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Apocalypse zéro, suite : les fausses prédictions sur le chaos dans les banlieues plus démenties que jamais
©Valery HACHE / AFP

Chute libre

Xavier Raufer revient sur l'impact du confinement et de la crise sanitaire du coronavirus sur la délinquance ainsi que sur les erreurs de prédictions des médias notamment.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Le 21 mars passé, Le Point - pourtant pas le pire du registre aveuglement - titre, sûr de lui : Confinement en banlieue : les cités vont craquer. Bien sûr, le médiatique banc-de-sardines chante alors la même chanson. Craquer ? Ah bon ? Voyons les pires coupe-gorge de France : émeutes répétitives, trafics à ciel ouvert, etc. :

- ROUBAIX (La Bourgogne, l’Épeule) : calme plat,
- MULHOUSE - Bourtzwiller : calme plat,
- VÉNISSIEUX - Les Minguettes : calme plat,
- CREIL - Plateau, quartier Rouher - calme plat,
- STAINS (93) - Clos-Saint-Lazare : calme plat,
- GRIGNY, Viry-Châtillon (91) - La Grande-Borne : calme plat.

Le 0-100% n'existant pas non plus en criminologie, on y signale certes de rares guet-apens, braquages, etc. - mais 80% en moins que d'usage.

Partant de l'atlas des zones sensibles, le Renseignement intérieur a opéré un classement en 4 niveaux, dont les trois premiers sont vus comme dangereux (le 4e niveau présente des symptômes à suivre) : quelque 700 cités et quartiers, dont environ 60, plutôt explosifs. Depuis le début du confinement, de rares violences urbaines (guet-apens, etc.), ont touché 14 de ces cités sur 700... 2% du tout !

Ce calme tient à un invariant criminologique : dans le monde de l’illicite (comme à TOUS les alpinistes ou TOUS les astronautes), les risques externes imposent à tous les mêmes contraintes selon les pressions qu'exercent (ou pas) les détenteurs de la force légale (État) ; ou discrète (caïds dans les banlieues ; mafias, sud de l'Italie).

Deuxième erreur médiatique : "les délinquants s'adaptent au confinement". Inepte ! Il faut n’avoir jamais croisé une racaille pour raconter ça. Car les bandits de ces quartiers et leurs autorités (caïds, "mamans-des-cités") sont des âmes simples ; rusées, brutales certes - mais nul « cerveau du train-postal » parmi eux : leurs surdoués fuient au plus vite les quartiers chauds. Voir M. Djouhri : on est mieux au Ritz qu’à la Grande-Borne…

Chez des voyous rétifs à apprendre ou trimer, seule une  minorité statistique s’adaptera donc au confinement. Pas plus, par exemple, que d’ouvriers d’usine ne suivent les cours du soir pour devenir contremaîtres ou ingénieurs. Pour la basique racaille, c’est donc à présent l’asphyxie. Chaque jour, gendarmes  et policiers raflent ceux qui mettent encore le nez dehors (« Mineurs isolés », nomades, etc.). 

Pourquoi ces erreurs de diagnostic, de l'État et des médias ? Les coupables N°1 sont ces dirigeants associatifs et travailleurs sociaux des quartiers chauds, seuls accès des politiciens et journalistes à des zones qui sinon, leurs seraient inaccessibles. Une fois encore, ces autoproclamés hérauts-des-cités auront crié au loup - tendant en passant la sébile - s'agissant d'événements sur lesquels ils n'ont nulle emprise. (voir in fine un antérieur cas d'intox à l'embrasement, connu en criminologie). 

La perte de compétence au sommet de la police a une autre origine.

Yves Jobic et l'assassinat du commissaire de terrain

Flic de PJ, Jobic (30 ans) est en 1987 accusé de corruption et proxénétisme - grossier traquenard de voyous trouvant ce chasseur surdoué trop près de leurs tanières. Jobic protège ses indics ? Proche du (gauchiste) syndicat de la magistrature, le juge d'instruction flaire le ripou et fait enquêter la gendarmerie. Extorqués par un juge hostile et des gendarmes ravis de l'aubaine, des récits de prostituées accablent Jobic qui - coïncidence ? - jetait naguère leurs maquereaux en taule... Absurdes bobards, mais Jobic est incarcéré en juin 1988. Il est enfin blanchi par la Cour de cassation ("incarcération abusive... préjudice anormal et grave...") mais le mal est fait, côté chefs policiers : "chasser" le voyou sur le terrain, danger ! Juge gauchiste en embuscade. Faites carrière au bureau, ça vaut mieux.

Depuis, le savoir criminel a migré vers les capitaines et commandants de police, voués aux tâches d'exécution, donc peu écoutés par des commissaires dont l'absurdement ardu concours a fait des hybrides. Pile, pseudo-préfets ; face, assistantes sociales de luxe, vu ce qu'on leur serine sur les "droits de l'homme" - ceux des voyous hélas, peu des victimes (1). D'où, les récents faux diagnostics : "les cités" explosent... "les voyous" s'adaptent. À la clé, d'inquiétantes conséquences, un rebond étant probable en fin du confinement : car dans le monde de l’illicite, l'autre invariant qu'est l'effet de déplacement joue :

1 - dans l'espace (les banques sont blindées, je braque le supermarché),
2 - dans le temps (confiné, pas pu braquer, je me rattraperai après).

Rebond pire si un faux diagnostic interdit de l'anticiper ; aussi, du fait que Mme Belloubet (Taubira-en-rêvait-Belloubet-l’a-fait) aura libéré des milliers de détenus. 

Quand le travail social crie "au loup" : utile rappel

1978 : la proposition 13, référendum d'initiative populaire, prive le gouverneur de Californie de 60% de l'immense revenu des taxes foncières : il licencie les 3/4 de ses travailleurs sociaux, (Office of Juvenile Justice & Delinquency, etc.), censés apaiser les célèbres gangs du cru (Crips, Bloods, Latin Kings, etc.). Libéraux (et renvoyés...) crient au bain de sang à venir... tuerie générale... (air connu).  Or en fait, la criminalité dégringole (voir ci-dessous) : les parasites précités étaient inutiles, ou nocifs.

(1) Conférencier deux décennies durant à l'École des commissaires de Saint-Cyr-au-Mont d'Or, ayant préparé des dizaines d'étudiants de l'Institut de criminologie à ce concours, le signataire sait de quoi il parle.

Pour retrouver sur Atlantico la précédente analyse de Xavier Raufer sur ce sujet, cliquez ICI 

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