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Non BlackRock n’est pas ce que les opposants à la réforme des retraites vous en disent
©Andrew Burton / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Réforme

Jean-Charles Simon a tenu à répondre sur Twitter à une série de messages publiés par Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, sur la polémique liée à BlackRock et à la réforme des retraites. Jean-François Cirelli, ancien dirigeant de GDF-SUEZ et actuel président de la branche française de BlackRock, a été promu officier de la Légion d'honneur.

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

Voir la bio »

BlackRock s'est retrouvé au cœur des débats sur la réforme des retraites. Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste français, a publié une série de messages sur Twitter au sujet de BlackRock et du projet du gouvernement d'Emmanuel Macron : 

"Olivier Faure : Pourquoi le choix de décorer le dirigeant pour la France du plus gros fond de pensions américain BlackRock n’est pas une anecdote mais révèle le côté obscur de la réforme des retraites.  

En réalité, la réforme des retraites a commencé avec la loi PACTE en avril dernier. Le premier étage de la fusée était d’ouvrir le marché de l’épargne-retraite aux fonds de pension.  Le second étage de la fusée c’est la réforme actuelle des retraites. Le projet prévoit de limiter le système à points aux revenus inférieurs à 10.000€ mensuels (300.000 personnes, soit 1% des Français les plus riches).

Cette mesure en apparence anodine prive le système par répartition actuel de 3 milliards annuels de cotisations. Et que feront ces 300.000 contribuables ? Ils placeront leur argent dans les fonds de pension et ne contribueront plus comme aujourd’hui au système solidaire de retraites. Pire, ils y seront invités fiscalement puisqu’ils pourront déduire ces versements de leur revenu imposable. 

C’est donc à la fois un manque à gagner pour notre assurance vieillesse et un nouveau cadeau fiscal aux plus riches ! Comme il faut bien compenser il faut un âge pivot et supprimer certains régimes spéciaux. Cerise sur le gâteau, les contribuables aisés déjà à la retraite vivront sur les cotisations que 99% des Français continueront à verser alors que les riches actifs ne cotiseront plus... C’est le monde à l’envers, pas le nouveau monde !

Et comme rien ne se perd, tout se transforme, l’argent collecté par les fonds de pension comme BlackRock servira demain à prendre le contrôle d’entreprises françaises dont on exigera des taux de rentabilité extravagants... et les salariés serviront de variable d’ajustement".

Suite à cette série de message et alors que la polémique BlackRock ne faiblit pas, Jean-Charles Simon a tenu à répondre sur Twitter aux arguments d'Olivier Faure. Voici les différents messages publiés par Jean-Charles Simon : 

Jean-Charles Simon : "Et dire que ce parti [ndlr : le Parti socialiste d'Olivier Faure] a pu autrefois, à gauche, incarner une forme d'excellence technique... C'est lamentable, tout est mensonge ou erreur basique dans ce discours. 

1) BlackRock n'est pas un fonds de pension, et la loi Pacte n'a ouvert à personne le marché de l'épargne retraite.

En créant le PER [ndlr : Plan d'épargne retraite], le gouvernement essaie juste une nouvelle fois (ceux du PS autrefois également...) de réorienter l’épargne des Français, jugée par tous trop à court terme et sans risque (fonds euros, livrets...), vers des produits plus longs et davantage investis en actions.

Les premiers acteurs concernés sont les assureurs français, qui ont besoin de décourager la collecte en AV fonds euros, le PER devant être une nouvelle alternative. Mais il n'est question que des choix d'épargne des Français, et en aucun cas des régimes obligatoires de retraite.

Venons-en aux salariés de moins de 10.000€ par mois. Les 3 milliards de cotisations Agirc Arrco qui ne seraient plus versées demain n'ont pas de raison de devenir mécaniquement de l'épargne retraite, loin de là. D'autant que la part patronale ne leur sera pas automatiquement rétrocédée.

Dans le même temps, les indépendants et les fonctionnaires (primes) devraient cotiser davantage dans le régime universel qu'aujourd'hui : c'est autant de moins pour l'épargne retraite potentielle, et ça concerne 30 fois plus d'actifs que les salariés du privé à moins de 10.000 euros...

Donc le marché de l'épargne retraite n'a pas de raison de grossir fortement avec cette réforme. Même si les salariés concernés versaient 1 milliard de plus par an, ça resterait dérisoire face aux 350 milliards de la répartition ou aux 100 milliards de l'épargne financière.

Et un milliard de flux volontaire est une hypothèse forte, l'épargne retraite rencontrant un succès modeste face aux autres produits d'épargne. D'autant que contrairement à ce qui est dit, la loi Pacte ne renforce pas du tout les plafonds d'exonération fiscale existants !

C'est aussi totalement mensonger de prétendre que ce changement pour les moins de 10.000 euros réduira les recettes fiscales. C'est le contraire ! Aujourd'hui, les cotisations Agirc Arrco sont déductibles de tout prélèvement. En disparaissant >3 PASS, les montants seront tous taxés par principe.

Il faudrait que ces cadres placent tout en PER, s'ils leur restent suffisamment d'enveloppe déductible, pour ne pas payer plus d'impôts. Et la part patronale non restituée en salaire sera elle taxée à l'IS. Donc la réforme ne pourra qu'accroître les recettes fiscales !

Alors oui, ils ne cotiseront plus pour des droits (mais ils subiront le prélèvement de solidarité de 2,8% sur tout leur salaire) inférieur à 10.000 € par mois. C'est loin d'être un cadeau, si on en croit votre ami Piketty : s'ils sont structurellement bénéficiaires de la répartition car ils vivent plus longtemps que la moyenne, alors diminuer la part de leur salaire qui cotise pour des droits est une mauvaise affaire pour eux, et donc une bonne pour les finances des régimes de retraite ! Encore de la redistribution qui semble vous avoir échappé...

