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Ce que l’on apprend petit à petit des complications à long terme du Covid-19
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Symptomes

Des travaux de recherches scientifiques menés par le National Health Service au Royaume-Uni ou par des chercheurs chinois montrent que les séquelles du coronavirus sont encore largement sous-estimées et inconnues. Comment expliquer que le virus produise autant d’effets sur la santé ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Un nombre important de recherches scientifiques menées par le National Health Service du Royaume-Uni ou par des chercheurs chinois montre que les séquelles de la CoVid-19 sont encore largement sous-estimées et inconnues.

Brûlures dans les poumons, toux sèche, blocages pulmonaires, lésions cardiovasculaires, symptômes neurologiques (étourdissements, maux de tête), troubles de la conscience, de la vision, du goût et de l'odorat éruption cutanée, une fièvre élevée et une inflammation cardiaque chez les enfants : les séquelles dues, chez les patients « guéris », au coronavirus sont nombreusesComment expliquer que le virus produise autant d’effets de long-terme sur la santé ? Lesquels sont prévisibles et lesquels ne le sont pas ?

Stéphane GAYET : Bien qu'elle soit critiquable et critiquée, la comparaison de la CoVid-19 à la grippe est toujours utile et éclairante. La grippe est une maladie relativement bénigne : la très grande majorité des personnes atteintes en guérit et sans séquelle. Les formes graves de la grippe sont de deux types : la surinfection bactérienne chez les personnes âgées et les personnes fragiles en général (obèses, fumeurs, bronchiteux chroniques, emphysémateux, asthmatiques, insuffisants respiratoires chroniques, insuffisants cardiaques, personnes souffrant d'un handicap physique ou mental…) ; la grippe maligne chez des sujets jeunes non vaccinés et non immunisés par une grippe antérieure.

La surinfection bactérienne : l'infection virale décape la muqueuse respiratoire, ce qui favorise le développement d'une infection supplémentaire par une bactérie commensale (commensale : qui vit normalement de façon pacifique sur une muqueuse, en se nourrissant de sécrétions et de débris cellulaires), mais potentiellement pathogène, initialement présente dans les voies respiratoires (haemophilus, pneumocoque, staphylocoque…).

La grippe maligne est liée à un virus grippal de type A. Elle est très rare et précoce dans l'évolution de la maladie. Alors que la grippe commune atteint presque uniquement les muqueuses respiratoires (tissu de revêtement de la trachée, des bronches et des bronchioles), la grippe maligne atteint le parenchyme pulmonaire, c'est-à-dire les alvéoles et le tissu qui les entoure. C'est donc une pneumonie virale qui peut évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) : c'est un état gravissime avec insuffisance respiratoire aiguë pouvant souvent conduire au décès. Mais les techniques modernes de réanimation respiratoire permettent de sauver bien des malades. Cette complication très rare et très grave de la grippe est l'apanage des personnes non immunisées : elle ne survient pas chez les personnes vaccinées.

Cependant, qu'il s'agisse d'une surinfection bactérienne ou d'une grippe maligne, les personnes qui en guérissent ont en général peu ou pas de séquelles. Or, c'est bien différent avec le SARS-CoV-2.

Le pouvoir pathogène du SARS-CoV-2 est très différent de celui du virus grippal.

Premièrement, il arrive que l'infection CoVid-19 surprenne et déborde le système immunitaire ; lorsque celui-ci est submergé, il réagit en s'emballant, avec des réactions violentes qui déclenchent des phénomènes inflammatoires intenses et souvent graves. Ce phénomène d'hyper réaction immunitaire violente et délétère (néfaste à la santé) est couramment appelé « tempête de cytokines », cette expression étant même devenue populaire avec la CoVid-19. Les cytokines sont des petites protéines pro-inflammatoires (elles activent les phénomènes inflammatoires) qui peuvent être synthétisées et libérées par différentes cellules du système immunitaire. L'inflammation est un processus physiologique qui a pour but initial celui de combattre une agression microbienne : dilatation des minuscules vaisseaux artériels pour augmenter le flux sanguin et donc favoriser l'arrivée de cellules de défense (leucocytes ou globules blancs : granulocytes, monocytes et lymphocytes) et augmentation de la perméabilité des capillaires sanguins (vaisseaux les plus fins), également pour accélérer l'arrivée des leucocytes sur le lieu de l'agression microbienne. Les phénomènes inflammatoires se traduisent par un œdème (gonflement) qui peut parfois être grave et même mortel s'il est étendu. Un œdème sévère provoque la mort de cellules et cette nécrose va, lors la cicatrisation, laisser la place à un tissu cicatriciel fibreux (fibrose).

