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Pourquoi la reforestation de la planète lui fait parfois plus de mal que de bien
©Reuters

Atlantico Green

L'une des solutions envisagées face au réchauffement climatique est la plantation d'arbres qui ont la faculté de capter et d'emmagasiner le Co2. Toutefois plusieurs questions se posent quand à la réalité de l'efficacité des plantations.

André Heitz

André Heitz

André Heitz est ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

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Atlantico.fr : La hausse des surfaces forestières semble être une bonne nouvelle pour l'environnement. Comment caractériseriez-vous cette tendance géographiquement et écologiquement ?

André Heitz : Les choses sont rarement simples. Une forêt à l'équilibre n'emmagazine plus de CO2. « L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène », de M. Emmanuel Macron, est un mythe tenace. Une forêt rasée (ou brûlée) et reboisée captera du carbone pendant la durée de croissance des arbres, et le bilan sera positif si le bois récolté est valorisé dans la durée, par exemple dans le bâtiment. Dans nos régions, les sols de prairie stockent autant de carbone que les sols forestiers ; le crédit carbone acquis par la conversion d'une prairie en forêt est une blague (c'est sans compter l'éventuelle perte de biodiversité). Une plantation de palmier à huile peut avoir un bilan carbone supérieur à une forêt très dégradée qu'elle remplace. Elle implique généralement de fortes émissions de carbone en cas de déforestation, surtout sur sol tourbeux, mais elle a le meilleur ratio pertes de carbone écosystémique/productivité ; pour le rendement en huile, un hectare de palmier équivaut à quelque dix hectares de soja (mais celui-ci produit aussi des tourteaux).

Avons-nous une vision réaliste du rôle des arbres dans le cycle du carbone ? J'ai quelques doutes.

Mais une chose est sûre : compter sur la forêt pour, en quelque sorte, compenser notre boulimie de combustibles fossiles est un mauvais calcul et ne peut qu'être temporaire. Une autre, l'initiative 4 pour mille, est en revanche crédible : augmenter de 0,4 % par an les stocks de carbone des premiers 30 à 40 cm de sol absorberait une quantité significative du CO2 émis par les activités humaines. Pour cela, il faut, entre autres, une agriculture de conservation et de régénération des sols... et la possibilité de recourir à un usage judicieux du glyphosate...

Les forêts ont un effet globalement positif – du point de vue de l'Humain – sur le climat ; L'Homme qui plantait des arbres de Jean Giono n'est pas une fable. Elles fournissent d'autres services écologiques comme la stabilisation des sols dans les pentes et la lutte contre l'érosion. De ce point de vue, les efforts d'afforestation entrepris par exemple par la Chine ou par les pays du Sahel avec leur Grande Muraille Verte sont fort bienvenus.

D'une manière générale, la NASA a constaté un verdissement de la planète – l'équivalent de la forêt amazonienne en deux décennies –, particulièrement en Chine du fait de l'afforestation et en Inde du fait de l'intensification de l'agriculture (c'est-à-dire de la production alimentaire). Certes, le gain d'un hectare ici ne compense la perte d'un hectare là que sur une feuille de calcul, mais c'est une excellente nouvelle : l'Homme, cette espèce honnie par les collapsologues, contribue à ce phénomène.

Il ne faut pas oublier la dimension sociale. Chez nous, la déprise agricole suivie de l'embroussaillement puis d'un boisement de mauvaise qualité n'est pas une bonne nouvelle. Pour nos amis africains, formons le vœu qu'ils réussissent dans leur entreprise, repoussent le désert et créent de nouvelles perspectives écologiques qui pourront produire des bénéfices sociaux, économiques et géostratégiques considérables.

Pouvez-vous nous expliquer la différence écologique fondamentale qui sépare ce phénomène de l'extension de la mono-arboriculture ?

André Heitz : Les peuplements naturels et les plantations monospécifiques sont en règle générale des écosystèmes pauvres par rapport aux peuplements diversifiés, et ce, par nature et, le cas échéant, du fait de la main de l'Homme. Mais, selon le WWF, les plantations « industrielles » d’arbres à croissance rapide fournissent environ 14 % des bois ronds utilisés mondialement (520 millions de m3), alors qu'elles ne représentent que 2% de la surface forestière mondiale (54,3 millions d’hectares).

Que vaut-il mieux ? Pas de plantations et une exploitation plus intensive de la forêt dite « naturelle » ? Ou des plantations, bien sûr gérées de manière responsable, et la possibilité de préserver des forêts ? L'écologie n'est simple que pour les écologistes, pas pour les écologues.

L'actualité en fit état en Californie, au Brésil, au Congo et en Australie : les feux de forêts sont-ils réellement calamiteux pour le réchauffement climatique ?

André Heitz : Il y a aussi eu les feux dans l'Arctique, en Sibérie, en Indonésie, en Grèce, au Portugal, en France... Sur onze mois en 2019, les feux de forêts auraient émis 6,375 gigatonnes de CO2 selon le programme européen de surveillance de la Terre Copernicus. Mais les feux sont un phénomène récurrent qu'il faut évaluer, non pas en fonction de la couverture médiatique et, aussi, de la gesticulation politique, mais de l'évolution dans le temps.

Ce chiffre est à comparer aux quelque 36,8 gigatonnes issues de l’usage du charbon, du pétrole et du gaz, ainsi que de la fabrication du ciment, et aux 43,1 gigatonnes émises au total en 2019 par les activités humaines. Et aux quelque 3.000 gigatonnes de CO2 présentes dans l'atmosphère.

Bien malin qui peut prédire l'effet de ces incendies sur le climat ! Mais faisons preuve de sérénité et d'optimisme dans ce monde harcelé par des prophètes de malheur qui font du climat un nouveau cavalier de l'Apocalypse : tout ce qui a brûlé reverdira et se reboisera, sauf conversion à l'agriculture ou urbanisation.

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