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Le flop Bloomberg ou la mise en évidence d’une terrible réalité… : les électeurs pensent par eux-mêmes
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Leçons du Super Tuesday

Avec 500 millions de dollars dépensés dans sa campagne, le milliardaire new-yorkais qui entendait forcer les journalistes de son groupe à dire du bien de lui a fait la preuve que les réseaux sociaux et la com’ ne font pas tout. Les obsédés des fake news et autres ingérences russes désarmeront-ils pour autant ?

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico.fr : Entre les soucis d’ingérence russe, les défenseurs du politiquement correct qui cadrent les discours publics, Michael Bloomberg qui a dépensé en tout un demi-milliard de dollars pour sa campagne présidentielle, pour se rallier à Joe Biden sur la fin etc., est-ce qu’il n’est pas temps – au vu des résultats des élections -, pour ces politiques de se dire que les électeurs américains savent penser pas par eux-mêmes ?

Jean-Eric Branaa : Tout d’abord, l’exemple de Michael Bloomberg montre que l'argent ne suffit pas pour acheter des votes. C'est très clair. On avait déjà une indication là-dessus puisque dans le passé d’autres milliardaires se sont essayé à être candidat, sans succès, loin de là. Il existe une vraie limite, limite que l’on connaissait déjà puisque souvenons-nous en 1992 – du temps de G.H Bush -, Ross Perrot un autre milliardaire, avait aussi essayé d'acheter sa campagne et n'avait pas réussi non plus. C’est en fait quelque chose d'assez récurrent qui revient souvent. Maintenant, est-ce que cela veut dire que les électeurs pensent par eux-mêmes ? Pas forcément car la communication politique passe aussi par la presse et cette dernière joue un très grand rôle dans la pensée collective et on a vu ces quarante-huit heures précédentes (Super Tuesday) un rapprochement avec les modérés au sein du Parti démocrate qui ont été couverts par les médias de façon exponentielle. Ces politiques s’inscrivaient dans un narratif américain important où ils expliquaient mettre leur égo de côté pour travailler sur le collectif par exemple. Ce narratif a énormément plu au public américain et a joué sur le côté émotionnel, tout comme en 2016 lorsque la presse faisait le lit de Donald Trump en couvrant ses frasques par exemple, alors qu'il avait expliqué dans son livre L'art du deal, que le principal était de faire parler de soi quoi que disent les gens. Le côté « penser par soi-même » reste à démontrer, mais il est vrai que la communication de Michael Bloomberg aura juste servi à montrer qu’il n’était qu’un opportuniste. Le côté immoral de la campagne de Michael Bloomberg qui était de dire « j’achète mon vote avec 700 millions de dollars », ne fonctionne pas, donc il est effectivement difficile de prendre les électeurs pour des idiots. Les électeurs ont leur libre arbitre et font ce qu’ils veulent. Mais là encore, je reprends la notion de libre arbitre avec la limite de l'influence de la presse et des médias qui, collectivement, portent quand même certains candidats.

Ce rôle de la presse est-il propre aux Etats-Unis ou s’est-il démocratisé que ce soit en France ou en Europe par exemple ?

Je crois que nous avons exactement le même phénomène en France avec une presse qui écrit un narratif. D'ailleurs, on peut se poser des questions car parfois les narratifs sont faux et tout le monde y saute à pieds joints. En reprenant l'exemple américain avec l’élection de 2016, Hillary Clinton devait gagner, Donald Trump devait perdre. Il n'y avait pas de place pour une autre pensée et je parle en connaissance de cause ! Je parlais à l’époque de la victoire de Donald Trump et j’étais inaudible. Je vais continuer en disant qu’il y a cinq mois, j’ai publié un livre, Joe Biden : le troisième mandat de Barack Obama, dans lequel j’explique que Joe Biden doit gagner les élections et là aussi, j’ai été inaudible car le narratif était ailleurs. On expliquait que c'était un mauvais candidat et qu’il était impossible pour lui de l’emporter. En réalité, ce narratif est plus important que tout mais il arrive qu’il se retourne, comme on a pu le voir ces dernières 48 heures aux Etats-Unis. Les planètes se sont alignées pour Joe Biden, il a remporté le Texas etc. et la presse a été obligée de constater qu’il n’était pas hors de la course, et de fait, a dû commencer à s’y intéresser.

Malgré le rôle des médias, les électeurs ont toujours le dernier mot…

Oui vous avez raison et il est important de le constater. Ce sont toujours les électeurs qui au final choisissent. En revanche, ce propos peut être atténué car lorsque l’on regarde la couverture de la presse en 2016, il est aisé de voir qu’elle a accompagné le mouvement du public. Donald Trump passait tous les jours, dans tous les journaux du monde et certaines émissions politiques ne marchaient pas s’il n’était pas là. Même si la presse voulait vendre l’idée que Donald Trump ne pouvait pas gagner, elle soutenait quand même qu’il était le candidat le plus intéressant. 

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