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Techno-lubie : mais qui est vraiment capable d’évaluer l’impact climatique d’une loi ?
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Pensée complexe

46 parlementaires ont demandé à la Ministre de l’Écologie d'élargir "l’étude d’impact climatique" des textes de loi avant leur examen et que soit réalisé "un suivi" après l’adoption de ces textes.

Hash H16

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H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Certes et comme l’annonce Bruno Le Ministre avec un mine un peu dépitée, la croissance française n’est pas au beau fixe. Certes, la criminalité continue d’y grimper gentiment. Certes, les tensions politiques, sociales, économiques s’accumulent dans le pays malgré le sourire crispé de son président et de son premier ministre à l’orée de campagnes municipales qu’on devine déjà rocailleuses. Mais cela ne doit pas empêcher les députés de faire, enfin, des lois éco-responsables, pardi !

Comment, vous ne savez pas ce qu’une loi éco-responsable ? Comment, vous ne savez pas que certaines lois ont un impact environnemental catastrophique et doivent donc être largement revues ? Mais où diable vivez-vous donc ?

C’est probablement pour tenir compte de gens comme vous, complètement indifférents aux enjeux pourtant cruciaux du climat, de l’environnement, des petites plantes vertes, des petits oiseaux et des gentils petits virus qui ne demandent qu’à vivre, que 46 parlementaires de tous bords ont demandé, dans une lettre adressée à la Ministre de l’Écologie, à « élargir l’étude d’impact climatique » des textes de loi avant leur examen, ainsi que soit réalisé « un suivi » après l’adoption de ces textes et une fois leur mise en application réelle, pendant trois ans (en moyenne).

Eh oui : comprenez nos frétillants législateurs ! Le processus législatif est trop simple et ne permet pas de tenir compte de toutes les petites subtilités nécessaires à, d’une part, l’élaboration d’une loi solide et bien écrite comme nos codes de lois en regorgent déjà et, d’autre part, à l’impérieuse obligation de donner un sens à la vie de certains députés manifestement très désœuvrés.

Car pour ces derniers, c’est certain : si l’on ne fait rien, on est là dans une erreur, que dis-je, une faute climatique évidente du processus législatif en lui laissant un véritable « angle-mort » : la méconnaissance des conséquences climatiques de chaque loi pendant sa préparation, son examen et son application.

Comprenons-nous bien : ici, il ne s’agirait (absolument) pas de retoquer un projet de loi si jamais il s’avérait que celui-ci n’était qu’une agitation fumeuse, une dispendieuse dépense d’énergie et un brassage d’air chaud pollué par les vitupérations ineptes de parlementaires irritants, non, pas du tout. Il s’agit plutôt d’évaluer l’impact climatique des lois et de frapper « d’irrecevabilité climatique » celles qui auraient l’impudence d’être incompatibles avec la stratégie nationale « bas-carbone ».

Autrement dit, il va s’agir, pour le parlement et en plus des études d’impacts qu’il se tape déjà pour tout projet de loi, d’en ajouter une nouvelle couche histoire de garantir que le projet ne bouscule ni la galinette cendrée du Bouchonnois, ni les plans d’économie d’énergie lancés en grande pompe par tel factotum gouvernemental ou toute autre lubie du moment, que ce soit l’une ou l’autre voiturette électrique, centrale à charbon camouflée en champ d’éoliennes ou nouvelle « route solaire » d’un genre nouveau.

On ne se posera bien évidemment aucune question sur les coûts (de tous types, environnementaux inclus) induits par cette nouvelle bordée de contraintes, c’est parfaitement inutile puisque, comme chacun le sait, les parlementaires ont déjà fait voeux de chasteté énergétique, n’utilisent plus ni papier ni électricité pour pondre des lois ou faire des études d’impact et sauront s’en tenir aux débats les plus minimalistes et les plus économes à ce sujet.

Cette grotesquerie pourrait s’arrêter là si le gouvernement n’avait bien évidemment pas immédiatement surenchéri, le besoin de se montrer toujours plus vert que vert n’ayant très manifestement aucune limite : Elisabeth Borne, trouvant là l’occasion rêvée de rappeler qu’elle existe et de justifier, au moins en partie, les émoluments qu’elle touche pour son poste, s’est empressée de répondre favorablement aux niaiseries coûteuses de nos parlementaires, ajoutant son lot de nigauderie avec une image apte à capturer l’esprit du moment :

« J’y suis favorable. Évaluer l’impact des lois sur le climat c’est indispensable, sinon c’est remplir la baignoire pour qu’elle se vide de l’autre côté »

Et c’est clair qu’en matière de tonneau des Danaïdes baignoires vides, le gouvernement s’y connaît tout particulièrement surtout depuis que, pour rappel, il a réclamé qu’on remplace plusieurs centaines de milliers de ces dernières par des douches.

Il va de soi qu’on se perd en conjectures sur l’impact même des fameux (fumeux ?) mécanismes qu’il faudra mettre en place pour étudier à leur tour l’impact des lois votées sur le climat. D’autant plus qu’il semble extrêmement délicat, de nos jours, d’arrêter précisément le calcul de ce dernier impact ; il n’est qu’à voir les interminables listes de dégâts (avec une distribution assez large dans l’incroyable) causés par l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère pour comprendre que réaliser la moindre étude d’impact d’une loi promet l’utilisation de doigt mouillé, du pifomètre et de la grosse louche de façon compulsive. En outre, ce ne sera ni spécialement gratuit, ni spécialement écologique, mais baste, on s’en fiche puisque d’une part, c’est l’État qui paye et d’autre part, c’est pour la bonne cause (écologique).

Maintenant, ne gâchons pas notre plaisir à la découverte de cette nouvelle idée ridicule : si les hémicéphales écoconscients parviennent à leurs fins, si cette proposition rentre finalement en application, elle va considérablement compliquer la rédaction des imbuvables textes de lois dont le législateur frétillant nous agonit actuellement.

En voulant faire assaut de signalement vertuel et montrer à la face du peuple ébahi à quel point il est tous les jours plus éco-conscient et syntonisée avec Gaïa, on arrive à ce moment où toute la politicaillerie va s’auto-mettre des bâtons dans les roues avec une vigueur qui fera plaisir à voir : comme un groupe de collectivistes se déchirant âprement à qui sera le plus communiste, comme un groupe de Social Justice Warriors perdu en luttes intestines pour déterminer qui, dans cette troupe de sociopathes, est le plus digne d’attention et coche le plus de cases d’oppression, les députés arrivent lentement à ce point où chacun va pouvoir attaquer chaque autre au motif que sa loi n’est pas assez inclusive, pas assez respectueuse de toutes les formes de pathologies mentales ou physiques possibles ou, bien évidemment, pas assez douce pour l’environnement.

D’un certain point de vue, le but d’une carboneutralité parfaite sera enfin atteint : la paralysie sera totale.

Article publié initialement sur le blog d'H16

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