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Quand une étude britannique révèle que 8 salariés sur 10 dans le monde de l’art et de la culture taisent leurs convictions par peur du "politiquement correct" qui y prévaut
©DR / Medium

Triste réalité

Selon une étude anglaise, 8 employés sur 10 travaillant dans le monde de la culture et des arts se disent réticents à partager des opinions politiques conservatrices dans un environnement globalement à gauche.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Atlantico.fr : Une étude anglaise révèle que 8 employés sur 10 travaillant dans le monde de la culture et des arts se disent réticents à partager des opinions politiques conservatrices dans un environnement globalement à gauche. En effet, d'après cette étude conduite par ArtsProfessionnals, alors que le milieu de l'art se dit tolérant la réalité serait toute autre. Ainsi, les professeurs et professionnels de l'art de droite seraient mis de côté pour leurs visions jugées "politiquement incorrecte". Une situation qui fait écho au cas Français.

Interviewée sur France Inter, lundi matin, l'éditorialiste Caroline Fourest qui a beaucoup enseigné à Sciences Po s'est dit souvent surprise par la susceptibilité de ses élèves. En effet, de nombreux thèmes de réflexions et auteurs étaient perçus comme étant choquant car en désaccords avec le politiquement correct actuel. En quoi la situation décrite par le sondage anglais est-elle également une réalité en France ? Dans quels milieux cet injonction au politiquement correct est-elle la plus répandue ?

Yves Michaud : C’est bien pire qu’une simple injonction au politiquement correct ! 

En France, les milieux les plus touchés sont 1) l’université en lettres et sciences humaines, 2) le journalisme, notamment dans le vivier des pigistes « intellectuels précaires » - en fait il faudrait surtout mettre des guillemets à « intellectuel ». 
Dans l’université, de petits groupes activistes radicalisés interdisent les débats, déclenchent des campagnes de lynchage via facebook, font annuler des colloques. On l’a vu pour la représentation des Persesmontée par Philippe Brunet à Paris-Sorbonne en mars 2019 empêchée sous prétexte de black face, pour une conférence de Sylviane Agacinski à Bordeaux en octobre dernier, de Carole Talon à la villa Arson à Nice en janvier 2020. C’est du fascisme pur et simple, qui s’exerce avec la complicité des Présidents d’université ou des directeurs d’établissement dont le courage n’est pas le fort. Cette dictature se nourrit d’une ignorance et d’une nullité académique abyssales dont le lit a été fait par la bureaucratisation égalitariste des institutions universitaires et la force de l’impérialisme culturel américain. Nos petits singes et petites guenons font ce que les Grands blancs américains ont fait il y a vingt ans. Donald Trump et Judith Butler, même combat.

Dans les médias, la situation n’est pas meilleure : surtout aboyer avec les chiens, ne pas avoir d’idées à soi et faire preuve d’une bienveillance universelle. Écoutez les bulletins quotidiens des radios : on vous dénonce un scandale puis on vous fait un reportage sur une bonne action, ou l’inverse.Regardez les pages débat. Même au Figaro, il ne faut rien dire de choquant. Regardez l’incroyable silence actuel sur les livres de Daeninck (pourtant pas tellement de droite) et de Szeftel sur la pénétration du mahométanisme radicalisé dans les banlieues ! Que Bobigny soit administré par le Gang des barbares ne gêne apparemment personne. A quand Youssouf Fofana air ?

Ensuite, ça déborde en dehors de l’université et des médias et tout un chacun a peur de passer pour un imbécile ou tout simplement de se faire attaquer. La majorité silencieuse n’est pas silencieuse comme avant par respect et timidité : elle fait attention à ce qu’elle dit par peur.

Comment expliquer que la même gauche qui se bat pour que Julian Assange puisse s'exprimer librement, interdisse la libre pensée lorsqu'elle ne suit pas certains codes ?

Ce qu’on appelle « la gauche » et qui souvent n’en est absolument pas, est fondamentalement manichéiste. Je vois que les Anglais sont aussi atteints que nous ! On stigmatise des déclarations de Zemmour et admet des plaintes pour islamophobie contre lui, mais dans le même temps la sanctification de l’appel au meurtre de Mila par Abdallah Zekri, délégué général du dit CFCM (« elle l’a cherché, elle assume. Qui sème le vent récolte la tempête ») n’indigne personne. Il y a les affreux Serbes et les gentils Bosniaques, les affreux populistes italiens et les gentils Podémistes espagnols (surtout ne pas dire qu’Iglesias est un léniniste avoué purgeant son parti à chaque congrès truqué). Marine Le Pen est une affreuse fasciste mais Mélenchon un démocrate. Quelle explication donner en dehors de la sottise pure et simple ? Le besoin de se rassurer dans un monde noir et blanc, la fabrication des images (la vareuse ouvrière chic de Mélenchon) et surtout une immense paresse intellectuelle. Et comme l’ignorance progresse de manière vertigineuse dans les milieux intellectuels qui passent leur temps sur les studios de télé, ça ne risque pas de s’améliorer. Il est tellement plus rassurant de japper en meute.

Ce phénomène est-il nouveau ? Y-a-t-il comme le souligne Caroline Fourest une "explosion" des micro-vexations ?

Le phénomène est nouveau quantitativement et communicationnellement. Je suis en train de lire Octave Mirbeau, écrivain anarchiste et mondain de la fin du XIXème siècle, il fulminait déjà contre ce que nous dénonçons – sauf que ça restait dans la société parisienne-bourgeoise. Dans les années 1960, la dictature de la pensée d’extrême-gauche maoïsto-trotskiste était totale. Il était interdit de lire Raymond Aron, un agent américain. L’inénarrable Glucskmann était aux premières loges avec l’inénarrable Krivine : c’était déjà le règne de la terreur intellectuelle – si on était un peu craintid. Aujourd’hui n’importe quel imbécile qui affirme avoir bac+5 fonde un groupe de recherches décoloniales ou transgenre, donne son avis sur tout et est invité comme expert. Regardez les pauvretés de la pensée de Paul-Béatrice Preciado dans Libération, lui qui est maintenant penseur(seuse) officiel au Centre  Pompidou. A mourir de rire ! 

Permettez-moi quand même d’ajouter une chose : si on ne se laissait pas impressionner par ces « micro-vexations », elles auraient beaucoup moins de succès. Il faudrait se souvenir de la phrase de Léon Bloy : « ma religion m’interdit le duel, mais pas le coup de pied au cul »

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