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La lutte contre le séparatisme en marche… ou pas
©Benjamin CREMEL / AFP

Discours présidentiel

Emmanuel Macron commence cette semaine à dévoiler sa stratégie de lutte contre "le séparatisme" et le radicalisme islamiste, en se rendant mardi dans un quartier populaire de Mulhouse à la rencontre des forces de l'ordre et des associations.

Céline Pina

Céline Pina

Née en 1970, diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise jusqu'en 2012 et conseillère régionale Ile-de France jusqu'en décembre 2015, suppléante du député de la Xème circonscription du Val d'Oise.

Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales et a des affinités particulières pour le travail d'Hannah Arendt.

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : Dans quel contexte le président français va-t-il s'exprimer mardi ? Quelle place occupe le débat communautaire dans le paysage politique ? 

Celine Pina: Emmanuel Macron va prendre la parole dans un contexte où la violence est de plus en plus présente dans la société, où la parole comme la réputation du personnel politique est fortement dégradée et où le fossé ne cesse de s’élargir entre le gouvernement et le peuple. Et il le fait sur un sujet qu’il ne maîtrise pas et sur lequel il n’arrête pas de changer de doctrine. Un sujet sur lequel il a accumulé les échecs : depuis l’affaire Mila on constate même le rétablissement de fait de l’interdiction du blasphème par la terreur et la menace. Or le président a laissé faire, ne prenant que mollement la défense de Mila au terme de 3 semaines de polémiques et envoyant sa femme faire le « mais en même temps » qui permet de dire tout et son contraire dans la même séquence. Le perfide « mais attention à la manière dont on parle » a désarmé la parole présidentielle. Et personne ne sait quelle est la vision d’Emmanuel Macron en la matière et même s’il en a une.

Depuis son élection (plan de lutte contre la radicalisation, puis annonce de plans contre le communautarisme et maintenant contre le séparatisme) les plans se succèdent et tous étaient marqués par un seul souci : éviter de parler d’islam. Et c’est bien à cela que sert le terme de communautarisme. C’est une allusion au seul communautarisme qui de fait pose problème : le communautarisme islamique. Pourquoi ? Parce que c’est un séparatisme qui est lié à un rejet de notre société, à la volonté de créer un deuxième peuple, ayant ses règles et ses normes, refusant d’avoir à voir quoi que ce soit en commun avec des gens considérés comme impies. Le communautarisme islamique vise à constituer une communauté hallal, pure, soumise à Dieu, qui doit être distincte des impurs. On voit vite à quel point ces deux sociétés ne pourront cohabiter : qui admettra longtemps des impurs à ses côtés s’il se croit pur ?

De fait il existe d’autres formes de communautarisme, il suffit de se promener dans le XIIIème arrondissement de Paris ou dans un quartier loubavitch. Mais là deux choses diffèrent. Le nombre d’abord, qui ne permet pas de créer une contre-société mais aussi l’absence de travail idéologique fait sur ces populations. Elles ne sont ciblées ni par l’extrême-gauche, ni par les islamistes et ne sont pas politiquement travaillées au corps. Elles ne se caractérisent pas par un discours stéréotypé à base de haine du blanc, de victimisation, de soumission au divin, comme d’assignation à ses origines, encore moins par un discours prosélyte et de conquête visant à faire de l’Europe une terre d’islam. Le problème du communautarisme islamique contre lequel nous devons lutter est qu’il a tout d’un fascisme et que lui est en marche quand le parti du président n’en finit plus d’errer.

Guylain Chevrier :Depuis ces derniers mois, les choses n’ont cessé de s’aiguiser. Quelques exemples : Nous avons eu le débat sur les accompagnatrices voilées, avec des ministres pouvant s’exprimer pour considérer que le voile n’était pas compatible avec la France tout en ne prenant aucune mesure et donc, enflammant encore un peu plus les esprits ; Une manifestation dite contre « l’islamophobie » où on a crié en cœur Allah Akbar et récupéré l’étoile jaune en la détournant de façon odieuse, qui a vu la jonction entre l’islam politique et une certaine gauche de la gauche, tels Jean-Luc Mélenchon de la France insoumise et Monsieur Martinez de la CGT ; Encore récemment, la jeune Mila qui a crument critiquer l’islam a pu se voir menacée sur les réseaux sociaux d’être égorgée au nom d’Allah, avec une Ministre de la justice, Madame Belloubet, qui au lieu de la défendre a cru pouvoir nous faire croire que ses propos étaient contraires à la loi, validant le délit de blasphème. Cette dernière s’est finalement déjugée sous les huées. Le meilleur vient encore de notre ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, qui a pu affirmer que « La laïcité, c’est accompagner la pratique d’une religion », montrant un Etat qui a une curieuse conception de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, entre liaisons dangereuses et opportunisme politique. 

