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L’incapacité bureaucratique française face au Covid-19
©Thomas COEX / AFP

Face à la crise

Le coronavirus nous a pris par surprise. Le plus important est de rattraper notre retard dans la gestion de la pandémie en organisant une sortie réussie du confinement et une reprise de nos activités économiques et sociales. Les autorités ne parviennent pas à anticiper rapidement les éléments de blocage.

Cécile Philippe

Cécile Philippe

Cécile Philippe est présidente et fondatrice de l’Institut économique Molinari, un organisme de recherche qui vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques.

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Le coronavirus nous a pris par surprise. Cela n’aurait pas dû être le cas si les avertissements décrits dans nombre de témoignages et de documents mis à la disposition de nos autorités au fil des années avaient été intégrés. Mais peu importe à ce stade de la crise. Le plus important est de rattraper notre retard dans la gestion de la pandémie en organisant une sortie réussie du confinement et une reprise de nos activités économiques et sociales. Or, nombre d’éléments indiquent que nous gardons systématiquement un temps de retard et que nos autorités ne parviennent pas à anticiper rapidement les éléments de blocage.

Comme nous l’avons écrit à de nombreuses reprises, faute d’avoir organisé une capacité de test en amont de l’épidémie, il faut s’en doter le plus rapidement possible. C’est un élément indispensable d’une gestion de crise efficace. C’est la clé pour organiser un confinement ciblé, le temps d’avoir des moyens thérapeutiques (vaccins ou médicaments) qui permettront de limiter le nombre de patients et d’éviter la saturation des structures de santé. La Corée du sud est donnée en exemple mais plus près de nous, l’Islande ou l’Allemagne pratiquent le dépistage massif.

En parallèle à l’augmentation du nombre de lits de réanimation, des efforts intenses devraient être consacrés à la création rapide de capacités massives de test en France. Cela nécessite du matériel, de l’organisation et du personnel. Côté matériel, il faut des masques, des combinaisons, des gants, des charlottes, des kits de test. Côté organisationnel, il faut des structures susceptibles d’accueillir les patients potentiellement contaminés dans le cadre de circuits séparés des autres personnes qui ne le seraient pas. Il faut enfin du personnel formé pour administrer les tests et les analyser.

Ces derniers points supposent une coordination, entre le secteur public et le secteur privé de la santé, qui a fait défaut au début de la crise. Les médecins de ville – dont un grand nombre a du mal à se fournir en masques – n’ont été associés à leur juste valeur que tardivement. Il a fallu attendre un décret du 7 mars pour que les laboratoires de ville soient habilités à faire des tests et c’est au prix d’une discrimination économique, avec un tarif à 54 euros au lieu de 150 dans le public. Leur capacité reste limitée par les difficultés à se procurer du matériel de protection ou les kits de test. Le réflexe « le public d’abord » dans un pays où l’offre de soins privée est importante montre que le logiciel mental n’évolue pas assez vite. Cela n’aide pas la France à répondre à une situation qui se dégrade rapidement et nécessiterait, justement, une grande agilité. Des problèmes qu’on ne rencontre pas outre Rhin. Comme l’explique Christian Drosten, directeur de l’institut de virologie de l’hôpital de la Charité de Berlin dans le Huffington Post, « Nous avons une culture ici en Allemagne qui ne soutient pas un système de diagnostic centralisé ».

Ce manque d’agilité se retrouve aux détours d’une myriade d’éléments qui devraient être contournés pour agir vite et nous doter d’une capacité de test à grande échelle. Dans ce cadre, l’achat de moyens de protection est clé. La France n’étant pas en mesure de produire l’ensemble des masques dont elle a besoin, elle doit en acheter notamment à la Chine. Or, dans le domaine des achats, la France est handicapée par des règles publiques tatillonnes et inadaptées. Les paiements des organismes publics nationaux n’interviennent généralement qu’après que le service soit rendu et l’on ne peut pas ou ne sait pas faire autrement dans les collectivités. Le Président de la région PACA, Renaud Muselier, a ainsi déploré récemment que « notre mode de compatibilité fait en sorte qu'on est obligé de payer en trois tiers alors qu'eux peuvent payer en cash là-bas ».  

Certes, un décret du 6 juin 2016 a assoupli les règles de comptabilité concernant les prestations dont le paiement peut intervenir avant prestation. Peu nombreuses, les exceptions ne comprennent cependant pas le matériel de protection dans le domaine de la santé. Si les collectivités locales ont plus de marge de manœuvre que l’Etat, il n’en demeure pas moins qu’elles n’en ont pas autant que d’autres pays qui peuvent payer immédiatement des matériaux de première nécessité.

L’assouplissement de ces règles devrait être une priorité dans un pays qui, dans le même temps, immobilise l’initiative privée par un contrôle des prix mal pensé et des réquisitions qui détruisent le marché sans apporter de solution alternative.

La phase de confinement à laquelle s’est soumise la population française ne doit pas être gâchée. Elle doit nous donner le temps de retrouver une capacité d’accueil des malades dans les structures de santé. Elle doit être mise à profit pour donner aux autorités les moyens de lever le confinement sans courir le risque de relancer la propagation de l’épidémie. Pour ce faire, il nous faut faire la chasse à toutes ces règles bureaucratiques mortelles qui nous empêchent de déployer nos atouts et notre créativité dans la production, l’achat, la distribution, le dépistage et la délivrance des soins.

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