semble avoir échappé à notre système judiciaire. 

Je ne remets pas en cause les hommes et les femmes qui font comme ils peuvent mais plutôt les moyens dont notre justice est pourvue (ou dépourvue pour être plus exact). A voir la manière dont fonctionne la justice actuellement, on ne s’étonne pas des statistiques annuellement publiées au travers desquelles la France figure comme l’un des pays les plus radins avec sa justice. Une justice sans moyens financiers est aussi une justice sans moyens techniques. Notre crise sanitaire n’aura fait que confirmer l’état de déliquescence dans laquelle notre système judiciaire se trouve.

J’avoue avoir quelques difficultés à comprendre comment la justice civile s’est totalement paralysée, comment il est impossible d’envisager des audiences en téléconférences avec communication des dossiers de plaidoiries par voie électronique. Comment il est impossible d’envisager des dépôts de dossiers dans les affaires où tout peut être dématérialisé. 

Je trouve assez interpelant d’avoir pu voter une loi dite pour « la justice du XXIe siècle » et de voir notre système judiciaire fonctionner comme au XIXe.

La situation actuelle des professionnels du droit, mais aussi et surtout celle des justiciables doit nous interpeler. Quels enseignements tirerons-nous pour la justice de demain ? Continuerons-nous d’accepter une justice ancrée sur un fonctionnement archaïque ? A la priver des moyens essentiels à l’accomplissement de ses missions ?  Il est temps de réagir et de penser la justice de demain pour ceux qui en ont réellement besoin et en premier lieu les victimes.

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