Un sondage Ifop-JDD sur la laïcité révélait il y a peu, que 78 % des sondés jugeaient la laïcité « en danger » en France, » et 61 % « l’islam incompatible avec les valeurs de la société française ». C’est dire l’état du contentieux qui est directement lié au laisser-faire qui perdure en matière de communautarisme islamique dans notre société. Le nombre de faits racistes et xénophobes a très fortement augmenté en 2019, avec une hausse de plus de 130% selon le bilan annuel du ministère de l'Intérieur. Mais l’explication laisse pantois, cette situation serait due à une « montée d’extrémismes identitaires », et donc aux fractures identitaires à l’aune de ce communautarisme en expansion. Les actes antisémites après avoir augmenté de 74% en 2018 ont encore augmenté de 27% en 2019, manifestant un véritable climat d’insécurité concernant nos concitoyens de confession juive. On se rappellera les paroles de l’ex-ministre de l’intérieur, Gérard Colomb, lors de son départ de la place Beauvau : « c'est plutôt la loi du plus fort qui s’impose (dans ces quartiers), (celle) des narco-trafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République ». Il ajoutait « On vit côte à côte, je crains que demain on ne vive face à face. Nous sommes en face de problèmes immenses. » Un constat à l’image de ce que l’Institut Montaigne dans l’un de ses rapports livrait sur l’islam en France, le fait que 28% des musulmans portaient la charia au-dessus de la loi commune, et le même pourcentage qui considéraient l’islam comme un instrument de révolte contre la société. Un autre de ces rapports a alerté sur la dégradation de l’islam de France pour souligner » que Les salafistes "gagnent du terrain à l'intérieur de la communauté", surtout chez "les jeunes moins de 35 ans", qui prônent une application littérale du Coran, de la charia, et s’opposent à toute adaptation. » Une situation qui se reflète dans le jeune âge des djihadistes partis pour la Syrie.

On voit se distinguer au sein de nos concitoyens de confession musulmane deux tendances très nettes, entre ceux qui ont une pratique respectueuse de la République et règles communes, et d’autres qui se signalent par une volonté d’imposer à tout prix à l’école, au travail, à l’hôpital…, leur religion. Avec une poussée de plus en plus palpable dans le quotidien de chacun et observable. La multiplication dans les entreprises de cas bloquants prenant le fait religieux pour objet en est un bon marqueur, passant de 2% en 2013 à 9,5% en 2018 (Source OFRE). En 2003, 24% des femmes se déclarant comme musulmanes disaient porter le voile, alors qu’elles sont aujourd'hui 31%, selon une étude de l'Ifop (septembre 2019). 

Un document interne au gouvernement a fuité, révélé par le journal Le Point, servant de base à une « stratégie de lutte contre l'islamisme et contre les atteintes aux principes républicains », qui est censé inspiré les déclarations du président de la République, qui commencera à faire part de ses propositions lors d’un déplacement pressenti à Mulhouse ce 18 février. Ce document brosse le portrait inquiétant d’un communautarisme montant, avec des groupes d’inspiration religieuse dont pour certains porteurs d’un projet politique de sécession avec une offre multicartes, du périscolaire en passant par les écoles hors contrat (qui se multiplient), au milieu sportif et au social… Soulignant qu’avec des listes communautaires pour les élections, « ce phénomène commence à trouver une traduction politique ». Une prise de conscience bien tardive. Nombre d’enquêtes et de témoignages, tentant d’alarmer sur cette question, se sont régulièrement confrontés au déni de nos gouvernants. Le paysage politique est donc accidenté sur ce sujet avec des tensions identitaires de plus en plus fortes qui appellent des réponses qui s’attaquent enfin sérieusement au problème.

EM parle désormais de "séparatisme islamique" en lieu et place de "communautarisme" que signifie cette évolution sémantique ?