Pendant ce temps-là, oui, il faudra continuer à financer les droits de ceux qui ont cotisé pour les moins de 10.000 € jusqu'à la réforme. Ben oui, c'est bien la promesse de la répartition. Impasse financière pour le régime ?

Absolument pas, on parle encore une fois de moins de 1% des recettes.

Mais surtout, dans le même temps, il y aura l'effet symétrique : on fera cotiser sur une part plus large de revenus des indépendants et des fonctionnaires pour lesquels il n'y a pas encore de bénéficiaires. Aucun transfert, là-dedans, chacun aura bien payé pour ses droits.

Donc tout votre discours est bidon. A part ça, s'il y avait quand même 1 milliard de flux net en épargne retraite supplémentaire, ce qui serait déjà beaucoup, ce sont des banques et assurances françaises qui capteraient l'essentiel, comme actuellement sur le marché de l'épargne.

Alors oui, ils utiliseraient des gestionnaires d'actifs comme BlackRock (qui n'est donc pas un fonds de pension) pour les fonds collectés. Si BlackRock captait 10% de l'ensemble (énorme), ça ferait 100 millions sous gestion par an... soit 0,000014% de leurs 7.000 milliards gérés

Chaque année, certes, mais ça fait quand même peu pour un complot... Ah oui, Olivier, les 100 millions annuels appartiendraient aux épargnants, pas à BlackRock. Eux, il faut le préciser, ils font surtout des ETF [ndlr : exchanged-traded fund, fonds négociés en bourse], des produits indiciels avec des frais de gestion très faibles.

C'est ce qui a fait leur succès et c'est ce qui intéresse notamment les gérants français d'épargne retraite. Même en estimant les frais de gestion de BlackRock à 0,5% (ce serait plutôt moins), on arrive péniblement à 500 000 euros/an de revenus pour BlackRock avec ce marché...

Alors oui, comme justement ils sont des champions de ces produits indiciels, par exemple les ETF CAC40, et qu'ils sont le plus gros fonds au monde, ils possèdent forcément des pourcentages importants des capitalisations de l'indice. Mais pas qu'en France, en fait partout dans le monde.

Et justement, ça les conduit à être très suiveurs sur les votes aux AG en fonction des recos d'agences spécialisées (et très orientés ISR, Olivier !). On peut même dire que c'est le contraire de fonds activistes ou qui voudraient prendre le contrôle de leurs participations.

Et pour finir, d'où vient tout l'argent qu'ils gèrent, Olivier ? Pour beaucoup des fonds de pension là où il y a de la retraite par capitalisation. Cet argent, c'est celui de salariés et retraités... étrangers. Ce que la France a refusé et continue de refuser à ses salariés.

Car les 3 milliards des cotisations de salariés à moins de 10.000€ c'est peanuts et qu'au global avec cette réforme la retraite par répartition sera encore plus développée en France, et totalement étatisée. Avec plus de redistribution.

Eh oui, Olivier : c'est en fait une réforme de gauche.

Un dernier mot pour finir sur la Légion d'honneur. Je n'ai aucune sympathie pour ces décorations à titre civil. C'est une survivance napoléonienne désuète, qui infantilise des gens par ailleurs souvent très biens et qui crée un phénomène de cour. Ça aurait dû disparaître.

Mais bon, ça existe. A un certain âge, pour les cadres dirigeants de grandes entreprises et plus encore les hauts fonctionnaires, l'étonnant serait de ne pas avoir la Légion d'honneur et/ou le mérite. Quand il a été fait chevalier en 2006, Jean-François Cirelli avait occupé des fonctions éminentes :

Directeur de cabinet adjoint du Premier ministre, conseiller économique du Président de la République, 20 ans de service dans le public. A 47 ans, il était PDG de Gaz de France qui fusionnait avec Suez : chevalier de la Légion d'honneur, une quasi évidence. Et promu 13 ans après officier pour un profil comme ça, c'est presque la routine.

Ça n'a même rien de fulgurant. D'autant que Jean-François Cirelli, longtemps successeur naturel de Mestrallet chez Engie, se fait finalement doubler par Isabelle Kocher. Ce qui jouerait presque en faveur de compensations. Sa promotion comme officier de la Légion d'honneur était inéluctable, sauf gros faux pas.

Il devient patron de BlackRock en France ? Là aussi il a parfaitement le profil, les compétences, le réseau. Mais sa promotion dans la Légion d'honneur n'a pas de rapport, c'est un avancement naturel. Il aurait aussi bien pu revenir dans l'Etat, aller dans l'industrie ou même pêcher la truite".

Jean-Charles Simon a également tenu à répondu à Marylise Lebranchu. L'ancienne garde des Sceaux et ministre de la Justice entre 2000 et 2002 et l'ancienne ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique a publié le commentaire suivant suite aux nombreux messages de Jean-Charles Simon. Voici le message de Marylise Lebranchu : 

Marylise Lebranchu : "Monsieur Cirelli lui-même explique que la grande majorité de ses fonds sont ...de retraite et il félicite l’ouverture de l’épargne retraite de la loi pacte qui est un « bon texte » donc techniquement une partie de l’histoire vous a donc échappé, écoutez le".


Voici la réponde de Jean-Charles Simon : 
"Jean-Chalres Simon : Je connais ces propos, mais vous ne semblez pas distinguer les clients fonds de pension de Blackrock et son métier - la gestion d'actifs, principalement indicielle. Sinon, tout le marché a salué la partie PER de la loi Pacte, qui concerne au premier chef les assureurs français."

Pour retrouver les messages de Jean-Charles Simon : ICI

Pour retrouver les messages d'Olivier Faure : ICI

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