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L’opposition  ne veut pas de fonds de pension français mais ne pipe mots sur ces fonds étrangers qui investissent lourdement dans l’Hexagone
©LOIC VENANCE / AFP

Atlantico Business

Après la vague d’investissement chinois ou japonais, après le Qatar et l’Arabie Saoudite, c’est Abu Dhabi, le fonds souverain d’Abu Dhabi, qui va investir dans les grandes entreprises françaises... avec la bénédiction de l'Etat.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les responsables politiques sont hallucinants. Pendant qu’ils bloquent toute réforme des retraites, qu‘ils refusent becs et ongles la création de fonds de pension dont l’argent pourrait doper l’économie française, pendant qu’ils se mettent en travers du chemin des fonds d’investissement anglo-saxons, qu‘ils vouent aux gémonies Blackrock parce qu‘il serait gérant de retraites privées alors qu’il n’est que gestionnaires d’actifs ( dont certains sont français ). Bref, pendant qu’ils transforment ce pays en champ de bataille idéologique, pendant tout ce temps, ils laissent arriver, sans rien dire, les fonds étrangers venant de Chine, du Japon, de Russie, et surtout des monarchies pétrolières comme le Qatar, l’Arabie Saoudite, et aujourd’hui Abu Dhabi.

Soyons précis : quand cette semaine, Bercy officialise la contribution des Emirats Arabes Unis dans un fonds d’investissement qui sera destiné à investir dans les grands groupes français cotés au Cac 40, Bercy a raison.

L’appareil de production français va ainsi récupérer plus de 4 milliards d’euros dans un premier temps pour passer à 10 milliards assez rapidement. L’objectif, c’est évidemment de renforcer en fonds propres les grandes entreprises françaises, dont 80% du capital est sur le marché financier international et qui sont donc à la merci de fonds spéculatifs dont la vocation est proche de celle des vautours. Ces fonds vautours survolent et fondent sur leurs proies pour parfois les dépecer au profit de leurs propres actionnaires qui sont anglais ou américains. Cette présence un peu encombrante oblige les managements français à privilégier l’optimisation financière à très court terme ce qui n’est jamais excellent pour l’emploi, l’innovation et l’investissement local.

Bercy a raison d’accueillir avec un tapis rouge, l’argent des producteurs de pétrole ou d’Asie. La Chine et le Japon, mais surtout la Russie, l’Arabie saoudite et le Qatar ont besoin d’affecter leurs excédents dans des placements très sécurisés à long terme. Pas question pour ces pays de spéculer dans des hedge funds sur la bourse de Londres ou de New-York.

Les Emirats Arabes unis ont le même objectif. Leurs réserves de pétrole n’étant pas épuisables, il leur faut trouver des ressources alternatives ; d’où l’idée de trouver en Europe des rentes industrielles.

Bercy a raison d’accueillir cet argent, mais Bercy prend aussi toutes les garanties nécessaires. Les fonds seront investis sur le long terme, et les opérations seront gérées par la BPI, le bras armé de la Caisse des Dépôts, donc sous la tutelle de l’Etat français. Avec l’apport de grands établissements financiers français. Quant à l’indépendance des grandes entreprises , elle sera aussi protégée puisque le fonds d’Abu Dhabi ne pourra pas détenir plus de 5% du capital de chaque entreprise.

Ce partenariat renouvelle celui qui avait déjà été signé en 2017 et qui avait permis de renforcer la force de frappe de « la French tech ».

L’objectif est clair, il est identique à celui qui avait été avancé pour justifier l‘apport d’argent des fonds souverains du Qatar, de l’Arabie Saoudite ou même des capitaux chinois ou russes. Il s’agit de contrer les actionnaires activistes qui sont de plus en plus présents dans le ciel de Paris, et il ne s’agit pas de Blackrock comme le croit les animateurs de la France Insoumise qui en fait,  sont à côté de la plaque. Blackrock travaille en toute transparence pour le compte d’institutions financières étrangères. Quand Blackrock intervient, ce qui en France est très rare, elle intervient avec des institutions françaises sous contrôle et elle prévient avant. Quand un fond activiste intervient, on finit par le savoir mais il est trop tard. C’est donc bien contre les fonds spéculatifs qu’il faut se protéger.

Bercy a donc raison d’autant que Bercy n‘a pas le choix, pour une raison très simple c’est que la maison France n’a pas les capitaux pour mener à bien ce type d’opération en fonds propres des entreprises.

La France est encore aujourd’hui la 4e puissance économique mondiale. Les Français sont donc exceptionnels parce qu’ils paient beaucoup d’impôts et ils épargnent énormément. Presque autant que les Japonais. Le problème de la France, c’est que l’essentiel de ce qui n’est pas consommé, est engouffré dans les caisses de l’Etat.

L’argent des impôts va financer les dépenses de l’Etat et ces dépenses sont à 99% des dépenses de fonctionnement (donc du court terme). L‘argent des charges sociales (assurance maladie, assurance chômage, assurance retraite) va financer le modèle social. L’argent de la santé va dans l'hôpital, l’argent de l’Unedic finance les allocations chômages et l’argent des cotisations retraites va financer les pensions de ceux qui ne travaillent plus selon le bon principe de la répartition auquel nous sommes tellement attachés.

Quant à l’épargne volontaire des Français, elle va pour moitié financer son immobilier et pour moitié dans les comptes d’épargne disponible ou assurances vie. Mais à quoi sert en réalité cette épargne ? Elle sert à financer les déficits des dépenses publiques de l’Etat ou des collectivités locales.

En fait, les Français acceptent de plus ou moins bon gré une triple peine : ils paient des impôts à l’Etat, ils paient des charges sociales à des organismes d’Etat. Et ils donnent leur épargne en gestion à ... l‘Etat. Qui dépense tout. La boucle est bouclée.

Il ne reste que très peu de centimes d’euros pour financer les entreprises, leurs investissements, leurs emplois.

On sait donc que si l’Etat dépensait moins et si le modèle social était organisé selon une autre logique que la répartition, on disposerait de marges de manœuvre qui nous permettrait d’assurer l’indépendance des grandes entreprises.

Le comble aujourd’hui, c’est que le débat sur les retraites est évidemment au cœur de cette problématique. En bloquant toute réforme, l’opposition politique empêche tout moyen de sortir de cette asphyxie qui nous oblige à quémander des capitaux étrangers. La réforme par points, couplée à des systèmes complémentaires par capitalisation, permettrait d’investir l’argent des retraites non pas dans des dépenses immédiates mais dans des fonds de pensions investis à long terme. 

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