Céline Pina : Au moins consent-il à nommer ce qui nous attaque et pose problème. Ce n’est pas le communautarisme, mais l’islamisme et sa volonté de faire sécession, de créer une contre-société. Le glissement sémantique est donc bienvenu et permet d’approcher la réalité d’un peu plus près. Dommage que la mention « islamique » ait vite été évacuée au profit du terme « séparatisme » dans la communication avant la prise de parole, mais le déni jusqu’à présent était tellement fort, que cela constitue déjà un progrès.

En revanche, nul ne peut dire aujourd’hui ce que signifie ce type d’évolution sémantique tant la parole de ce président est ondoyante et fluctuante. On a déjà eu droit à des sorties qui semblaient annoncer une prise de conscience, on nous a déjà promis qu’on allait voir ce qu’on allait voir et l’on n’a rien vu. La dernière fois qu’Emmanuel Macron et toute la France s’est trouvé face à la violence islamiste et à sa logique, c’est lors de l’affaire Mila et le moins que l’on puisse dire c’est que ni lui ni son gouvernement n’ont été à la hauteur.

Le contraste est d’autant plus saisissant que nous avons eu droit à l’affaire Griveaux juste après. Or s’il est légitime de défendre Benjamin Griveaux, victime d’un procédé inique et fascisant, il est d’autant plus cruel et inquiétant de constater finalement que ce qui crée l’unanimité est moins la conscience du danger que la logique de caste. Benjamin Griveaux appartient à l’élite, le réflexe de défense a donc été unanime, Mila était une fille du peuple, attaquée par ces authentiques fascistes que sont les islamistes, et bien ni la classe médiatique ni politique n’est monté au créneau avec une telle unité. Ils ont eu raison pour Griveaux, mais ils ont été lâches dans l’affaire Mila et c’est dans ce contexte où les politiques se sont abîmés qu’intervient la prise de parole présidentielle.

Quand on a posé un acte aussi décevant, il n’y a plus grand-chose à attendre des paroles. La communication a ses limites et ne peut suppléer le réel. Donc quel que soit le discours de mardi, j’attendrai simplement que celui-ci se traduise en actes. S’il se traduit en actes.

Guylain Chevrier : Le séparatisme c’est l’effet, le communautarisme c’est la cause, le responsable. En ne parlant que de séparatisme, on entend insister sur le fait que l’on ne cherche pas à viser l’islam, les musulmans, mais que l’on se refuse à laisser une partie de la société se séparer d’une autre, de « protéger l’islam contre l’islamisme » comme cela est dit dans le document gouvernemental que j’ai évoqué. En réalité, cette volonté d’adoucir le discours n’est plus d’actualité même si l’argument peut être pour une part juste, car c’est prendre les choses d’une position extérieur qui ne tient pas à l’examen. L’heure n’est plus à une opération de « sauvetage » de l’islam, mais de combattre le cœur du mal, la cause, le communautarisme. Car c’est un danger, un péril pour la liberté et la démocratie, et un piège mortel pour la République égalitaire. Non seulement il fait disparaitre les droits de ceux qui sont sous son emprise, puisque les individus de droit s’effacent derrière la logique de clan et les chefs religieux qui s’expriment en leur nom, mais il rompt l’égalité entre les citoyens, en mettant entre le citoyen et l’Etat un groupe d’intérêt opposé à l’intérêt général, qui s’attaque directement ainsi à la démocratie, plus encore, poursuivant un projet politique d’instaurer une société islamique antagonique avec la nôtre, dont la première étape est la sécession. On sait aujourd’hui par des rapports officiels que le communautarisme est le principal terreau de la radicalisation, derrière les murs duquel les endoctrineurs peuvent s’en donner à cœur joie. Il devient alors une marmite pouvant préparer à une insurrection religieuse qui peut aller jusqu’à l’affrontement violent, voire armé. Et cela, dans un contexte international de guerre djihadiste. 

