Il ne faut pas limiter le maintien du scrutin à la seule pression des oppositions . L’opinion publique est , selon toutes les études publiées , majoritairement défavorable au report , y compris dans les catégories les plus âgées , c’est-à-dire les plus exposées , de la population . Le problème que vous soulevez est celui de l’ajustement démocratique aux contraintes sanitaires . Le gouvernement , s’il voulait reporter les élections , devait s’y prendre bien plus en amont . Manifestement au début de l’épidémie , il y a eu sous-estimation de la viralité de la crise . Souvenez-vous quand même des propos de la Ministre de la santé dont toute la communication tendait de facto à relativiser le risque . Cette faute originelle est la cause-racine du problème . Les oppositions ont eu beau jeu en conséquence de considérer que le report ne s’imposait pas , d’autant plus que la faisabilité juridique à trois jours du scrutin paraissait complexe . Sauf à activer l’article 16 , mesure en l’occurrence absolument disproportionnée . Dés lors le maintien du scrutin était inévitable . Le Premier ministre aurait reçu voici trois semaines les responsables politiques , leur auraient expliqué le contexte, un consensus national eût pu éventuellement se dégager . Là à quelques encablures de la consultation , ce compromis était impossible . Il me semble excessif de faire porter aux forces politiques d’opposition la responsabilité du maintien . La gestion temporelle de la crise par l’exécutif a péché par défaut de réactivité .
Y-a-t-il une volonté de l’opposition de se cacher derrière les avis scientifiques pour évider de se préoccuper du sujet et ne pas prendre le risque de se tromper dans ses propositions ?
C’est le premier ministre qui conduit la politique du gouvernement . C’est le Président de la République qui lors de son allocution s’est adossé à l’expertise scientifique. Les scientifiques sont des chercheurs profondément attachés à l’indépendance de leur activité . Votre question induirait qu’ils ont rendu un avis de circonstance , de confort . Si tel était le cas , ce serait catastrophique pour l’image de la science . Le problème de fond néanmoins c’est que la parole du chercheur est indexé sur un état donné de la connaissance , susceptible d’évoluer . “ La science avance se raturant elle-même " écrivait Victor Hugo . Dans cette crise le rôle du chercheur est décisif ; le président l’a au demeurant rappelé dans son allocution ; ce sont eux qui peuvent éclairer et aider à la prise de décision dans un contexte incertain avec un virus dont ils s’efforcent de saisir les caractéristiques . Nous sommes dans cette crise avec un cas d’école qui illustre parfaitement la difficulté de l’articulation du temps scientifique , qui est celui de la connaissance en train de se construire et du temps du politique , qui est celui de l’urgence de l’action . Nous n’avons pas d’autres choix dans une situation d’incertitude que de déléguer notre confiance au savant qui est là pour éclairer et aider à la décision . Les démocraties en l’occurrence doivent faire preuve de résilience . Interrompre un processus électoral suppose au préalable de prendre d’autres mesures qui justifieraient cette option. En d’autres termes comme le rappelait le professeur Bricaire , membre de l’Académie nationale de médecine , de s’orienter vers la suspension plus globale de tout un ensemble de services . Ce n’est pas pour le moment cette option qui a été retenue . Si nous entrions dans une situation à l’italienne la question se poserait alors légitimement.
Le non-report des municipales montre l’échec des oppositions à prendre les devants sur une telle crise et la volonté de privilégier les calculs politiques. N’avons-nous pas encore un exemple que les partis actuels n’arrivent pas à sortir de leur condition d’opposition ?
Tout d’abord , les oppositions ne peuvent être tenues pour responsable de la gestion opérationnelle de la crise encore une fois . Au demeurant elles ont plutôt salué dans leur ensemble le discours du Président . Elles participent , à quelques exceptions près , au socle consensuel qui s’est installé depuis le début de l’épidémie . Pour autant elles sont là aussi pour interroger et contrôler l’action de l’exécutif , y compris dans les moments où l’unité nationale est indispensable . La démocratie n’est pas l’unanimisme , y compris dans les circonstances exceptionnelles . Cette nostalgie de la fusion civique ne résiste pas à ce que sont les “ sociétés ouvertes “ . Athènes n’est pas Sparte et nous autres français , nous sommes bien plus Athéniens que Spartiates . L’agora est notre essence et dans cette agora il y a place pour la conflictualité . C’est là notre culture politique , notre imaginaire , notre pratique démocratique . Je n’y vois pas forcément la trace de calculs stériles mais les linéaments de quelque chose qui vertèbre notre mode d’être à la démocratie . Faut-il forcément s’en plaindre ? Je ne crois pas ..
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