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Chômage : les bons chiffres ne bénéficient toujours pas aux jeunes, ni aux seniors
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Inversion de la courbe ?

Selon les dernières données, le nombre de demandeurs d'emploi est en forte baisse en 2019. Le nombre d'inscrits à Pôle emploi en catégorie A a baissé de plus de 120.000 en France en un an. Certains économistes ont évoqué une baisse du chômage trompeuse.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico.fr : Les derniers chiffres du chômage affichent une baisse de près de 3% en 2019. A quoi doit-on cette baisse ? Est-elle aussi significative qu’elle le paraît ?

Michel Ruimy : Si, selon Pôle Emploi, le nombre de chômeurs de catégorie A s’établit à 3,5 millions de personnes en France, plus largement, toutes catégories confondues, le nombre de demandeurs d’emplois sur le territoire est désormais de 6,4 millions de personnes, soit une baisse globale d’environ 3% sur 1 an par rapport aux 6,6 millions de personnes recensées fin 2018.

Cette baisse du chômage est la conséquence de créations d’emplois dynamiques, supérieures au rythme de croissance de la population active. L’INSEE a constaté plus de 260 000 créations d’emploi nettes en 2019, majoritairement dans le secteur marchand, contre 230 000 en 2018. Parmi ces créations, la transformation du CICE en allègements de cotisations patronales début 2019 a, en particulier, contribué à enrichir la croissance d’environ 30 000 emplois.

Toutefois, il convient de remarquer que cette baisse du chômage ne profite pas à tous. Principalement à ceux qui ont une expérience et qui ne sont trop âgés pour les entreprises (25-49 ans). Elle est plus modeste pour les jeunes et plus difficile pour les seniors. Ainsi, il est difficile de trouver un emploi pour certains profils de chômeurs : outre l’âge et le manque d’expériences, il y a le manque de compétences. La preuve est la durée moyenne d’inscription à Pôle emploi qui continue à progresser : + 150 jours environ entre 2017 et 2019.

Certains économistes pointent du doigt une baisse du chômage trompeuse qui tient en réalité d’une « germanisation » ou d’une « uberisation » de la société. Qu’en est-il en réalité ? Explique-t-on véritablement cette baisse par une hausse des contrats en alternance et une hausse du nombre d’apprentis ?

Tout d’abord, notons que depuis près de 30 ans, la promotion de l’apprentissage est le dispositif central des politiques publiques destinées à combattre le chômage des jeunes. Rarement en France, une politique aura été aussi consensuelle. Le développement des formations en alternance est soutenu par les formations politiques de Gauche comme de Droite, par les syndicats de salariés comme par les représentants des entreprises, par les Régions comme par les chambres consulaires. Même si de nombreuses questions relatives aux finalités ou à l’organisation des formations par alternance continuent à être débattues, tous s’accordent pour considérer que l’apprentissage favorise l’insertion professionnelle des jeunes. Plus précisément, les apprentis connaissent des débuts de carrière plus faciles que les sortants du système scolaire. À tous les points de vue, ils accèdent plus rapidement à un emploi, sont moins concernés par les successions d’emplois précaires et leurs conditions d’emploi sont bien meilleures (salaires, part des temps partiels, adéquation des emplois aux formations suivies).

C’est dans ce contexte qu’il faut mettre en perspective quelques chiffres. Avec plus d’un million d’emplois nets créés en 5 ans, un taux de chômage descendu à son plus bas niveau depuis 10 ans et une situation où sur 10 emplois créés, plus de 9 le sont par le privé c’est-à-dire qu’il y a de moins en moins d’emplois aidés, tout pourrait laisser penser que tout va pour le mieux. Or, une « germanisation » du marché du travail, autrement dit une montée des contrats en alternance et du nombre d’apprentis, peut être observée, qu’il convient toutefois de relativiser. Certes, si leur contribution à l’amélioration générale est perceptible, ce n’est pas une tendance lourde du marché du travail.

Si l’on compare le taux de chômage en France à celui d’autres pays européens où se situe l’hexagone. Est-il toujours un « mauvais élève » ? Comment faire pour accentuer cette baisse du chômage davantage et de manière significative ?

Le marché du travail européen résiste en Europe. Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, s’établit à un peu plus de 6% à l’échelle de l’Union européenne. Malgré le ralentissement des grandes économies dans la zone euro et la dégradation de la conjoncture mondiale, ce ratio est au plus bas depuis les années 2000.

Cependant, les disparités demeurent très marquées au sein du continent. Les taux les plus bas concernent la République tchèque, l’Allemagne et la Pologne. À l’opposé, la Grèce, l’Espagne et l’Italie sont les pays les plus frappés par ce phénomène. La France arrive, quant à elle, en 4ème position avec un taux de chômage aux alentours de 8,5%. À titre de comparaison, le taux de chômage aux Etats-Unis est d’environ 3,5%.

Ces résultats illustrent la persistance des effets de la crise de 2008 et la crise des dettes souveraines en zone euro avec un véritable contraste entre le Nord et le Sud de l’Europe.

Concernant la France, la tendance baissière actuelle est soumise à des contraintes. Le recul du chômage en 2020 dépendra de la tenue de la croissance au 1er semestre, nonobstant de la conjoncture asiatique. Il faudra aussi surveiller la part des CDI ou l’évolution de la durée des CDD dans les embauches car certains considèrent que la réforme de l’assurance-chômage va renforcer la précarité professionnelle à compter du 1er avril (date d’entrée de la nouvelle modalité de calcul de l’allocation).

On voit donc que le rythme de la décrue sera difficile à tenir d’autant que si les mesures socio-fiscales décidées à la suite de la crise des « Gilets jaunes » ont gonflé le porte-monnaie des Français, leurs effets sur l’économie française ont été relativement modestes. Les Français ont privilégié une épargne de précaution au détriment de la consommation. En outre, le climat social est loin d’être apaisé. L’entrée en vigueur des mesures de l’assurance-chômage, l’évolution du débat actuel concernant la réforme de la retraite pourraient contribuer à réduire la confiance des milieux économiques.

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