Le mot communautarisme renvoie à quelque chose qui a été bien repéré par la plupart de nos concitoyens, qui commence avec le refus du mélange au-delà de la communauté de croyance, que le voile signifie généralement. Beaucoup de choses se jouent autour de l’égalité hommes/femmes qui n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’islam, si on entend en respecter à la lettre le dogme, implique des pratiques discriminatoires entre les sexes qui viennent directement télescoper nos droits et libertés mais aussi nos mœurs. Ceci, alors qu’il a fallu faire évoluer les mentalités dans notre pays par des luttes pour conquérir l’égalité entre les sexes, contre les préjugés religieux et l’emprise de la tradition. Et voilà que nous nous retrouvons avec des femmes de plus en plus nombreuses qui adoptent le port du voile telle une manifestation de leur foi comme première dans l’ordre des valeurs, au nom de la religion et de la tradition, amorçant au sein de la société française une marche arrière toute de l’histoire. Elles nourrissent ainsi un communautarisme qui s’attaque aux droits et libertés de toutes les femmes par la pression à laquelle elles participent sur notre société, alimentant un mouvement de rejet de la société française, et donc de l’intégration. 

Mme Merkel et M. Cameron lorsqu’il était à la tête du Royaume-Uni, avait décrié eux-mêmes le communautarisme sévissant dans leurs pays, comme se révélant contraire à la réalisation des conditions nécessaires à faire des personnes concernées des membres à part entière de la société. La lutte contre le communautarisme est sans doute un enjeu capital pour les sociétés démocratiques qui connaissent une augmentation continue de l’hétérogénéité de leurs populations et même, le défi de notre temps

Que peut-on attendre de son intervention ? Certaines paroles sont-elles plus attendues que d'autres ? Sinon que proposer ? 

Céline Pina : Les seules paroles que l’on est en droit d’attendre doivent être claires et poser un diagnostic qui oblige. Il faut reconnaître l’islamisme pour ce qu’il est : une tentative de déstabilisation politique et civilisationnel qui n’a rien à envier au fascisme. Ce n’est pas pour rien si un des acteurs principaux de l’islamisme, les frères musulmans ont été les alliés des nazis.

Il faut également être clair sur qui sont les islamistes et quels sont leurs associations et moyens de radicalisation. Il est nécessaire de les identifier et que cette liste soit publique afin que les subventionnements cessent, comme les coopérations avec les institutions et surtout qu’ils soient éloignés de la jeunesse. Il faut aussi être impitoyable avec les organismes noyautés. Au vu des ce qui s’est passé en leur sein, le Planning familial et la FCPE ne devraient plus être subventionnées, la Ligue de l’enseignement ne devrait plus être partenaire de l’Etat. Bref qu’Emmanuel Macron nous présente un état qui a fait sa part, pris des décisions courageuses et rompu avec certains opérateurs.

Il faut arrêter ce péché d’orgueil qui fait qu’Emmanuel Macron veut créer un islam de France. Il n’en a pas la légitimité et son fantasme en fait une proie facile pour les frères musulmans. D’ailleurs, l’AMIF qu’il a créé est déjà en partie noyautée par leux. Il doit comprendre que le rôle de la France est d’intégrer les populations en leur faisant partager notre culture, nos principes et nos idéaux. La question religieuse est et doit rester privé et une religion qui ne se soumet pas à nos règles est de fait incompatible avec notre société. Il est temps d’être clair et de le dire. D’expliquer que remettre en cause les enseignements délivrés à l’école par exemple n’est pas acceptable et arrêter de négocier avec les intégristes. Il faut les mettre à la porte des écoles, des mairies et des associations. Il faut aussi supprimer toutes les dérogations, revoir toutes les autorisations pour qu’une mère fasse l’école chez soi et interdire les écoles confessionnelles qui ne sont pas sous contrat. Faire également des lois où quelqu’un qui ne scolariserait pas ses enfants dans un enseignement reconnu n’aurait plus droit à nombre d’aides.

Il est également nécessaire de remettre du contrôle : les mosquées sont les premières casemates des islamistes, leur réseau physique et territorial. En 2019, seuls 2 ont été ferméesdans le cadre de la loi Silt et pourtant le fait que les mosquées sont les premiers lieux de radicalisation est un secret de Polichinelle. D’ailleurs, où en est celle où le tueur de la Préfecture de Paris a été radicalisé ?. Et bien elle est toujours ouverte, aucun imam n’est parti, les travaux pour en faire une grande mosquée ont même démarré le 14 décembre. Le tout dans une ambiance surréaliste où on ne parlait que de la « stigmatisation des musulmans ». Un retour au réel qui montre à quel point le pays n’est pas tenu. L’Etat ne fait pas le minimum, n’a même pas suspendu le permis de construire. C’est dire si nous devons passer pour des benêts.

