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Tout le monde, il est bio, tout le monde, il est gentil mais le BIO ne fera pas de miracle
©MYCHELE DANIAU / AFP

Atlantico Business

Le salon de l’agriculture 2020 va sacrer le succès du bio. Les visiteurs comme les exposants sont polarisés sur le bio qui paraît avoir toutes les qualités pour répondre aux défis des temps modernes. Cela dit, le bio ne fera pas de miracle.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Ne rêvons pas. Alors que tout le monde, il est bio, et beau, et il est gentil... La folie du bio est évidente, mais le bio ne sauvera ni la planète, ni le niveau de vie des agriculteurs.

L’agriculture française est confrontée à des immenses défis, mais l’ensemble de l’agriculture mondiale doit faire face à ces défis qu‘elle a souvent ignorés. Très simple.

L’agriculture doit pouvoir satisfaire les besoins alimentaires des populations, mais elle doit aussi contribuer à la protection de l’environnement dans la mesure où elle utilise massivement des ressources naturelles, et rejette des masses de gaz carbonique dans l’atmosphère.

Parallèlement, l’agriculture doit aussi veiller à ce que les productions alimentaires respectent des normes sanitaires qui ne perturbent pas les équilibres biologiques de l’homme et n‘introduisent pas dans son alimentation des perturbateurs endocriniens dont on sait qu’ils sont à l’origine de nombreuses maladies : de l’obésité à l’apparition de nombreux cancers.

Ces défis sont immenses. Ils sont souvent contradictoires. Pour répondre aux besoins alimentaires, il a évidemment fallu pousser les rendements, ce que les progrès de l’agrochimie ont favorisé en développement tous les engrais et pesticides. Mais en poussant les rendements, on a accru la mécanisation, pour la concentration des unités de production mais ce faisant, on a déclassé une grande partie des populations agricoles et désertifier les campagnes. D’où lesproblèmes sociaux mais aussi le déficit d’équipements collectifs et d’entretien de la campagne.

D‘où le succès des modèles de production alternatifs fondés sur le retour à des pratiques plus naturelles et des circuits plus proches du consommateur. Le bio a évidemment rencontré un succès considérable et rapide. Le bio répond à des normes de production strictes qui impose des modèles d’une agriculture responsable avec très peu d’intrants d’origine pétrochimiques. Il y a encore 15 ans, le bio en France était très marginal. Au début des années 2000, les productions biologiques représentaient à peine 2% des terres cultivées, 2% des exploitations pour un chiffre d’affaires qui ne dépassait pas les 2 milliards d’euros.

Aujourd’hui, l’agriculture biologique concerne environ entre 8 et 10% des surfaces agricoles pour un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros.

Dans le même temps, la consommation a explosé. Au début des années 2000, 2% des Français consommaient des produits bio moins d’une fois par semaine. Aujourd’hui, la moitié des consommateurs achète bio plusieurs fois par semaine, d’où ce chiffre d’affaires de 10 milliards en progression de 15% par an.

Au départ, le bio était distribué exclusivement dans des circuits courts de proximité, aujourd’hui, l’ensemble de la grande distribution s’y est mise pour répondre à la demande des populations urbaines.

Alors ce succès qui ne se dément pas a deux explications évidentes.

D’abord, il répond à une demande du consommateur et notamment des jeunes générations qui ont mis le bio au cœur de la « Food révolution » . Donc on consomme bio pour des raisons de santé, d’hygiène, mais aussi pour des raisons sociétales, politiques et pour certains idéologiques. C’est donc très profond. Le Bio est considéré comme l’arme centrale de la transition énergétique.

Alors la réalité des comportements ne correspond pas toujours au but recherché. Quand le consommateur achète en hiver des fraises bio, il est cohérent avec son intention, sauf que les fraises labellisées Bio ont été importées d’Amérique du sud, ce qui présuppose qu’elles ont un poids de carbone considérable. Mais passons sur ce type d’excès très marginal et on imagine que la grande distribution va finir par se donner un code de bonne conduite.

Ensuite, et c’est la deuxième explication du succès, c’est que cette demande soutient les prix et les prix de vente soutiennent le pouvoir d’achat des agriculteurs. L‘agriculteur bio gagne mieux sa vie que son père.

Les rendements sont moindres mais la valeur créée est plus forte et donc les prix plus élevés.

La nouvelle PAC en discussion à Bruxelles actuellement tient compte de ce phénomène. Cette PAC va porter moins de subventions à la production et plus de rémunération consacrée à la protection de l’environnement et à la transition écologique.

Le mouvement engagé va donc dans la bonne direction, ce qui explique d’ailleurs en partie l’amélioration du climat politique et social des populations agricoles.

Les sujets sensibles ne sont pas réglés. L’après glyphosate n’est pas écrit, la revitalisation des campagnes n’est pas garantie. Mais les dossiers sont sur les bureaux à Paris ou à Bruxelles. Cette mutation incontournable a deux gros obstacles à surmonter.

1er obstacle. L’agriculture biologique ne permettra pas d‘assurer l’alimentation du monde entier. Cette question n’obsède pas les écologistes radicaux, mais les risques de famine dans le monde ne sont pas écartés. Il faudra donc accepter la cohabitation entre une agriculture de proximité bio, une agriculture différente mais avec des rendements considérables. Les fermes de 1000 vaches oui, mais les usines de production de protéines végétales, il y en aura forcément encore plus.   Parce que l’industrie de la protéine végétale est plus productive et moins chère que la production de protéine animale.

2e obstacle, il faudra que les marchés dégagent des pouvoirs de dépenser dans l’alimentaire beaucoup plus généreux qu’actuellement. Pendant un demi-siècle, la part de dépenses consacrées à l’alimentaire n’a pas cessé de baisser dans les budgets familiaux au profit du logement, de l’équipement de la maison, des transports, des loisirs et de la communication. Il est évident que dans les trente prochaines années, il faudra augmenter les dépenses alimentaires, parce que les prix de revient vont forcément augmenter. Le bio, le vrai restera cher. Qu’on le veuille ou non !

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