Deuxièmement, le virus SARS-CoV-2 a un tropisme (une affinité) particulier pour les vaisseaux sanguins. Les cellules endothéliales (elles forment en quelque sorte la muqueuse des vaisseaux sanguins : couche de surface) sont riches en récepteurs ACE-2 (les récepteurs cellulaires de ce virus). Il en découle une tendance à la thrombose (formation de thrombus ou « caillots ») : micro thromboses artérielles, macro (visibles à l'œil nu) thromboses artérielles, micro phlébothromboses (micro thromboses veineuses) et macro phlébothromboses. Les thromboses artérielles donnent lieu à des infarctus, les thromboses veineuses à des infarcissements et les macro thromboses veineuses (mais pas celles se produisant dans les poumons) peuvent produire des embolies (migration d'un thrombus qui passe par le cœur puis arrive dans une artère pulmonaire et s'y bloque en l'obstruant).

Schématiquement, ces deux types de mécanisme (phénomènes inflammatoires intenses et thromboses) rendent compte de l'essentiel des complications de la CoVid-19. Mais ces mécanismes pathogènes peuvent toucher presque tous les organes, car l'on sait à présent que la CoVid-19 est une maladie infectieuse systémique (elle peut toucher de nombreux systèmes du corps humain : système broncho-pulmonaire, système vasculaire, système gastro-intestinal, système nerveux, système ostéoarticulaire…).

On estime que 5 % des malades nécessitent une hospitalisation et c'est bien sûr parmi eux que l'on va constater, chez les plus atteints, des séquelles temporaires ou parfois définitives.

Pour répondre à la première question posée, c'est en raison de son pouvoir pathogène particulier – que nous avons développé – que le SARS-CoV-2 produit autant d'effets de long terme sur la santé. Ce virus est donc bien différent d'un virus banal.

Pour répondre à la seconde question posée, les effets de long terme sur la santé sont en vérité peu prévisibles. Certes, les formes graves surviennent surtout chez les sujets ayant plus de 65 ans et chez les personnes obèses, insuffisantes respiratoires ou insuffisantes cardiaques, tandis que les sujets immunodéprimés ne paraissent pas nettement plus à risque de forme grave que les immunocompétents. On constate que des sujets jeunes font des accidents vasculaires cérébraux (AVC artériels ou veineux), des infarctus du myocarde, des myocardites (inflammation du muscle cardiaque) et d'autres complications vasculaires du même type. La seule chose que l'on puisse affirmer : les personnes ayant plus de 65 ans, les obèses et les insuffisants respiratoires chroniques ou cardiaques ont plus de risque de développer une atteinte grave des poumons nécessitant une hospitalisation et souvent en réanimation. Mais quant aux complications vasculaires, elles surviennent à tout âge et même chez les jeunes enfants (maladie de Kawasaki). Les complications neurologiques (altération des fonctions intellectuelles) surviennent chez des adultes d'âge moyen ou mûr ou chez des personnes âgées.

Étant donné cette faible prévisibilité, il importe de respecter le port du masque, la distance de sécurité (1,50 mètre) et de se laver les mains avant de les porter à ses muqueuses faciales ou avant de toucher quelque chose qui ira à leur contact.

Le National Health Service du Royaume-Uni suppose que, parmi les malades de CoVid-19 qui ont dû être hospitalisés, 45% auront besoin de soins médicaux continus, 4% nécessiteront une réadaptation pour patients hospitalisés et 1% auront besoin en permanence de soins aigus. De quoi dépendent les soins que nécessitent les patients du Covid-19 ? Comment traiter les différents cas ?