Force est de constater que lorsqu’on entre dans le réel, il n’y a plus rien. Or nul n’a besoin d’un énième discours exalté, mais de propositions concrètes. Et si on parlait déchéance de nationalité, procédure d’indignité nationale, voire refus de la double nationalité quand elle implique une allégeance à des pays qui n’ont pas les mêmes règles (ils refusent l’égalité entre homme et femme, ils ont une politique d’apartheid, ils ne sont pas démocratiques…). Si on disait clairement aussi qu’à partir du moment où la laïcité est un principe constitutionnel, au nom de quoi ne s’applique-t-’elle pas à la société ? L’égalité est un principe constitutionnel, imaginerait-on que l’on explique que les fonctionnaires doivent l’assurer mais qu’en revanche la société peut être raciste et sexiste au quotidien et que c’est normal ?

Un président courageux dirait aussi qui sont les islamistes, nommeraient les organisations qui les regroupent afin que les pouvoirs publics soient prévenus contre eux. Il assumerait le fait que sur notre sol nous avons des organisations constituées qui ont vocation à tirer à balles symboliques sur ce que nous sommes et il les mettraient au ban de la société. Ainsi, Musulmans de France (ex UOIF) est liée aux frères musulmans, il serait bon que ni politiques ni fonctionnaires ne se rendent à leurs manifestations par exemple à la différence de ce qui est pratiqué habituellement.

Aucun état digne ne s’abaisse à discuter avec des personnes liées au terrorisme qui pratiquent le séparatisme sur son sol. Il dénoncerait les salafistes et interdirait aux pays étrangers de financer des mosquées sur son sol. Il tracerait une ligne claire entre islamistes et musulmans en rappelant qu’elle passe par l’intégration et que ceux qui refusent de s’intégrer auront du mal à trouver leur place, à trouver du travail et à se loger mais que ce sera leur choix. Si s’afficher comme islamiste vous apporte des ennuis au lieu d’être gratifiant, vous verrez à quel point leur aura baissera. Pour cela il faut faciliter les licenciements en cas de refus de serrer la main d’une femme, de prière sur le lieu de travail… Ce type de loi aura des répercussions bien plus fortes que tous les discours.

Mais sincèrement, alors que des personnes arrêtées pour terrorisme vont sortir de prison en même temps que reviennent les jihadistes de Syrie, force est de constater que rien n’a été anticipé et que plus les risques grandissent, plus l’impréparation de notre gouvernement nous met en danger.

Disons pour ne pas être trop pessismiste que si Emmanuel Macron fait un discours à la fois fort, clair et tranché et doté de propositions concrètes, peut-être les Français payeront-ils pour voir les actes. Mais chez ce gouvernement la communication a tellement remplacé l’action que l’on peut craindre que chez Emmanuel Macron tout commence et finit avec la parole. Le problème c’est qu’elle n’est pas créatrice.

Guylain Chevrier : On peut se faire une idée de ce qu’il va pouvoir annoncer, au regard de ce que nous expose ce fameux document interne, même s’il aime jouer sur la surprise et donc, déjà avancer quelques critiques. On entend ainsi jouer sur une « stratégie d'entrave » face à la montée de l'islamisme et du repli communautaire », en misant sur l'éducation, la culture, le sport, on accentue la mobilisation des autorités – préfets, procureurs, acteurs de la santé, de l'éducation… avec l’idée de créer des cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (Clir), présidées par les préfets. On veut aussi « associer davantage les élus dans le travail de la détection des comportements de rupture avec les valeurs républicaines dans tous les territoires : les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, les services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles ». Très bien, mais alors, pourquoi ne pas tout simplement faire respecter partout l’égalité entre les sexes, pourtant reconnue par notre constitution, en poursuivant systématiquement les pratiques discriminatoires ? En interdisant la non-mixité, ou le burkini dans les piscines ? Associer les élus, très bien, mais il faudrait alors commencer par s’attaquer aux pratiques des accommodements déraisonnables des villes, avec un clientélisme politico-religieux de longue date, comme à Rennes qui fait ouvertement le lit du communautarisme en justifiant le burkini dans la piscine. Quand interdira-t-on par la loi l’affichage religieux des élus lorsqu’ils siègent ? Ce serait un signe fort de la République.

