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Sites miroir : la guerre (sans espoir) du gouvernement contre l’internet français continu
©Reuters

(Petite) guerre ?

Pour les politiciens français, toute liberté n’est que menace. Elle doit être sévèrement encadrée, régulée voire réprimée si c’est possible puisqu’elle représente une façon de s’affranchir de l’influence de l’État.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Pour les politiciens français, toute liberté n’est que menace. Elle doit être sévèrement encadrée, régulée voire réprimée si c’est possible puisqu’elle représente une façon de s’affranchir de l’influence de l’État et, plus concrètement, de s’affranchir de leur pouvoir. Or, si les députés, les ministres et tous les autres élus se sont bien fait suer pour arriver là où ils sont, ce n’est certainement pas pour voir se débiner sans mal ceux sur lesquels ils entendent régner, scrogneugneu !

C’est donc exactement pour cela que, dès ses débuts, un espace de liberté comme internet n’a jamais été considéré que comme un danger avant tout et que nos politiciens, dès les années 1990 où le développement des réseaux de réseau devenait enfin visible, se sont donc employés à déverser lois, décrets et contraintes pour l’amener dans le champ du régulable et du taxable.

Malheureusement, au contraire de bien des domaines dont la nature concrète rend aisées les opérations de bombardement législatif en continu, la nature essentiellement abstraite et numérique d’internet, ainsi que la technicité claire de ce domaine provoquent une dissonance cognitive grave entre d’un côté, la volonté farouche de nos pisse-lois d’enfin l’encadrer au plus serré, et de l’autre, ce marché fluide, extrêmement mobile et versatile, que ceux qui l’utilisent maîtrisent finalement nettement mieux que ces trop zélés élus.

Autrement dit, pour internet, il est bien plus aisé de pondre de la loi au kilomètre que de la faire appliquer et qu’elle ait effectivement un impact. On pourrait multiplier les exemples où le législateur s’est parfaitement ridiculisé avec ses tentatives idiotes, depuis HADOPI en passant par l’obligation de facturer la livraison pour Amazon (qui a donc facturé 1 centime) jusqu’à la dernière tentative de taxe GAFA qui sera, comme tout le monde s’y attendait, intégralement reportée sur les vendeurs et donc sur le consommateur, mais on comprend rapidement l’idée : dans le domaine, les agitations de nos élus, ministres et autres sbires gouvernementaux se sont systématiquement soldées par des échecs qui, bien qu’inavoués, n’en sont pas moins cuisants.

C’est donc sans surprise mais avec cette consternation toujours entière que nous découvrons l’énième tentative de nos gouvernants de faire semblant d’y comprendre quelque chose aux problèmes de copie privée, de droit d’auteur, de blocage de sites et d’interdictions de contenus divers et variés : l’idée est encore une fois aussi simple qu’idiote puisque, cette fois-ci, le gouvernement entend « muscler » la lutte contre les sites méchants en pourchassant de leurs assiduités mal foutues « les sites miroirs ».

Ainsi, profitant de l’improbable fusion entre la HADOPI (dont on ne rappellera surtout pas les performances, cataclysmiques) et le CSA pour enfin disposer d’un mélange carpe/lapin à même de faire des étincelles sur les intertubes, Franck Riester, l’actuel ministricule de la Culture, tente de pousser une nouvelle bordée de petites lois de derrière les fagots pour lutter notamment contre ces abominables sites pourtant interdits (parce que produisant du contenu « contrefait ») qui se servent de noms de domaine non couverts par les décisions de justice pour continuer leurs méfaits.

On attend avec gourmandise les textes de lois précis et pointus qui tenteront d’encadrer une pratique dont les déclinaisons sont suffisamment larges pour rendre rapidement caduques ces pathétiques tentatives, et avec la même appétence le développement de l’utilisation de services VPN qui ruinera durablement les éventuels résultats que l’ARCOM, la fumeuse fusion CSA-HADOPI, ne manquera pas de fanfaronner sur toutes les ondes pour justifier de son existence.

Eh oui : la loi n’est pas encore votée ni même appliquée, la fusion n’est pas même encore opérée qu’il existe déjà de multiples solutions à la fois simples et peu coûteuses pour contourner les décisions de justice françaises basées sur des textes législatifs écrits par des personnes qui n’y comprennent à peu près rien…

Et si nos gouvernants comprennent confusément leur impuissance, ils ne peuvent tout simplement pas se résoudre à cette dernière, malgré les échecs, les coûts, l’humiliation qu’ils subissent et font subir à l’appareil législatif et judiciaire français, et ce quand bien même cette impuissance ne se traduit par aucun effet néfaste palpable (doit-on encore une fois revenir sur les chiffres de tous les domaines soit-disant impactés négativement par la copie pirate et dont les profits sont, actuellement, au plus haut ?).

Et malgré l’échec humiliant de ces mesures généralement inappropriées voire contre-productives, on continue d’observer un acharnement compact de la part des gouvernants et des élus à vouloir absolument dicter au numérique sa façon de se comporter, sans jamais tenir compte des effets de bord néfastes et de plus en plus nombreux qu’entraîne cette politique de législation compulsive.

Ainsi, à mesure que l’internet « à la française » ressemble de plus en plus à un rigolodrome des contournements rapides de lois imbéciles (au milieu d’un internet « à l’européenne » passablement encombré de popups aussi agaçants qu’inutiles à la sauce RGPD), on découvre que nos députés continuent obstinément sur la lancée générale de législorrhée : et c’est ainsi qu’internet devient un champ d’expérimentation pour le signalement vertuel grotesque d’une député LREM, Paula Forteza, qui entend montrer à tout le monde à quel point elle est bien bio-compatible et éco-consciente en imposant une interdiction de l’autoplay sur les navigateurs internet, ainsi qu’une réduction de la résolution des vidéos, le tout pour favoriser une baisse de la consommation énergétique des internautes.

Oui, vous avez bien lu : barbouillant son texte de « sobriété énergétique du numérique », la député LREM demande donc que les contenus vidéos soient « proposés par défaut dans une qualité combinant un confort suffisant pour l’utilisateur et la consommation de données la plus faible possible », ceci afin de « diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la consultation de vidéos en ligne ».

Lutte chimérique contre la copie numérique et les sites miroirs, lutte ridicule contre un chat spatial géant rose qui ne fait rien qu’à réchauffer la planète avec ses vidéos pornos en 4K, rien n’arrête l’engeance politique qui cherche encore une fois à justifier son existence en multipliant les jetons de présence législatifs qui viendront s’entasser sur des codes déjà obèses.

Toujours jugée aux intentions et jamais à ses résultats, cette engeance continue à pourrir la vie de ceux qui ne lui ont pourtant rien demandé.

Vous ne vouliez pas d’une augmentation des coûts de livraison ? Vous l’avez eue. Vous ne vouliez pas d’une taxe GAFA ? Vous la paierez quand même. Vous n’aviez nul besoin d’une HADOPI inutile, d’un CSA encombrant ? Vous aurez l’ARCOM, la fusion des deux, tout aussi nulle, mais certainement encore plus coûteuse. Vous n’aviez que faire d’une interdiction de l’autoplay, d’une diminution a priori de votre qualité d’image vidéo ? Peu importe, la députaillerie tentera de vous l’imposer !

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