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Coronavirus : voilà quel impact pourrait avoir la première récession économique venue des services
©BERTRAND GUAY / AFP

Rattrapage impossible ?

Face à l'impact du Covid-19, l'économie française enregistre une récession de -5,8 % au premier trimestre 2020, la plus forte baisse depuis 1949, selon l'Insee. Cet impact négatif a la particularité d’avoir été engendré par la récession du secteur tertiaire. En quoi cette récession par les services aura-t-elle un impact différent des récessions précédentes ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico.fr : L'économie française a enregistré une récession de - 5,8 % au premier trimestre 2020, la plus forte baisse depuis 1949, a précisé l'Insee. Si cette récession diffère des précédentes par son ampleur, notamment en comparaison du premier trimestre 2009 (-1,6%) ou du deuxième trimestre 1968 (-5,3%), elle a aussi la particularité d’avoir été engendrée par la récession du secteur tertiaire. En quoi cette récession par les services aura-t-elle un impact différent des récessions précédentes ?

Alexandre Delaigue : Parce que le virus est transmis par les gens en proximité physique, toutes les activités qui impliquent celle-ci sont touchées, même s'il faut noter que d'autres activités - voir par exemple le cas très préoccupant des abattoirs - sont des lieux de forte contamination. Les récessions précédentes que nous avons connu étaient plutôt liées à la demande - la crise financière qui tarit l'investissement des entreprises et oblige les ménages à épargner pour reconstituer leurs réserves - ou touchaient le secteur manufacturier - comme les chocs pétroliers. Quand les gens réduisent leur demande ils ont tendance à retarder leurs achats de produits manufacturés, de biens durables, ou de quelques activités comme le tourisme. On décide de changer de voiture l'année suivante plutôt que cette année, on retarde les travaux dans la maison, on renonce à un départ en vacances. Du côté des entreprises elles vont retarder des investissements en machines, logiciels, etc. Du coup ces récessions touchent des secteurs restreints et concentrés - on estime qu'en général, lors d'une récession, les deux tiers de l'économie continue d'embaucher - qui peuvent redémarrer rapidement et rattraper le temps perdu. Si les compagnies aériennes cessent d'acheter de nouveaux avions si les français achètent moins de voitures, c'est un coup dur pour Airbus et Renault, mais dès que la demande reprend il est possible pour ces entreprises de rattraper le temps perdu en produisant ce qui n'a pas été acheté pendant la récession.

Lorsqu'une récession touche les services ce rattrapage est impossible. les gens ne vont pas manger deux fois plus au restaurant dans un an pour compenser les repas qu'ils n'ont pas pris cette année. Par ailleurs le secteur des services est bien plus important en termes d'emploi que les autres. Cette récession touche donc une énorme part de l'économie, dont beaucoup de petites entreprises qui n'ont pas les capacités des grands groupes pour tenir en attendant que la demande reprenne. 

D’une part, la consommation de services par les ménages a diminué (-5,5%), d’autre part, beaucoup d’activités tertiaires ont été jugées non-essentielles et ont cessé de fonctionner. Dans la mesure où les postes du secteur tertiaire sont généralement moins bien rémunérés, moins qualifiés et largement féminisés, à quelles conséquences de long-terme peut-on s’attendre sur la croissance et sur l’emploi ? 

On voit déjà des statistiques indiquant que cette récession, contrairement aux précédentes, pénalisent plus les femmes que les hommes. Pour le reste il est probable que les personnes déjà en situation difficile vont particulièrement souffrir avec cette récession. Surtout on ne sait pas comment ces activités s'effectueront dans l'avenir, de nombreuses entreprises vont disparaître. Et ce sont des entreprises dont le capital est essentiellement immatériel. Un restaurant ce sont des relations entre un employeur et des employés, une réputation, une clientèle. Si ce restaurant est détruit par un incendie, on reconstruit et on peut repartir comme avant. Mais s'il fait faillite et que rien d'autre ne peut rouvrir avant deux ans, un nouveau restaurant équivalent sera très long à reconstruire. Si tant est que ce soit possible : si pendant 5 ans les restaurants ne peuvent fonctionner qu'avec moitié moins de tables pour respecter des règles de distance physique, bon nombre d'entre eux ne pourront pas être rentables.

Ce qui se passe pour la restauration,  vous pouvez le démultiplier dans de nombreux secteurs. Les cinémas et spectacles. Le personnel de nettoyage. Les hôtels. Les abattoirs. La récolte de fruits et légumes. La formation et l'enseignement. Le nombre de secteurs potentiellement touchés est énorme.

Environ un actif sur deux en France occupe un poste dans le secteur tertiaire. La reprise économique et la stabilisation passeront-ils nécessairement par une croissance de l’activité des services ? Quand et sous quelles conditions le PIB reviendra-t-il à son niveau de 2019 ?

Il est impossible aujourd'hui de répondre à cette question. Lors de la récession précédente il a fallu 10 ans pour que la France retrouve son PIB par habitant de 2008. Cette récession sera pire et laissera une économie dans laquelle de nombreuses activités ne pourront plus exercer comme avant. Nous sommes face à une échelle de catastrophe inimaginable et envisager maintenant la forme que pourrait prendre une récupération est très prématuré. On peut espérer au mieux éviter de subir trop de dommages immédiats: ensuite, on verra bien.  

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