On met l'accent sur la nécessité d'« agir sur les atteintes aux symboles républicains » Mais la politique menée jusqu’alors n’a été qu’incohérence et pour l’essentiel, laisser-faire. Sans une politique qui s’attaque globalement au phénomène on risque de renforcer encore un sentiment de victimisation utilisé à outrance par les ennemis de la République. Concernant le droit des étrangers, il serait question d’empêcher « la délivrance de tout titre de séjour à une personne en état de polygamie. » Très bien, mais pourquoi ne pas appliquer immédiatement la loi pour ce type de fait, un an de prison et 45.000 euros d’amende, qui ne l’est jamais. Concernant les certificats de virginité, il n’est même pas question de les interdire, on se contente de rappeler que le Conseil national de l'Ordre des médecins considère que de tels certificats « constituent une violation du respect de la personnalité et de l'intimité ». Le document relève aussi qu'en matière de droits des successions « ont été constatées des pratiques discriminatoires inspirées du droit musulman et conduisant à faire varier la part dévolue aux héritiers réservataires selon le sexe de ceux-ci, au préjudice des femmes ». Il serait question de recourir à une modification de la loi sur ce point. Ces pratiques ne sont-elles pas déjà discriminatoires et condamnables devant la loi ? Et qu’en est-il du rôle de défenseur des droits dans ce domaine ? 

On parle de « 80 « cités éducatives » pour « refaire système autour de la réussite éducative », avec une offre scolaire renforcée sur les territoires « soumis à l'emprise communautaire », associer les parents, développer l'esprit critique des élèves, former à la laïcité et à l'égalité entre les sexes… Tout cela est bien beau, mais faudrait-il encore arrêter de faire de l’école un vecteur de l’enseignement du « fait religieux » qui intègre les élèves par la reconnaissance de leurs différences, auquel on a donné une place croissante croyant résoudre les problèmes en reculant, au lieu d’enseigner l’esprit critique sans épargner les religions, et des principes républicains qui ne devraient souffrir d’aucune concurrence ou ambiguïté. Sans compter avec les accompagnatrices voilées de sorties scolaires, qui dérogent au principe de la laïcité de l’école qui, hors les murs, est toujours l’école laïque, en laissant une voie d’eau que le communautarisme ne manque pas d’exploiter, montrant les flottements de ce discours.  

On parle aussi de « la consolidation de la gouvernance des associations cultuelles ». Et donc, de poursuivre dans la voie qui est celle « d’organiser l'islam de France ». Depuis la création du Conseil français du culte musulman en 2003, on a vu s’affirmer une volonté de l’Etat de fabriquer un « islam de France », illusion qui a conduit à l’échec actuel, qui devrait inspirer de changer de politique. Mais il n’en est pas question, comme on le voit, bien au contraire. L’Etat ne peut gagner contre le communautarisme qu’en étant à sa place, pour jouer pleinement son rôle, en faisant respecter à la lettre le principe de séparation de la puissance publique des religions et en contrant les pratiques et manifestations qui s’attaquent à la liberté et à l’égalité dans tous les domaines, et si c’est nécessaire en légiférant. C’est ainsi qu’il aura le soutien populaire, et qu’un contre-feu pourra venir de la part de certains de nos concitoyens de confession musulmane, pour participer à contrer le communautarisme qui est un danger tout particulièrement pour eux. Enfin, il est question de « favoriser une meilleure structuration du culte musulman par le levier de son financement ». On doit s’inquiéter du fait que l’Etat mette tout simplement les mains dans le financement des religions, ce qui est un comble. On se rappellera que le président de la République, lorsqu’il a voulu réformer la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, qui fut un échec, avait proposé de permettre aux cultes de faire fructifier des biens immobiliers. Ce qui serait susceptible de les transformer en puissance financière, ce qui est justement un danger, strictement interdit par la loi. Une proposition dont des milieux bien informés disent qu’elle pourrait revenir dans l’actualité.   

Ce qui est attendu, ce sont des mesures réelles qui rompent avec le laisser-aller sur la laïcité qui fait que, nous en sommes à ce constat édifiant. Que n’interdit-on pas le salafisme, principal pourvoyeur du communautarisme ? Il est à craindre que les initiatives à venir du président de la République ne viennent pas tarir cette attente. 

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