Après une maladie ou un accident, on distingue les séquelles temporaires des séquelles définitives. Il semblerait que, dans le cas de la CoVid-19, il y ait beaucoup de possibilités de récupération à long terme, ce qui revient à dire que peu de séquelles seraient vraiment définitives.

Les séquelles les plus fréquentes et les plus invalidantes sont les séquelles pulmonaires. Il s'agit soit d'une insuffisance d'apport sanguin dans les poumons en raison de micro thromboses, de macro thromboses artérielles, d'infarcissements ou encore d'embolies pulmonaires (micro embolies ou macro embolies) ; soit d'une insuffisance d'efficacité de l'échangeur pulmonaire par fibrose interstitielle. On appelle échangeur pulmonaire l'ensemble des membranes alvéolo-capillaires (ce qui sépare l'alvéole pulmonaire des capillaires pulmonaires) ; or, en cas de phénomènes inflammatoires très intenses, la guérison s'effectue parfois (du fait des nécroses) en produisant une fibrose (durcissement) séquellaire ; le tissu fibreux cicatriciel est à la fois ferme et non fonctionnel. Dans un cas (insuffisance d'apport sanguin) comme dans l'autre (insuffisance d'efficacité de l'échangeur), il en résulte une insuffisance respiratoire qui peut être modérée, moyenne ou sévère. Ces patients auront besoin d'une rééducation pour qu'ils puissent s'adapter à la vie courante qui demande sans cesse des efforts. Certains conserveront un sérieux handicap.

Les sujets jeunes qui font un AVC n'en conservent généralement pas de séquelle. Ce n'est pas tout à fait le cas des atteintes cardiaques qui peuvent laisser une insuffisance cardiaque modérée à moyenne. Cela relève alors d'une prise en charge cardiologique et d'une rééducation spécialisée.

Il en est de même des éventuelles séquelles neurologiques qui peuvent être liées à des micro thromboses artérielles ou veineuses cérébrales : elles nécessitent une prise en charge neurologique comportant une prescription médicamenteuse et une rééducation ainsi qu'un entraînement des fonctions intellectuelles dites cognitives.

Des recherches historiques sur d'autres coronavirus comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) suggèrent que pour certaines personnes, la guérison complète nécessiterait plusieurs années. Pour d'autres, il ne peut y avoir de retour à la normale. Ne peut-on jamais espérer un « retour à la normale » après avoir été atteint par un virus comme le SARS-CoV-2 ? De nouvelles vagues de maladies générées par les séquelles du Covid-19 sont-elles à craindre ?

Comme nous l'avons vu et sans doute en raison de l'âge jeune ou peu âgé de beaucoup de patients ayant des séquelles au décours d'une CoVid-19, il existe après cette maladie de grandes possibilités de récupération, totale ou presque totale.

Chaque microorganisme a un pouvoir pathogène particulier. Après une encéphalite bactérienne, des séquelles graves et définitives sont la règle, étant donné que l'infection bactérienne est destructrice (nécrose étendue du tissu cérébral).

Mais l'infection virale par elle-même ne produit pas de nécrose étendue (pas de pus) : uniquement la mort des cellules infectées – et encore, pas toujours. De fait, de nombreuses maladies infectieuses virales, même après une forme grave, ne laissent pas souvent de séquelles définitives. Certes, quand il existe une fibrose à la place d'un tissu fonctionnel, il y aura des séquelles en principe définitives. Mais on sait aujourd'hui que les possibilités de régénération et de récupération du corps humain sont très importantes, y compris pour le tissu nerveux.

 Il faut donc, d'une façon générale et particulièrement avec la CoVid-19, garder l'espoir d'une réduction des séquelles et même de leur disparition.

Il n'en reste pas moins vrai que certains patients garderont des séquelles durables et en effet, une nouvelle catégorie de personnes en situation de handicap pourrait résulter de la pandémie de CoVid-19. Cela semble devoir concerner surtout la fonction respiratoire.

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