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Benjamin Griveaux ou les pièges de la mauvaise com
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Chausse-trape

Benjamin Griveaux s'est retiré de la course à la Mairie de Paris, ce vendredi, après la diffusion d'une vidéo à caractère sexuel. Jusqu'alors le candidat n'était donné que troisième dans la course à la Mairie de Paris notamment en raison d'une très mauvaise campagne de communication (les interviews en off diffusées, la publication d'une série de photos censées lui donner une image "plus cool"...).

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Si l'on garde l'exemple de Benjamin Griveaux, on comprends que toute la communication qui entourait sa campagne avait pour but de le rendre plus atteignable, plus "cool". La série de photos censées illustrer ses craquages en est l'exemple parfait. Pourtant, si de telles opérations de communication fonctionnaient avec Chirac, par exemple, pour des personnages à l'image très techno comme Griveaux n'est-ce pas là souvent une très mauvaise idée ? De telles campagnes de communication ne peuvent-elles pas être considérées comme mauvaises puisqu'elles aggravent souvent  l'image d'un candidat, d'autant plus si celle-ci n'était pas bonne à l'origine ?

Arnaud Benedetti :  La bonne communication est celle qui ne se voit pas. Tout le reste en effet risque d’être vite considéré comme une mauvaise comédie. Quand un candidat ne parvient pas à performer, il en vient, et ceux qui l’entourent avec , à considérer que le maillon faible de sa démarche est la com’ . Tout ceci est parfaitement immature, hélas. La forme est certes importante, mais c’est bien le fond que fait remonter la forme. Griveaux concentrait sur lui toutes les allergies que l’on prête, à tort ou à raison, à la macronie : une forme d’arrogance , le mépris , l’absence d’expérience ... D’où le travail désespéré et pour tout dire désespérant de l’équipe de campagne du candidat pour essayer de corriger cette image ces dernières semaines au travers de propositions-chocs ( le déménagement de la Gare de l’Est , les 100 000 euros pour accéder à un logement ) et à travers  la scénarisation d’une posture alliant proximité et empathie. Tout ceci non seulement a suscité une impression de superficialité, d’insincérité mais surtout a objectivé les difficultés de Benjamin Griveaux à s’inscrire dans une dynamique positive. Pire : le sentiment général qui s’est installé c’est que le postulant perdait irrésistiblement pied , qu’une spirale infernale l’entraînait vers une défaite annoncée. Une bonne communication est celle en fin de compte celle qui s’acculture aux qualités mais aussi aux défauts d’une personnalité. Celle qui veut travestir , maquiller la personnalité profonde apparaît pour ce qu’elle est : une entreprise de manipulation. Or nous avons tous horreur de nous sentir manipulé

Une mauvaise campagne de communication ne rend-elle pas le candidat encore plus vulnérable dans le sens où pour avoir bonne presse, il aurait tendance à dire "ce que les gens veulent entendre" et non à se fier à son propre instinct ou à ses atouts ? 

Arnaud Benedetti : Il faut bien évidemment être à l’écoute du corps social , de l’opinion au risque de paraître indifférent ou hors-sol. Mais il faut le faire en position de non-faiblesse . Dés que vous êtes fragilisé , et c’était le cas de Benjamin Griveaux , vous êtes suspecté de démagogie . Le problème de Griveaux était d’abord politique : les conditions de son investiture l’ont rendu de facto illégitime . Le " nouveau monde “ est apparu dans cette affaire plus vieux que le plus vieux de tous les vieux mondes . C’est ce qu’a dénoncé non sans raison son principal rival  Cédric Villani . Le champ de forces dans lequel a voulu s’imposer Griveaux l’a enfermé littéralement dans le carcan d’une candidature produite par le fait du Prince et par des méthodes d’investiture dénuées de toute transparence . Tout était faux , sonnait faux dans l’offre incarnée par Benjamin Griveaux . Cette facticité originelle , aucune com’ ne pouvait la redresser . Ne demandons pas à cette dernière l’impossible. On ne répare pas un problème politique avec de l’image  La politique est une affaire trop sérieuse pour la confier exclusivement à des communicants , surtout à une époque où nous sommes amplement déniaisés des superficialités communicantes. 

Finalement plutôt que de faire oublier, par exemple, la vauité de l'offre politique d'un candidat une mauvaise communication n'est-elle le risque ultime ? En d'autres termes, un candidat dont la communication est mauvaise n'est-il pas un candidat qui risque fort de tomber ou d'être la cible de moqueries et d'attaques décuplées ? 

Arnaud Benedetti :  Il faut surtout cesser de faire de la communication un forme de magie susceptible de tout résoudre. La communication n’a aucun pouvoir de transsubstantiation . Bien au contraire , lorsqu’elle en vient à se substituer au politique , elle réduit celui-ci à un produit. Or la politique c’est le sang des idées d’abord , les vertèbres d’un caractèr, un sens du " coup d’œil " pour reprendre la belle expression de Max Weber dans « Le savant et le politique ». Griveaux a signé de manière dramatique l’acte de son propre échec . Sa com’ de la dernière chance s’était déjà retournée amplement contre lui . Le surgissement virale d’une vidéo intime a définitivement clos la séquence tout en ouvrant la porte sur  un sol qui se dérobe dangereusement sous les pieds du champ politique . Tout laisse à penser  hélas, que nous courons le risque d’autres secousses de ce type . L’instabilité est vraisemblablement devant nous.

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